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03/10/2023 | FRANCE | N°21VE02393

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 octobre 2023, 21VE02393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM F..., G... et A... C... et Mmes D... et E... C... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération D-2019-042 du conseil municipal de la commune de Messas du 18 juillet 2019 portant abrogation de la délibération du 19 février 2018, en tant que celle-ci autorise la vente d'une partie de la parcelle cadastrée ZC 6 à leur bénéfice, ainsi que la décision du 21 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté le recours gracieux formé par M. F... C... et de mettre à la

charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM F..., G... et A... C... et Mmes D... et E... C... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération D-2019-042 du conseil municipal de la commune de Messas du 18 juillet 2019 portant abrogation de la délibération du 19 février 2018, en tant que celle-ci autorise la vente d'une partie de la parcelle cadastrée ZC 6 à leur bénéfice, ainsi que la décision du 21 octobre 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté le recours gracieux formé par M. F... C... et de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904419 du 10 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021 et des mémoires, enregistrés les 1er octobre 2021, 4 novembre 2022, 2 janvier 2023, 21 février 2023, 11 juillet 2023 et 24 août 2023, les consorts C..., représentés par Me Marais, avocate, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération D-2019-042 du conseil municipal de la commune de Messas du 18 juillet 2019 portant abrogation de la délibération du 19 février 2018, en tant que celle-ci autorise la vente d'une partie de la parcelle cadastrée ZC 6 à leur bénéfice, ainsi que la décision du 21 octobre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Messas la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la délibération du 18 juillet 2019 est insuffisamment motivée en fait ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la partie de la parcelle ZC 6 dont la vente à leur profit avait été décidée appartient au domaine public, dès lors que cette partie, située au Sud Est, n'est pas affectée au service public de l'éducation et qu'elle a été classée en zone 1AU, destinée à l'urbanisation, dans le plan local d'urbanisme de la commune ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que l'autorisation de vente de cette partie de parcelle emportée par la délibération du 19 février 2018 était conditionnée à la désaffectation et au déclassement de la parcelle, pour lui dénier le caractère d'acte créateur de droits, une telle condition n'étant nullement mentionnée dans cette délibération, et ce défaut étant en tout état de cause de nature à rendre illégale cette délibération initiale ;

- l'abrogation de la décision d'autorisation de vendre la partie de la parcelle Z6 ne pouvait légalement être fondée sur l'appartenance au domaine public de cette partie de parcelle, laquelle n'est pas affectée au service public de l'éducation ;

- la délibération attaquée est entachée de détournement de pouvoir ;

- ils renvoient à leurs écritures de première instance s'agissant des autres moyens d'illégalité invoqués à l'encontre de la délibération du 18 juillet 2019.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 septembre 2022, 5 décembre 2022, 2 février 2023 et 7 juillet 2023, la commune de Messas, représentée par Me Tissier-Lotz, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel des consorts C... ;

2°) de mettre à leur charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération attaquée est suffisamment motivée ;

- la parcelle Z6, dès lors qu'elle est intégrée au groupe scolaire, est affectée au service public de l'éducation et relève donc dans son intégralité du domaine public de la commune ; en outre, le parking qui y est implanté est également affecté au domaine public de la commune ; une partie de la parcelle en litige se situe dans l'enceinte de l'école ;

- elle pouvait légalement, en application des dispositions de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration, abroger la délibération du 19 février 2018, la condition de désaffectation et de déclassement de la parcelle n'étant pas remplie ;

- en tout état de cause, la délibération du 19 février 2018 n'a pu créer de droits au profit des appelants, dès lors qu'elle ne précise pas le nom des bénéficiaires de la vente envisagée ;

- la délibération attaquée n'est pas fondée sur un motif politique.

La commune de Messas a produit un mémoire le 11 septembre 2023 qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen,

- les conclusions M. Lerooy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marais, représentant les consorts C... et de Me Tissier-Lotz, représentant la commune de Messas.

Deux notes en délibéré, présentées pour la commune de Messas, ont été enregistrées les 21 et 22 septembre 2023.

