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07/11/2023 | FRANCE | N°23VE00948

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 novembre 2023, 23VE00948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 1er décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoind

re au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer une au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 1er décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2209552 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, M. B..., représenté par Me Delorme, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aurait dû être saisie dès lors qu'il justifiait d'une présence en France de plus de dix ans ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de fait quant aux preuves de présence fournies en première instance ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article

L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il réside en France depuis plus de dix ans et qu'il est parfaitement intégré dans la société française ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Houllier.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 25 janvier 1986 et entré en France le 20 janvier 2012 selon ses déclarations, fait appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 1er décembre 2022 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de fait qu'aurait commise le tribunal administratif pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle la situation de M. B..., notamment sa date d'entrée en France, les étapes de sa demande d'asile, sa situation professionnelle et personnelle et vise avec précision les documents fournis pour étayer la durée de sa présence en France. Dans ces conditions, cet arrêté, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé et a, pour les mêmes raisons, été précédé d'un examen particulier de la situation de M. B....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

5. Si le requérant soutient que le préfet de l'Essonne aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il réside habituellement en France depuis plus de dix ans, les pièces qu'il fournit ne permettent pas d'établir sa présence sur toute cette période. En particulier, les pièces produites au titre du premier semestre 2017 et des mois de janvier à mai 2019, essentiellement composées de factures d'achat établies à son nom, des avis d'imposition pour cette période et d'une ordonnance médicale, ne présentent pas de caractère probant suffisant pour établir que M. B... résidait habituellement en France au cours de ces périodes. Dans ces conditions, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

6. En troisième lieu, en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. En l'espèce, M. B..., qui déclare être entré en France en janvier 2012, se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français ainsi que de son intégration tant sociale et professionnelle que linguistique. Toutefois, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité, ni l'intensité de ses attaches privées et familiales en France. En outre, s'il établit avoir résidé plusieurs années en France, il ne démontre pas, ainsi que cela a été rappelé au point 5 du présent arrêt, une durée de résidence de plus de dix ans, contrairement à ce qu'il allègue. Par suite, c'est sans méconnaître les dispositions précitées, ni entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, que le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 précité.

8. En dernier lieu, si M. B... soutient qu'il est entré en France en janvier 2012 et qu'il est désormais parfaitement intégré dans la société française, il résulte de ce qui a été exposé au point 7 qu'il n'établit pas la réalité de ses liens sociaux et professionnels en France, alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans, au moins, au Pakistan où réside encore sa famille. Par suite, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le préfet a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 7 et 8 que le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

S. HoullierLa présidente,

C. Signerin-IcreLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00948
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : DELORME

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-07;23ve00948 ?
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