Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Valaire et l'association Meles ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 mai 2021 du préfet de Loir-et-Cher autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau du 15 mai au 15 septembre 2021.
Par une ordonnance n° 2102212 du 22 juillet 2021, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif d'Orléans a, par application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté leur demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2021 et le 27 décembre 2022, la commune de Valaire et l'association Meles, représentées par Me Mongis, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 mai 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce qu'elle méconnaît le principe du contradictoire, ainsi que les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le défaut d'intérêt pour agir étant au nombre des irrecevabilités susceptibles d'être couvertes après l'expiration du délai de recours, les requérantes devaient être préalablement invitées à régulariser leur requête, en application des dispositions de l'article R.612-1 du code de justice administrative ;
- l'absence d'irrecevabilité manifeste faisait obstacle au rejet de la requête par ordonnance ;
- l'ordonnance a été signée par la juge des référés dont la compétence est réservée aux ordonnances rendues en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative et est ainsi entachée d'incompétence ;
- la commune de Valaire a intérêt pour agir contre l'arrêté litigieux dès lors que son action vise à préserver et protéger ses habitants de tout atteinte à la sécurité publique, notamment le risque de collisions routières du fait de la suppression des galeries des blaireaux et des risques de dégradations matérielles sur le territoire de la commune, et à la salubrité publique locale compte tenu du risque sanitaire d'exposition de la population à la tuberculose bovine et aux bactéries ; outre les intérêts de ses administrés, la commune défend ses intérêts patrimoniaux, faunistique, touristique et économique au vu des conséquences de la destruction par la vénerie sous terre des blaireaux et blaireautières présents sur des terrains lui appartenant ;
- l'association Meles, qui s'est donné pour mission de défendre les blaireaux à l'échelle nationale, dispose également d'un intérêt pour agir dès lors que l'arrêté, qui a des implications sur l'équilibre de l'écosystème blaireautin et par voie de conséquence sur la protection du droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé des individus, soulève des questions qui excèdent les seules circonstances locales ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'inexactitudes matérielle des faits s'agissant de la prétendue difficulté de prélever le blaireau par la chasse à tir, des prétendus dégâts agricoles et aux infrastructures causés par ces animaux et de la question de l'état de conservation des blaireaux dans le département de Loir-et-Cher dont le caractère favorable retenu par le préfet repose sur des données peu fiables et matériellement inexactes ;
- il est entaché pour les mêmes motifs d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 1er de la Charte de l'environnement et l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles 7, 8 et 9 de la convention de Berne ;
- il méconnaît également les dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement relatives à la participation du public et de celles de l'article L. 120-1 de ce même code garantissant le droit pour le public d'accéder aux informations pertinentes concernant sa participation effective dès lors qu'aucune donnée chiffrée ne figurait dans la note de présentation ;
- l'arrêté contesté ne respecte pas davantage les dispositions de l'article L. 424-10 du code de l'environnement interdisant la destruction des portées ou petits des espèces dont la chasse est autorisée ni celles de l'article L. 411-1 du même code interdisant la destruction, l'altération ou la dégradation des habitats naturels ou des habitats d'espèces.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire au renvoi du dossier au tribunal administratif d'Orléans.
Il soutient que :
- l'absence d'intérêt pour agir de la commune de Valaire comme de l'association Meles est manifeste ;
- la requête initiale n'ayant pas été communiquée à l'administration, elle doit, en cas de censure de l'ordonnance, être renvoyée au tribunal afin que le préfet puisse justifier du bien-fondé de l'arrêté attaqué au regard des moyens soulevés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte de l'environnement ;
- la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 ;
- l'arrêté ministériel du 18 mars 1982, relatif à l'exercice de la vénerie ;
- l'arrêté ministériel du 7 décembre 2016 relatif à certaines mesures de surveillance et de lutte contre la tuberculose ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Danielian ;
- les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Mongis, représentant la commune de Valaire et l'association Meles.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 mai 2021, le préfet de Loir-et-Cher a autorisé une période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau dans ce département pour une période allant du 15 mai au 15 septembre 2021, sur le fondement de l'article R. 424-5 du code de l'environnement. Par une requête collective personnelle, la commune de Valaire et l'association Meles font appel de l'ordonnance du 22 juillet 2021, par laquelle la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif d'Orléans a, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté leur demande comme manifestement irrecevable, faute d'intérêt leur donnant qualité à agir.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...). Aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours (...) ".
3. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de ces dernières dispositions sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré.
4. D'autre part, dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour qu'il puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui-ci, être fait droit à ces conclusions. En revanche, les conclusions propres à chaque requérant ne sauraient être accueillies sans que leur recevabilité ait été admise.