Une note en délibéré, présentée pour les consorts C..., a été enregistrée le 21 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 19 février 2018 ayant pour objet " Lotissement B... : autorisation bornage et acte notarié ", le conseil municipal de la commune de Messas a notamment autorisé la réalisation du bornage des parcelles ZC 6, ZC 7a et ZC b, la vente aux consorts C... d'une partie de la parcelle ZC 6, appartenant à la commune, et l'achat d'une partie de la parcelle ZC 7b, appartenant aux consorts C.... Par une délibération du 18 juillet 2019, le conseil municipal de la commune de Messas a décidé d'abroger cette délibération dans son intégralité, au motif que la parcelle ZC 6 dont elle autorisait la vente était affectée au service public de l'éducation et appartenait au domaine public communal, ce qui la rendait inaliénable. Par le jugement du 10 juin 2021, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions des consorts C... tendant à l'annulation de la délibération du 18 juillet 2019 en tant qu'elle abroge la décision autorisant la vente d'une partie de la parcelle ZC 6 à leur profit et de la décision du 21 octobre 2019 rejetant leur recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que les consorts C..., propriétaires de parcelles cadastrées ZC 7a et ZC 7b, ont fait part au maire de cette commune de leur projet de création d'un lotissement, dit " B... ", sur leurs parcelles et que ce projet prévoyait que l'accès à ce lotissement se fasse à partir de la voie desservant le lotissement " la bonne dame " et nécessitait par conséquent la prolongation de cette voie sur la partie située au sud-est de la parcelle ZC 6 appartenant à la commune de Messas. La délibération du 19 février 2018, qui fait suite à la demande présentée par les consorts C... et autorisant notamment la vente d'une partie de la parcelle ZC 6, fait mention de la possibilité de délaisser une portion de 3 mètres sur cette parcelle. Par ces mentions, la délibération, en tant qu'elle autorise la vente " d'une partie de la parcelle ZC 6 " aux propriétaires de la parcelle ZC 7 a et b, doit être regardée comme ayant entendu autoriser la vente, aux consorts C..., de la partie située au sud-est de cette parcelle, sur une profondeur de trois mètres minimum.

3. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 3 et 4 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés du vice de procédure et de l'insuffisante motivation.

4. En deuxième lieu, la délibération du 19 février 2018 ne fixant aucun prix ne peut avoir créé un droit à la réalisation de la vente de la partie de la parcelle ZC 6 aux consorts C.... Par suite, elle pouvait légalement être abrogée sans condition de délai sur le fondement des dispositions de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui prévoient qu' " (...) un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. ".

5. L'abrogation est en l'espèce motivée par la circonstance que la parcelle ZC 6 appartient au domaine public du fait de son affectation au service public de l'éducation et que le caractère inaliénable du domaine public garanti par les dispositions de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques s'opposait à la vente de cette parcelle. Les consorts C... font valoir qu'un tel motif ne pouvait légalement justifier l'abrogation de la délibération du 19 février 2018, faute pour la partie de la parcelle ZC 6 dont la vente a été autorisée par cette délibération d'appartenir au domaine public de la commune.

6. Tout d'abord, il est constant qu'une partie du bâtiment accueillant l'école municipale de Messas se situe sur la partie nord de la parcelle ZC 6 et que les espaces verts de la cour de cette école trouvent également leur extrémité, à l'est, sur cette parcelle. Sur ces parties, la parcelle est donc affectée au service public de l'éducation et relève ainsi du domaine public.

7. Figure par ailleurs à l'extrémité sud de la parcelle ZC 6, précisément au niveau de la partie de parcelle dont la vente paraît avoir été autorisée par la délibération du 19 février 2018, un chemin permettant d'accéder à des emplacements de stationnement situés sur les parcelles Z 4 et Z 5, dont la commune indique qu'ils sont destinés à la desserte de l'école. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des délibérations du conseil municipal des 13 février et 25 juin 2012, que ces emplacements, qui se situent sur des parcelles appartenant à la commune et dont la réalisation a été financée par la commune à l'occasion de l'agrandissement de la cour de l'école, sont desservis par une impasse traversant le lotissement de " la bonne dame ", laquelle, bien qu'elle appartienne au réseau privé de voirie de ce lotissement, est librement accessible aux usagers de l'école. Ainsi, ces emplacements de stationnement, destinés aux usagers de l'école, doivent être regardés comme étant affectés au service public de l'école et, par suite, comme appartenant au domaine public de la commune. Le chemin piétonnier qui se situe au sud de la parcelle ZC 6, qui relie ces emplacements de stationnement à l'école doit par conséquent également être regardé comme appartenant au domaine public de la commune.

8. S'il est en principe possible qu'une même parcelle contienne des portions distinctes relevant pour certaines du domaine public, pour d'autres du domaine privé, en l'espèce, compte tenu, d'une part, de la rédaction ambiguë de la délibération du 19 février 2018 quant à la délimitation exacte de la partie de la parcelle ZC 6 dont la vente est envisagée, d'autre part, du caractère exigu de la parcelle ZC 6, une telle distinction ne saurait être en l'espèce établie.

9. Ainsi, il y a lieu d'estimer que la parcelle ZC 6 relève, dans son ensemble, du domaine public. Par suite, le maire de la commune de Messas a pu légalement se fonder sur l'appartenance de la parcelle à ce domaine, dont découle son caractère inaliénable, pour abroger la délibération du 19 février 2018.

10. En troisième lieu, la seule circonstance que, dans un courrier du 24 décembre 2018, le maire de la commune de Messas ait fait part à M. F... C... de la position défavorable de nombreux élus quant à son projet de lotissement ne saurait suffire à démontrer que la délibération du 18 juillet 2019 serait entachée de détournement de pouvoir.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 18 juillet 2019.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Messas la somme sollicitée par les consorts C... au titre des frais d'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Messas présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, et à la commune de Messas.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Troalen, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

F. VERSOLLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

No 21VE02393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02393
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Abrogation - Abrogation des actes non réglementaires.

Domaine - Domaine public.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SARL ADEMA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-10-03;21ve02393 ?
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