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09/11/2023 | FRANCE | N°22VE00022

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 novembre 2023, 22VE00022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance n° 1909725 du 15 novembre 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a donné acte de son désistement d'office.

Procédure devant la cour :

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ar une requête enregistrée le 5 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Creac'h, avocat, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014, et des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance n° 1909725 du 15 novembre 2021, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a donné acte de son désistement d'office.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Creac'h, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun élément ne permettait au tribunal de considérer qu'elle ne portait plus d'intérêt au maintien de sa demande ; il appartenait au tribunal de statuer dans un délai raisonnable ;

- elle a confirmé le maintien de sa demande dans le délai prescrit.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- les conclusions à fin de décharge ne sont assorties d'aucun moyen ;

- la réclamation est tardive s'agissant de l'imposition établie au titre de l'année 2012 ;

- les conclusions à fin de décharge sont irrecevables à hauteur du dégrèvement partiel des prélèvements sociaux prononcé le 17 juin 2019 au titre des années 2013 et 2014 ;

- le surplus de la demande n'est pas fondé.

Par ordonnance du 31 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2023 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., gérante et associée de la SARL FY Nett, qui a cessé son activité le 30 novembre 2012, puis dirigeante et associée unique de la SASU FK Services, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2012, à l'issue duquel un dividende de 15 000 euros, reçu de la SARL FY Nett, a été rattaché à son revenu global, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par ailleurs, la société FK Services a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 8 janvier 2013 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés a été établi, à défaut de déclaration, à 47 842 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et à 2 561 euros au titre de l'exercice clos en 2014, sommes regardées comme distribuées à Mme A... en qualité de maître de l'affaire. Mme A... a contesté les suppléments d'impôt sur le revenu qui en ont résulté par une réclamation du 20 mai 2019, admise par le service en ce qui concerne seulement la majoration de 1,25 de la base des prélèvements sociaux. Elle relève appel de l'ordonnance du 15 novembre 2021 par laquelle le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a donné acte de son désistement d'office, au motif qu'elle n'avait pas confirmé le maintien de sa demande, dans le délai imparti, de sa demande de décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions. "

3. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une lettre en date du 1er septembre 2021, transmise au conseil de Mme A... au moyen de l'application informatique Télérecours mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a demandé à Mme A... de confirmer sa demande de décharge dans un délai de quarante jours. Toutefois, ni le délai écoulé depuis l'enregistrement de sa requête, ni l'absence de réplique au mémoire en défense, ni la fin de non-recevoir soulevée en défense par l'administration fiscale concernant l'imposition relative à l'année 2012 ne permettaient de s'interroger sur l'intérêt que conservait pour Mme A... sa demande en ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014. En outre, son conseil a expressément confirmé le maintien de la demande, dans le délai de quarante jours qui lui était donné par la demande de maintien du 1er septembre 2021, par une lettre du 5 octobre 2021 enregistrée par erreur dans une instance terminée relative à l'impôt sur le revenu des années 2009 à 2011 de Mme A..., sans que le greffe de la juridiction ne lui signale cette erreur de transmission. Dans ces circonstances, Mme A... est fondée à soutenir que le tribunal a fait une inexacte application des dispositions rappelées au point 2 et que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin de décharge :

6. Saisi par la voie de l'évocation, le juge statue sur les moyens soulevés en première instance et en appel. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que les conclusions à fin de décharge présentées en appel n'ont été assorties d'aucun moyen dans le délai de recours, ne peut qu'être écartée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 :

7. Aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. " Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 189 du même livre précise que : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée.