5. Par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif d'Orléans a rejeté comme manifestement irrecevable la demande présentée par la commune de Valaire, au motif qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt pour agir. Toutefois, et dès lors que la commune de Valaire était alors encore susceptible de justifier d'une qualité au titre de laquelle elle avait intérêt pour agir ou d'apporter des éléments de nature à démontrer qu'elle avait intérêt pour agir, cette irrecevabilité ne pouvait être regardée comme insusceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours et devait ainsi donner lieu à une demande de régularisation avant de pouvoir faire l'objet, le cas échéant, d'une ordonnance sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif d'Orléans, qui n'a pas, préalablement à l'édiction de l'ordonnance attaquée, invité la commune requérante à régulariser sa demande, ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 pour rejeter celle-ci comme manifestement irrecevable. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs tirés de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée, celle-ci doit être annulée.
6. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de la commune de Valaire et de l'association Meles devant le tribunal administratif d'Orléans.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre :
S'agissant de l'intérêt à agir de la commune de Valaire :
7. Les circonstances que la commune de Valaire se trouve dans le département du
Loir-et-Cher et que trois sites principaux accueillant des blaireautières composées de plusieurs terriers ont été recensés sur des terrains lui appartenant, dont un situé sur son territoire et les deux autres sur le territoire des communes voisines de Chaumont-sur-Loire et Monthou-sur-Bièvre, ne sauraient, caractériser, à elles seules, l'intérêt à agir de la commune de Valaire pour contester l'arrêté litigieux autorisant la chasse au blaireau par vénerie sous terre durant une période complémentaire. Par ailleurs, la commune n'apporte aucun élément suffisamment probant, ni ne fait état d'aucun précédent, de nature à démontrer que l'arrêté litigieux serait susceptible, au vu de circonstances locales particulières, de provoquer des risques d'atteinte à la sécurité publique qui résulteraient de collisions routières et de dégradations matérielles sur son territoire, et d'atteinte à la salubrité publique locale au regard du risque sanitaire d'exposition de la population à la tuberculose bovine et aux bactéries alors, au demeurant, que la réglementation de la chasse et la surveillance et la police de la chasse, relèvent, en vertu des dispositions de l'article L. 420-2 du code de l'environnement, des attributions des autorités de l'État, et notamment du préfet. Enfin, si la commune soutient également que la pratique de la vénerie sur son territoire compromet ses objectifs de protection de la faune et de la flore et de développement durable qui participent de son attrait touristique, il ne résulte en tout état de cause d'aucune pièce du dossier que la mesure en litige, qui se borne à autoriser une période complémentaire de vénerie pour trois mois seulement, serait susceptible de porter atteinte à ses intérêts patrimoniaux, faunistiques, touristiques et économiques, dont elle ne justifie au demeurant d'aucune atteinte précise et circonstanciée attestant d'un impact propre et particulier pour la collectivité.
8. Ainsi, la commune requérante ne justifie d'aucun intérêt à agir pour contester l'arrêté du 7 mai 2021 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a autorisé l'exercice de la vénerie sous terre du blaireau pour une période complémentaire allant du 15 mai 2021 au 15 septembre 2021, et la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être accueillie.
S'agissant de l'intérêt à agir de l'association Meles :
9. D'une part, en principe, le fait qu'une décision administrative ait un champ d'application territorial fait obstacle à ce qu'une association ayant un ressort national justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation. Il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales.
10. D'autre part, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".
11. L'association Meles, dont le siège social est situé à Compiègne, a pour objet d'après l'article 1er de ses statuts " d'étudier, protéger, soigner les blaireaux européens et de sensibiliser le grand public, en France et en Europe, ainsi que la réalisation de films ou documents écrits afin de sauvegarder le blaireau et son habitat ". Ainsi, ni ses statuts ni sa dénomination ne limitent le champ d'action de l'association requérante, qui a un ressort géographique national, à un territoire donné. En outre, il est constant que cette association ne figure pas au nombre des associations agréées de protection de l'environnement auxquelles l'article L. 142-1 du code de l'environnement confère un intérêt pour agir indépendamment de considérations tenant au rapport entre l'étendue de leur ressort territorial et la portée des décisions qu'elles contestent. Dans ces conditions, eu égard à la nature et aux effets limités de la décision en litige, qui a pour seul ressort géographique le département de Loir-et-Cher, l'association Meles ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation. Par suite, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que l'association Meles ne justifie pas d'un intérêt à agir contre l'arrêté contesté, qui autorise une période complémentaire de vénerie sous terre des blaireaux.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Valaire et l'association Meles, étant dépourvues d'intérêt à agir contre l'arrêté du 7 mai 2021 du préfet de Loir-et-Cher, ne sont pas recevables à en demander l'annulation.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la commune de Valaire et l'association Meles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2102212 du 22 juillet 2021 de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif d'Orléans est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la commune de Valaire et l'association Meles devant le tribunal administratif d'Orléans et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Valaire et l'association Meles et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,
Mme Danielian, présidente-assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.
La rapporteure,
I. DanielianLa présidente,
L. Besson-LedeyLa greffière,
A. Audrain-FoulonLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
Pour expédition conforme
Le greffier,
2
N° 21VE02645