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13/10/2023 | FRANCE | N°21VE02491

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 13 octobre 2023, 21VE02491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E..., M. G... E..., Mme F... B... et Mme D... E... épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération n° 9/31/05/18 du 31 mai 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Belloy-en-France a décidé d'incorporer au domaine public communal le bien situé 19, route de Paris, cadastré section A n° 215 à 217, à Belloy-en-France, ainsi que l'arrêté n° 99/18 du maire de la commune en date du 5 juin 2018 portant incorporation de ce bien au domaine c

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Par un jugement n° 1807702 du 24 juin 2021, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E..., M. G... E..., Mme F... B... et Mme D... E... épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération n° 9/31/05/18 du 31 mai 2018 par laquelle le conseil municipal de la commune de Belloy-en-France a décidé d'incorporer au domaine public communal le bien situé 19, route de Paris, cadastré section A n° 215 à 217, à Belloy-en-France, ainsi que l'arrêté n° 99/18 du maire de la commune en date du 5 juin 2018 portant incorporation de ce bien au domaine communal.

Par un jugement n° 1807702 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération n° 9/31/05/18 du conseil municipal de Belloy-en-France du 31 mai 2018 et l'arrêté n° 99/18 du maire de cette commune du 5 juin 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 août 2021 et 14 novembre 2022, la commune de Belloy-en-France, représentée par Me Gardarein et Me Piazzi, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge des consorts I... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en rejetant la fin de non-recevoir qu'elle avait opposé en première instance, tirée du défaut d'intérêt à agir des consorts I..., dès lors que le maintien de la personnalité morale d'une société civile radiée du registre du commerce et des sociétés permet uniquement d'apurer le passif ou de régler les créanciers et ne permet pas la transmission de parts sociales ; les statuts de la SCI Le Point du jour ne donnent pas aux demandeurs intérêt à agir en ce que les transmissions par voie de succession requièrent un agrément des associés à hauteur d'au moins 3/4 des parts sociales et que l'agrément de M. G... E..., qui possède 3/4 des parts sociales, n'a pas été sollicité ; enfin, les détenteurs de parts d'une SCI ne sont pas propriétaires des biens immobiliers qu'elle détient et la revendication de propriété ne peut qu'émaner de la SCI elle-même ;

- les formalités prévues par l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques ont bien été respectées, y compris la procédure d'enquête préalable visant à rechercher d'éventuels propriétaires et à vérifier si la taxe foncière sur les propriétés bâties n'a pas été acquittée ou a été acquittée par un tiers ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant que les conditions posées par l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques n'étaient pas réunies dès lors que, d'une part, seule la SCI Le Point du jour pouvait être considérée comme propriétaire du bien immobilier et non les associés, qui ne détiennent que des parts sociales, et, d'autre part, les prélèvements effectués par les services fiscaux au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties à hauteur de 1 000 euros les 31 août et 15 octobre 2015 ont été faits directement sur le compte bancaire de la SCI et non par paiement direct des consorts I....

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, M. A... E..., M. G... E..., Mme F... B... et Mme D... E..., représentés par Me Lazennec, avocat, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Belloy-en-France une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il n'est pas contesté que le bien immobilier en litige n'a fait l'objet d'aucune mutation depuis son acquisition par la SCI Le Point du jour le 6 juillet 1990, tout comme il n'est pas contesté qu'une hypothèque légale a été inscrite par le trésor public le 22 juin 2016 ;

- la radiation de la SCI Le Point du jour du registre du commerce et des sociétés est sans conséquence sur la subsistance de l'actif immobilier que détient la société et qui, suite à la mort de M. C... E..., l'un des associés fondateurs, a été transmis à ses héritiers, à savoir M. A... E..., Mme F... B... et Mme D... E..., et dont le reste des parts sociales a été conservé par les deux autres associés fondateurs, M. A... E... et M. G... E... ;

- il est constant que la taxe foncière sur les propriétés bâties a été partiellement acquittée au moyen de prélèvements à hauteur de 1 000 euros intervenus les 31 août et 15 octobre 2015 ;

- en tout état de cause, ils se sont fait connaître dans le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques de sorte que l'arrêté n° 99/18 du maire de la commune de Belloy-en-France du 5 juin 2018 portant incorporation de ce bien au domaine communal était nécessairement illégal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Lazennec, pour M. A... E..., M. G... E..., Mme F... B... et Mme D... E....

