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03/10/2023 | FRANCE | N°23VE00523

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 octobre 2023, 23VE00523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2007737 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 18 septembre 2

020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2007737 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... et enjoint au préfet des Yvelines, ou au préfet territorialement compétent, de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 10 mars 2023, sous le n° 23VE00522, le préfet des Yvelines demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande de M. C....

Le préfet soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré, pour annuler sa décision au motif que les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues, que la présence en France de M. C... ne constituait pas une menace à l'ordre public, alors qu'il a fait l'objet de deux condamnations pénales et de plusieurs retraits de crédits de réduction de peine ;

- c'est également à tort que le tribunal a considéré que sa décision portait une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C..., en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que l'intéressé a systématiquement refusé de rencontrer sa famille au parloir, que les attestations produites ne permettent pas de justifier de l'intensité des liens familiaux, qu'incarcéré depuis 2010, il purge une peine de vingt ans de réclusion criminelle pour assassinat, vol et escroquerie, qu'il ne justifie pas de perspectives d'insertion professionnelle, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Gabon où réside son père.

Par un mémoire en défense enregistré, le 29 août 2023, M. C..., représenté par Me Boesel, avocate, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au préfet des Yvelines ou au préfet territorialement compétent, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés dès lors que l'arrêté contesté méconnaît tant l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 19 juillet 2023, l'instruction a été close au 30 août 2023.

II. Par une requête enregistrée le 10 mars 2023, sous le n° 23VE00523, le préfet des Yvelines demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué.

Il soutient que les moyens d'annulation développés dans sa requête au fond sont de nature à emporter l'annulation du jugement.

Par un mémoire en défense enregistré, le 29 août 2023, M. C..., représenté par Me Boesel, avocate, conclut au rejet de la demande de sursis à exécution.

Par une ordonnance du 19 juillet 2023, l'instruction a été close au 30 août 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Mme B... pour le préfet des Yvelines, et de Me Boesel pour M. C..., présent.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant gabonais né le 20 avril 1985, entré en France en 1994 à l'âge de neuf ans, en séjour régulier sur le territoire français de mai 2004 à juillet 2011, détenu à la maison centrale de Poissy, a demandé le 7 décembre 2019 que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 septembre 2020, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté au motif qu'il portait une atteinte excessive au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet des Yvelines relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa codification alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France en 1994, alors qu'il était âgé de neuf ans, y a été scolarisé jusqu'en 2005 et a bénéficié de titres de séjour de mai 2004 à juillet 2011. S'il n'est pas totalement dépourvu d'attaches au Gabon, où il expose être retourné une fois à l'âge de douze ans et où réside son père, ses attaches familiales sont en France, où résident sa mère, son beau-père et ses deux demi-frères de nationalité française, qui tous attestent des liens familiaux qu'ils ont conservés malgré son incarcération. Condamné à une lourde peine de vingt ans de réclusion criminelle pour des faits d'assassinat, vol et escroquerie, commis alors qu'il était âgé de vingt-cinq ans et usager de stupéfiants, M. C... a, selon les rapports de suivi en détention produits au dossier, pris la mesure de la gravité de ses actes et s'acquitte à la mesure de ses moyens de ses obligations d'indemnisation des victimes. Par ailleurs, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, M. C... s'est investi avec sérieux et assiduité dans des formations professionnalisantes afin de préparer son insertion professionnelle en sortie de détention. Au surplus, M. C... ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il remplit la condition de résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans mentionnée à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces circonstances très particulières, en dépit de la gravité de la condamnation pénale purgée par M. C..., la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée par le préfet des Yvelines porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Yvelines n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 18 septembre 2020.

5. Il n'y a pas lieu de réitérer l'injonction, prononcée par le tribunal.

6. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions tendant à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23VE00523.

Article 2 : La requête n° 23VE00522 du préfet des Yvelines est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C.... Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme

La greffière,

2

N° 22VE00522...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00523
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : BOESEL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-03;23ve00523 ?
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