8. L'administration fiscale a adressé à Mme A..., le 25 novembre 2015, une proposition de rectification de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, qui lui a ouvert un délai de spécial de réclamation s'achevant au 31 décembre 2018. La circonstance que l'imposition a été mise en recouvrement le 30 septembre 2016 et l'avis d'imposition édité le 26 novembre 2018 est sans incidence sur l'expiration de ce délai. Par suite, la réclamation du 20 mai 2019 était tardive et la demande de décharge présentée par Mme A... est irrecevable en ce qui concerne l'imposition supplémentaire mise à sa charge au titre de l'année 2012.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin de décharge à hauteur de l'admission partielle de la réclamation :

9. Par une décision du 17 juin 2019 d'admission partielle de la réclamation de la contribuable, l'administration fiscale a déchargé Mme A... des suppléments d'imposition correspondant à la majoration de 1,25 de la base d'imposition des prélèvements sociaux. Le ministre est dès lors fondé à soutenir que les conclusions à fin de décharge ne sont pas recevables à concurrence des impositions dégrevées avant l'introduction du recours contentieux. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de cette majoration est inopérant.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de moyens concernant certains rehaussements :

10. Si Mme A... ne soulève pas de moyens concernant les rectifications en matière de revenus fonciers perçus de la SASU FK Services en 2013 et 2014 et la remise en cause des frais et charges qu'elle avait déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de l'année 2014, sa demande de décharge n'en est pas moins recevable.

Sur la régularité de la procédure d'imposition au titre des années 2013 et 2014 :

11. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ".

12. La proposition de rectification du 16 février 2016 indique les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Elle est, ainsi, suffisamment motivée. Si Mme A... soutient que la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce que le service vérificateur a cumulé des sommes effectivement appréhendées et des revenus présumés distribués, sa contestation porte sur le bien-fondé de la rectification et non sur la régularité formelle de la proposition de rectification.

Sur le bien-fondé des impositions au titre des années 2013 et 2014 :

13. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire. Il est en conséquence présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

14. En premier lieu, à défaut de déclarations depuis sa création et de présentation de la comptabilité, les bénéfices de la SASU FK Services ont été reconstitués d'après les documents présentés au cours du contrôle, à savoir les relevés bancaires, les factures clients, les factures fournisseurs, un tableau récapitulatif des factures fournisseurs et un tableau récapitulatif des factures clients, établis en cours de contrôle. Il est apparu que 18 des 19 chèques correspondant aux factures du fournisseur Hygiène Technique avaient été établis à l'ordre de M. C... A..., frère de Mme A.... La charge a été rejetée, augmentant d'autant le bénéfice imposable de la société, réputé distribué à Mme A.... Il n'en résulte toutefois aucun cumul des sommes directement appréhendées par le frère de la contribuable, et des sommes réputées lui avoir été distribuées, ni double imposition. Mme A... n'est pas davantage fondée à soutenir que la méthode de reconstitution du bénéfice de la société FK Services serait radicalement viciée. Quant aux loyers reçus de la société FK Services, d'un montant de 5 736 euros, ils ont été admis en charge au niveau de la société et rectifiés entre les mains de Mme A..., dans la catégorie des revenus fonciers et non dans celle des revenus de capitaux mobiliers. Par suite, le moyen tiré de ce que le montant des distributions excède les produits constatés au titre des deux exercices en cause ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, pour regarder Mme A... comme seule maître de l'affaire, l'administration fiscale, qui n'est pas tenue de mettre en œuvre la procédure de désignation des bénéficiaires des distributions prévue à l'article 117 du code général des impôts, a relevé que celle-ci était dirigeante et associée unique de la SASU FK Services, dont le siège est à son domicile, qu'elle en est seule exploitante et qu'elle disposait de la signature bancaire. En outre, elle a signé les chèques libellés à l'ordre de son frère et a présenté au cours du contrôle les factures fictives du fournisseur Hygiène Technique pour justifier de ces versements. La qualité de seule maître de l'affaire suffit à regarder la contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu'elle n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il ne serait pas établi que la requérante a appréhendé les revenus réputés lui avoir été distribués par la société FK Services ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme A... doit être rejetée, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1909725 du 15 novembre 2021 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande de Mme A... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE00022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00022
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.

Procédure - Incidents - Désistement - Désistement d'office.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CREAC'H

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-09;22ve00022 ?
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