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09/11/2023 | FRANCE | N°21VE02496

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21VE02496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Etablissements Montcassin a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré immédiatement cessibles pour cause d'utilité publique, au profit de l'établissement foncier public d'Ile-de-France, les parcelles cadastrées section S n° 30, 34, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 50, 54 et 74, pour la réalisation du projet d'aménagement du secteur " Eco-quartier Rolland Courbet " dans la zone d'aménagement conce

rté " Eco-quartier Victor Hugo " à Bagneux et de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Etablissements Montcassin a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré immédiatement cessibles pour cause d'utilité publique, au profit de l'établissement foncier public d'Ile-de-France, les parcelles cadastrées section S n° 30, 34, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 50, 54 et 74, pour la réalisation du projet d'aménagement du secteur " Eco-quartier Rolland Courbet " dans la zone d'aménagement concerté " Eco-quartier Victor Hugo " à Bagneux et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905491 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 août 2021 et le 19 janvier 2023, la société Les Etablissements Montcassin, représentée par Me Pouilhe, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir en tant que locataire ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact en ce qui concerne les effets cumulés du projet avec d'autres projets ;

- il est entaché d'une erreur de fait et d'erreurs de droit ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article R. 131-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dès lors que le dossier soumis à enquête a été modifié après que l'ouverture de l'enquête parcellaire ait été prescrite et qu'il n'est pas précisé la nature de ces modifications ;

- il méconnait l'article R. 131-9 du même code, ainsi que l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le rapport du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé ;

- il n'est fondé sur aucune déclaration d'utilité publique du projet dès lors que l'opération " Eco-quartier Rolland Courbet " est sans lien avec la déclaration d'utilité publique de 2014 pour l'opération " Eco-quartier Victor Hugo " ;

- l'étude d'impact est insuffisante sur les effets du projet sur son activité, les études de circulation, sur les effets temporaires durant la phase de travaux, ainsi que sur les effets cumulés des autres projets connus ;

- l'opération porte atteinte à ses activités d'intérêt public ;

- les modifications apportées au projet ayant donné lieu à une déclaration d'utilité publique sont substantielles et auraient dû conduire à la mise en œuvre d'une nouvelle procédure.

Par des mémoires enregistrés le 14 octobre 2022 et le 22 février 2023, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), représenté par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête et à ce que la société Les Etablissements Montcassin soit condamnée à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la société Les Etablissements Moncassin, simple occupant des parcelles en cause, n'a pas intérêt à agir et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 27 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés et s'associe aux écritures présentées par l'EPFIF.

La société Les Etablissements Montcassin a produit un mémoire le 4 octobre 2023 qui n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 octobre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son premier protocole additionnel ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations Me Savereux-Joly, avocate, représentant l'établissement public foncier d'Ile-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté du 22 septembre 2014, déclaré d'utilité publique, au profit de la SEMABA, le projet de réalisation de la zone d'aménagement concertée " Eco-quartier Victor Hugo " sur le territoire de la commune de Bagneux. Par un arrêté du 24 mai 2017, le préfet des Hauts-de-Seine a modifié celui du 22 septembre 2014 afin de déclarer d'utilité publique ce même projet d'aménagement au profit désormais de la SADEV 94 et de l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), dans les limites de leur périmètre d'intervention respectif qu'il fixe. Par un arrêté du 26 février 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré cessible au profit de l'EPFIF les parcelles de terrain cadastrées S n° 30, 34, 37, 39, 40, 41, 41, 42, 43, 50, 54 et 74 comme nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement du secteur " Eco-quartier Rolland Courbet " dans la ZAC Victor Hugo à Bagneux. Par un jugement du 22 juin 2021, dont la société Les Etablissements Montcassin relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

3. Il ressort, d'une part, des termes du point 10 du jugement attaqué, que le tribunal administratif, après avoir relevé que l'arrêté en litige a été pris au vu de celui du 22 septembre 2014 portant déclaration d'utilité publique de la ZAC Victor Hugo, modifié à deux reprises, a mentionné que l'EPFIF avait été chargé d'acquérir les parcelles nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement du secteur Rolland Courbet, qui fait partie, comme le relève le commissaire enquêteur, de la ZAC précitée. D'autre part, il ressort du point 16 du jugement attaqué que le tribunal, après avoir constaté que l'étude d'impact ne contenait pas d'analyse globale des effets cumulés du projet avec les autres projets connus du secteur, a estimé que cette insuffisance n'était pas de nature à nuire à l'information complète de la population, ni à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Dans ces conditions, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la société requérante, ont répondu, par une motivation suffisante, aux moyens tirés de ce que l'arrêté en litige n'est pas fondé sur une délibération déclarant d'utilité publique la réalisation du projet " Eco-quartier Rolland Courbet " et de ce que l'étude d'impact est insuffisante. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer doit être écarté.

4. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La société requérante ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit et de fait qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. La société Les Etablissements Montcassin qui exerçait une activité de fourrière sur un terrain cadastré S n° 30 situé 33 rue Gustave Courbet à Bagneux déclaré cessible par l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 26 février 2019, a intérêt et, par suite, qualité pour contester la légalité de cet arrêté. La fin de non-recevoir soulevée par l'EPFIF sur ce point ne peut donc qu'être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté de cessibilité du 26 février 2019 :

6. En premier lieu, l'article R. 131-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précise que le dossier soumis à enquête parcellaire transmis par l'expropriant au préfet du département comporte un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments, ainsi que la liste des propriétaires. Aux termes de l'article R. 131-4 du même code : " I. Le préfet territorialement compétent définit, par arrêté l'objet de l'enquête et détermine la date à laquelle elle sera ouverte ainsi que sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours. (...) ".

7. Il ne ressort ni des dispositions précitées de l'article R. 131-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ni d'aucune autre disposition de ce code, que le dossier d'enquête parcellaire, dont il n'est pas contesté en l'espèce qu'il comportait le plan parcellaire et la liste des propriétaires prévus à l'article R. 131-3 du code de l'expropriation, documents en rapport avec l'objet de l'enquête défini par l'arrêté du 25 mai 2018, ne peut pas être modifié avant le début de l'enquête. Ces dispositions n'ont pas davantage pour objet ou pour effet d'imposer au commissaire enquêteur de mentionner dans son rapport d'enquête la liste des modifications qui peuvent ainsi être apportées avant le début de l'enquête parcellaire, dès lors que le dossier dans l'état dans lequel il est mis à disposition du public permet à ce dernier de bénéficier d'une information complète et sans erreur sur le projet qui lui est soumis. Le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'un vice de procédure dès lors que le dossier soumis à enquête parcellaire a été modifié entre la date à laquelle l'enquête publique a été prescrite par arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 25 mai 2018 et le début de l'enquête le 12 juin suivant, sans que le rapport du commissaire enquêteur n'indique précisément la nature et la portée de ces modifications, ne peut dès lors qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 131-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " A l'expiration du délai fixé par l'arrêté prévu à l'article R. 131-4, les registres d'enquête sont clos et signés par le maire et transmis dans les vingt-quatre heures, avec le dossier d'enquête, au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête. / Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête donne son avis sur l'emprise des ouvrages projetés, dans le délai prévu par le même arrêté, et dresse le procès-verbal de l'opération après avoir entendu toutes les personnes susceptibles de l'éclairer (...) ".

9. Après avoir recueilli les observations du public, le commissaire-enquêteur doit exprimer un avis personnel. Il n'est pas tenu de répondre à chacune des observations qui lui ont été présentées, ni de se conformer à l'opinion, même unanime, des personnes ayant participé à l'enquête.

10. En l'espèce, le commissaire enquêteur, après avoir relevé que six observations seulement avaient été émises dans le cadre de l'enquête parcellaire portant sur l'intérêt du projet ou d'autres sujets annexes et non sur son emprise, a constaté que cette dernière n'était pas remise en cause, puis a émis un avis favorable sans réserve à cette enquête parcellaire conformément aux dispositions de l'article R. 131-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le commissaire enquêteur n'avait pas à motiver de manière spécifique, pour chacune des parcelles concernées, les raisons pour lesquelles il émettait un avis favorable. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du rapport du commissaire enquêteur relatif à l'enquête parcellaire doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales portant sur la protection de la propriété sur ce point doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle- ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique ". Ni cette disposition ni aucune autre disposition législative ou règlementaire n'impose que l'ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d'un projet déclaré d'utilité publique fasse l'objet d'un unique arrêté de cessibilité. Des arrêtés de cessibilité peuvent dès lors être pris successivement si l'expropriation de nouvelles parcelles se révèle nécessaire pour la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique.

12. Il ressort de l'intitulé même de l'arrêté attaqué que le projet d'aménagement intitulé " Eco-quartier Rolland Courbet " constitue un ensemble du projet d'aménagement plus vaste de l'" Eco-quartier Victor Hugo " déclaré d'utilité publique par un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 22 septembre 2014. Il ressort également de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 24 mai 2017, qui a modifié celui de 2014 pour confier à la SADEV 94 et à l'EPFIF la réalisation du projet " Eco-quartier Victor Hugo " et notamment du plan délimitant le périmètre d'intervention respectif de ces deux organismes, annexé à cet arrêté, que le projet d'aménagement " Eco-quartier Victor Hugo " inclut les terrains déclarés cessibles par l'arrêté en litige et regroupés au sein d'un secteur intitulé " Rolland Courbet ". Il ressort également de la notice explicative du projet d'aménagement de " l'Eco-quartier Victor Hugo " que, compte tenu de son ampleur, l'aménagement doit se dérouler sur une dizaine d'années au terme d'une réalisation en plusieurs phases. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige portant sur la cessibilité des parcelles comprises dans le secteur de " l'Eco-quartier Rolland Courbet " méconnait les dispositions de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation dès lors qu'il ne peut être fondé sur l'arrêté du 22 septembre 2014 déclarant d'utilité publique le projet " Eco-quartier Victor Hugo ", alors que le secteur Rolland Courbet en constitue l'une des phases, ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.- L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : - ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; - ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté au titre des articles R. 214-6 à R. 214-31 mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage ; (...) ".

14. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

15. Il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact présente de manière suffisamment précise le contexte économique et commercial. Elle recense les catégories d'entreprises et activités présentes sur le site et analyse les données recueillies sur ce point en évoquant notamment la présence de commerces très dispersés consacrés à l'automobile. Les effets du projet sur ces entreprises et activités, qui devrait conduire à la création de nombreux emplois et à l'essor d'activité, sont également présentés. Elle mentionne que les activités supprimées dans le cadre du projet pourront être relocalisées sur le territoire communal au sein d'une zone d'activités en cours d'étude. L'étude d'impact comporte en annexe 2 une étude de déplacements et de stationnements, d'une cinquantaine de pages, qui présente de manière suffisamment précise l'ensemble des problématiques liées à la circulation automobile, ainsi qu'à la présence des transports en commun actuels et à venir. Il ressort également des pièces du dossier que l'étude d'impact analyse de façon suffisamment détaillée les incidences temporaires du projet pendant la phase des travaux. Les mesures de réduction, d'accompagnement ou de compensation des impacts sont présentées pour chaque incidence recensée. Elle comporte une description des différentes phases de l'opération et n'avait pas pour objet d'évoquer dans le détail les impacts temporaires résultant de la réalisation du programme en plusieurs tranches. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, l'étude d'impact comprend une analyse suffisante des effets cumulés du projet avec les autres projets de transport en commun connus, les projets de Grand Paris express et d'extension de la ligne 4 du métro, en particulier s'agissant de la phase de chantier. En outre, si les effets cumulés avec les autres projets de zone d'aménagement concerté sont évoqués succinctement avec chacun de ces projets pris isolément, cette analyse est également suffisante dès lors que le projet de zone d'aménagement concerté le plus proche est distant d'1,3 kilomètres du projet en litige. Il résulte de l'ensemble de ces éléments combinés que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté dans toutes ses branches.

16. En cinquième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

17. Le moyen tiré de ce que les inconvénients engendrés par le projet d'aménagement de la ZAC " Eco-quartier Victor Hugo " pour la société requérante seraient excessifs au regard de la finalité d'intérêt général de ce projet, et alors qu'elle ne justifie pas en appel des difficultés qu'elle invoque, doit être écarté par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 18 du jugement attaqué.

18. En sixième et dernier lieu, la société requérante soutient qu'à la date de l'arrêté en litige, le projet d'aménagement avait perdu son caractère d'utilité publique en raison de la modification de ses caractéristiques notamment l'augmentation de la surface de plancher des logements et la réduction de celle affectée aux activités et services, ainsi que de celle du changement de l'aménageur et de la création de " l'Eco-quartier Rolland Courbet " qui illustre le changement d'échelle de l'opération.

19. Toutefois, s'il est constant que le projet " Eco-quartier Victor Hugo " a sensiblement évolué pour densifier les surfaces affectées au logement, qui passent de 75 000 m² à 120 000 m² en diminuant celles affectées aux activités économiques de 155 000 m² à 145 000 m², en raison de la confirmation de l'arrivée de deux nouvelles lignes de métro, une telle modification de la destination des ouvrages, alors que le plan de masse n'a pas été modifié et eu égard à l'ampleur du projet qui porte sur la création d'une surface de plancher totale de plus de 250 000 m², n'affecte pas de façon substantielle les caractéristiques essentielles de l'opération telle que celle-ci a été déclarée d'utilité publique par décret du 22 septembre 2014 et ne méconnaît donc pas la portée de la déclaration d'utilité publique. Ni le changement du bénéficiaire de l'opération, dont l'aménagement a été confié en dernier lieu à la SADEV 94, ni la circonstance que la phase du projet consacrée à l'aménagement du quartier délimité par les rues Rolland et Courbet a été nommée secteur " Eco-quartier Rolland Courbet ", ne sont par ailleurs susceptibles de constituer un changement de la consistance du projet. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les Etablissements Moncassin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Etablissements Moncassin une somme de 1 500 euros à verser à l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Les établissements Moncassin est rejetée.

Article 2 : La société Les Etablissements Moncassin versera à l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la société Les Etablissements Moncassin, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ainsi qu'à l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02496
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Règles générales de la procédure normale. - Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : POUILHE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-09;21ve02496 ?
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