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de la commune de Belloy-en-France a, par une délibération n° 9/31/05/18 du 31 mai 2018, décidé de procéder à l'incorporation dans le domaine communal d'un bien situé 19, route de Paris, cadastré section A n° 215 à 217, présumé sans maître, en application des articles L. 1123-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques. Le maire de la commune de Belloy-en-France a, par un arrêté du 5 juin 2018, constaté l'incorporation de ce bien dans le patrimoine communal. La commune de Belloy-en-France fait appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette délibération et cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Belloy-en-France à la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article 1844-8 du code civil : " La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication. (...) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci ". En outre, aux termes de l'article 1844-9 du même code : " Après paiement des dettes et remboursement du capital social, le partage de l'actif est effectué entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices, sauf clause ou convention contraire. / Les règles concernant le partage des successions, y compris l'attribution préférentielle, s'appliquent aux partages entre associés ". La personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Aux termes de l'article 2 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : " Aucune modification de la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation cadastrale, si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été préalablement publié au fichier immobilier. " L'article 28 du décret précité prévoit que : " Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles : / 1° Tous actes, même assortis d'une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs : / a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l'article L. 132-3 du code de l'environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le bien litigieux a été acquis par la SCI Le Point du jour, qui a été constituée en vue de son acquisition. Si cette SCI a été liquidée pour insuffisance d'actif par un jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 18 juin 2004, puis radiée du registre du commerce et des sociétés, cet élément d'actif n'a pas été vendu par cette société depuis son acquisition, ni incorporé à cette liquidation. En outre, les parts de cette SCI dont ce bien appartenant à son associé, M. C... E... ont, après son décès intervenu le 19 janvier 2015, été transmises en indivision à ses héritiers M. A... E..., Mme F... B... et Mme D... E..., comme en atteste un acte authentique du 30 juin 2015 valant certificat de propriété de ces parts établis par notaire. Le bien en litige est donc resté la propriété de cette SCI. Ainsi, alors que la personnalité morale d'une société subsiste aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés, les requérants justifient en leur qualité d'associés de la SCI Le Point du jour, d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation des décisions attaquées. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Belloy-en-France doit être écartée.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

4. Aux termes de l'article L. 1123-1 du code de la propriété des personnes publiques dans sa version applicable à la date des décisions contestées : " Sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 et qui : (...) / 3° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu, qui ne sont pas assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et pour lesquels, depuis plus de trois ans, la taxe foncière sur les propriétés non bâties n'a pas été acquittée ou a été acquittée par un tiers. Le présent 3° ne fait pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription. ". Aux termes de l'article L. 1123-4 du même code : " L'acquisition des immeubles mentionnés au 3° de l'article L. 1123-1 est opérée selon les modalités suivantes. / Au 1er mars de chaque année, les centres des impôts fonciers signalent au représentant de l'Etat dans le département les immeubles satisfaisant aux conditions prévues au même 3°. Au plus tard le 1er juin de chaque année, le représentant de l'Etat dans le département arrête la liste de ces immeubles par commune et la transmet au maire de chaque commune concernée. Le représentant de l'Etat dans le département et le maire de chaque commune concernée procèdent à une publication et à un affichage de cet arrêté ainsi que, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu. Une notification est également adressée, si l'immeuble est habité ou exploité, à l'habitant ou à l'exploitant ainsi qu'au tiers qui a acquitté les taxes foncières. / Le deuxième alinéa du présent article est applicable lorsque les taxes foncières font l'objet d'une exonération ou ne sont pas mises en recouvrement en application de l'article 1657 du code général des impôts. / Dans le cas où un propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à compter de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité mentionnées au deuxième alinéa du présent article, l'immeuble est présumé sans maître. Le représentant de l'Etat dans le département notifie cette présomption au maire de la commune dans laquelle est situé le bien. / La commune dans laquelle est situé ce bien peut, par délibération du conseil municipal, l'incorporer dans le domaine communal. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire. A défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la notification de la vacance présumée du bien, la propriété de celui-ci est attribuée à l'Etat. Toutefois, lorsque le bien est situé dans l'une des zones définies à l'article L. 322-1 du code de l'environnement, la propriété est transférée au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres lorsqu'il en fait la demande ou, à défaut, au conservatoire régional d'espaces naturels agréé au titre de l'article L. 414-11 du même code lorsqu'il en fait la demande. Le transfert du bien est constaté par un acte administratif. (...). ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier reçu le 5 mai 2018, M. A... E... a transmis à la commune de Belloy-en-France l'acte constitutif de la SCI Le Point du jour du 19 mai 1989 et l'acte authentique du 30 juin 2015 valant certificat de propriété. Dès lors, la commune avait pleinement connaissance des droits de l'indivision formée par les héritiers de M. C... E..., ancien propriétaire, sur le bien en litige. En outre, il ressort du bordereau de situation produit en annexe à une note en délibéré devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, que des acomptes ont été payés par la SCI Le Point du jour pour ce bien au titre de la taxe foncière les 31 août et 15 octobre 2015. Ce bien ne remplissait donc pas les conditions fixées par les dispositions précitées de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques pour être qualifié de bien sans maître.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Belloy-en-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération n° 9/31/05/18 du conseil municipal de Belloy-en-France du 31 mai 2018 et l'arrêté du maire de cette commune n° 99/18 du 5 juin 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Belloy-en-France le versement de la somme globale de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Belloy-en-France est rejetée.

Article 2 : La commune de Belloy-en-France versera à M. A... E..., M. G... E..., Mme F... B... et Mme D... E..., épouse H..., une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Belloy-en-France, à M. A... E..., à M. G... E..., à Mme F... B... et à Mme D... E..., épouse H....

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

M. EVEN

L'assesseure la plus ancienne,

B. AVENTINO

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02491
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés.

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL PHILIPPE GARDAREIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-13;21ve02491 ?
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