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03/10/2023 | FRANCE | N°21VE03043

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 octobre 2023, 21VE03043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Société d'exploitation de l'Aréna a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de perception émis à son encontre par le préfet de police de Paris le 9 novembre 2018, pour un montant de 15 581,67 euros, correspondant aux dépenses supportées par les forces de police le 25 octobre 2017, lors d'un concert des Rolling Stones, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 15 581,67 euros.

Par un mémoire distinct, la sociét

é d'exploitation de l'Aréna a présenté une question prioritaire de constitutionnali...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Société d'exploitation de l'Aréna a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre de perception émis à son encontre par le préfet de police de Paris le 9 novembre 2018, pour un montant de 15 581,67 euros, correspondant aux dépenses supportées par les forces de police le 25 octobre 2017, lors d'un concert des Rolling Stones, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 15 581,67 euros.

Par un mémoire distinct, la société d'exploitation de l'Aréna a présenté une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 211-11 du code de sécurité intérieure.

Par un jugement n° 1911230 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a dit qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société d'exploitation de l'Aréna et annulé le titre de perception du 9 novembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2021, la société d'exploitation de l'Aréna, représentée par Me Symchowicz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer la somme de 15 581,67 euros ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société d'exploitation de l'Aréna soutient que :

- le tribunal a statué infra petita, en ce qu'il a omis de statuer sur ses conclusions à fin de décharge ;

- la somme en cause ne pouvait être mise à sa charge dès lors qu'aucune convention n'a été signée en amont des prestations de service d'ordre facturées ;

- les prestations facturées portaient sur des obligations régaliennes ;

- la facturation ne repose sur aucun fondement contractuel ou extracontractuel.

Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2021, le préfet de police de Paris a présenté des observations tendant à ce que la procédure soit transmise au ministre de l'intérieur.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 juillet 2023, l'instruction a été close au 30 août 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ;

- l'arrêté du 28 octobre 2010 fixant le montant des remboursements de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Société d'exploitation de l'Aréna, qui exploite le stade couvert de 40 000 places " Paris La Défense Aréna ", inauguré le 16 octobre 2017, conteste le titre de perception émis le 9 novembre 2018, correspondant à une facture émise à son encontre par le préfet de police de Paris à raison de prestations réalisées par les forces de l'ordre lors du concert du 25 octobre 2017 des Rolling Stones, pour un montant de 15 581,67 euros. Par un jugement n° 1911230 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ce titre de perception au motif qu'il ne comportait pas les modalités de calcul de la somme mise à la charge de la société d'exploitation de l'Aréna. La société d'exploitation de l'Aréna relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin de décharge.

Sur la régularité du jugement :

2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à en relever appel en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.

3. Si le tribunal a visé les conclusions à fin de décharge présentées par la société d'exploitation de l'Aréna et examiné ces conclusions au point 7 du jugement attaqué, il a annulé le titre de perception contesté en omettant, dans le dispositif de sa décision, de rejeter le surplus des conclusions de la demande. Il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de se prononcer sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer résultant du titre de perception contesté, et de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de décharge.

Sur la demande de décharge :

4. L'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d'y assurer un service d'ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie. / Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'Etat les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article ". Pour l'application de ces dispositions, le décret du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie précise les dépenses susceptibles de donner lieu à remboursement, prévoit leurs modalités de calcul et fixe les conditions de leur remboursement à l'Etat.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 5 mars 1997 : " Préalablement à l'exécution des prestations mentionnées à l'article 1er du présent décret, une convention est signée dans les conditions prévues à l'article 4 avec le bénéficiaire des prestations effectuées par les forces de police et de gendarmerie. (...) ". Selon l'article 4 du même décret : " Les modalités d'exécution techniques et financières du concours apporté par les forces de police et de gendarmerie sont préalablement déterminées par une convention conclue entre le représentant de l'Etat et les bénéficiaires de ces prestations. (...) ". Si ces dispositions prévoient que, lorsque l'organisateur d'une manifestation décide d'avoir recours aux forces de police ou de gendarmerie pour assurer un service d'ordre, les modalités d'exécution techniques et financières de ce concours sont déterminées par convention, elles ne font pas obstacle à ce qu'en l'absence d'une telle convention, des prestations de service d'ordre exécutées en raison des nécessités du maintien de l'ordre public par les forces de police et de gendarmerie qui sont directement imputables à l'événement et qui vont au-delà des besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir, soient mises à la charge de l'organisateur de la manifestation, en application de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure. Il s'ensuit que la société d'exploitation de l'Aréna n'est pas fondée à soutenir que la somme qui lui est réclamée ne pouvait être mise à sa charge à défaut de convention signée en amont des prestations de service d'ordre facturées, ni que cette facturation ne repose sur aucun fondement contractuel ou extracontractuel, dès lors qu'elle résulte de l'application de la loi.

6. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure, que les missions susceptibles de faire l'objet d'un remboursement sont celles qui " ne peuvent être rattachées aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de sécurité et d'ordre publics ". Sont au nombre de ces missions, la prévention des troubles à l'ordre public directement imputables à l'événement, ainsi que la gestion et la sécurisation des flux de population et de circulation induits par l'événement, y compris sur la voie publique, afin notamment de fluidifier la circulation aux abords de l'évènement, de constituer un périmètre interdit au stationnement, de gérer les flux de visiteurs et de sécuriser les abords immédiats de l'évènement ainsi que les accès. Par suite, la société d'exploitation de l'Aréna n'est pas fondée à soutenir que la mission de maintien de l'ordre public aux environs de la manifestation n'incombe qu'à l'Etat et que seules les prestations de sécurité des participants et spectateurs, dans un périmètre restreint d'accès limité à ces participants, peuvent donner lieu à remboursement.

7. Il résulte de ce qui précède que la demande de la société d'exploitation de l'Aréna doit être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

8. L'Etat n'étant pas la partie perdante pour l'essentiel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1911230 du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la demande de la SAS Société d'exploitation de l'Aréna.

Article 2 : La demande de décharge de la SAS Société d'exploitation de l'Aréna et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Société d'exploitation de l'Aréna et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE03043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03043
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04 Police. - Police générale.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SYMCHOWICZ et WEISSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-03;21ve03043 ?
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