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23/05/2023 | FRANCE | N°18VE01431

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 mai 2023, 18VE01431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de prendre les mesures de nature à résoudre ses problèmes de santé liés à la pollution environnementale ;

2°) d'enjoindre au préfet, dans un délai de deux semaines et sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard, de prendre toutes les mesures relevant de sa compétence aux fins de résoudre ses problèmes de santé liés aux allergies

environnementales causées par l'air, notamment de rectifier les arrêtés d'autorisation des i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de prendre les mesures de nature à résoudre ses problèmes de santé liés à la pollution environnementale ;

2°) d'enjoindre au préfet, dans un délai de deux semaines et sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard, de prendre toutes les mesures relevant de sa compétence aux fins de résoudre ses problèmes de santé liés aux allergies environnementales causées par l'air, notamment de rectifier les arrêtés d'autorisation des installations classées en incluant une obligation systématique pour les entreprises relevant de cette législation de suspendre leurs émissions polluantes dès qu'une alerte météo prévoit un risque sérieux de dépassement des valeurs limites ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise et à l'Etat de mettre en œuvre l'intégralité des recommandations de la Commission européenne, résultant notamment de sa notification du 15 février 2017, ainsi que les douze recommandations que la Cour des comptes a émises dans son rapport de janvier 2016 ;

4°) avant dire droit, de désigner deux experts aux fins de mesurer la pollution de l'air et son incidence sur les pathologies constatées ;

5°) à défaut de désignation de ces experts, de condamner l'Etat à lui verser la somme de six millions d'euros en réparation de son préjudice sanitaire et de quinze millions d'euros en réparation de ses préjudices moral, d'anxiété, corporel, esthétique, physique et psychique.

Par un jugement n° 1510469 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 avril 2018, 16 janvier 2019, 28 mai 2019, 15 janvier 2020, 23 septembre 2020, 13 janvier 2023, 13 février 2023 et 17 février 2023, M. A..., représenté par Me Gimalac, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- l'Etat est responsable de la qualité de l'air, en vertu de l'article L. 220-1 du code de l'environnement ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le préfet du Val-d'Oise n'avait aucune marge de manœuvre dans l'application de la réglementation relative à la pollution de l'air, alors qu'il dispose de pouvoirs de police spéciale et qu'il n'apporte pas la preuve qu'il a pris toutes les mesures requises par le dépassement des valeurs limite de pollution en Ile-de-France ou en matière de police des installations classées ;

- le dépassement des valeurs limites de pollution est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard au regard des obligations imposées par la directive européenne du 21 mai 2008 ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée en vertu de son obligation de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes ;

- la responsabilité pour risque de l'Etat est également susceptible d'être engagée ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé de faire droit à sa demande d'expertise ;

- le lien entre la pollution de l'air et son état de santé, l'existence d'un préjudice d'anxiété et d'un préjudice né de l'absence d'information sont établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un arrêt du 29 janvier 2021 la cour a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne et a en conséquence sursis à statuer sur cette requête.

Par une décision C-61/21 du 22 décembre 2022 la Grande chambre de la Cour de justice de l'Union européenne a répondu à cette question.

Un mémoire, présenté par la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ne comportant pas d'éléments nouveaux, a été enregistré le 30 mars 2023, et n'a pas été communiqué.

Les parties ont été informées le 30 mars 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A... sont irrecevables faute d'être dirigées contre une décision au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour M. A... en réponse à la communication de ce moyen d'ordre public, enregistré le 3 avril 2023, a été communiqué le même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive du Parlement européen et du Conseil 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hubau, substituant Me Gimalac pour M. A....

Deux notes en délibéré présentées par M. A... ont été enregistrées le 10 avril 2023 et le 20 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... fait appel du jugement n° 1510469 du 12 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet du Val-d'Oise refusant de prendre les mesures propres à résoudre ses problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique et à l'indemnisation par l'Etat des divers préjudices qu'il impute à cette pollution et qu'il évalue à la somme de 21 millions d'euros. Par un arrêt du 29 janvier 2021, la Cour a sursis à statuer sur cette requête jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les deux questions suivantes : " Les règles applicables du droit de l'Union européenne résultant des dispositions de l'article 13, paragraphe 1er et de l'article 23, paragraphe 1er de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe doivent-elles être interprétées comme ouvrant aux particuliers, en cas de violation suffisamment caractérisée par un Etat membre de l'Union européenne des obligations en résultant, un droit à obtenir de l'Etat membre en cause la réparation des préjudices affectant leur santé présentant un lien de causalité direct et certain avec la dégradation de la qualité de l'air ' " et " A supposer que les dispositions mentionnées ci-dessus soient effectivement susceptibles d'ouvrir un tel droit à réparation des préjudices de santé, à quelles conditions l'ouverture de ce droit est-elle subordonnée, au regard notamment de la date à laquelle l'existence du manquement imputable à l'Etat membre en cause doit être appréciée ' ". La Cour de justice de l'Union européenne a répondu à cette question par une décision de sa Grande chambre C-61/21 du 22 décembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a, par un courrier du 25 juin 2015, demandé au ministre, outre une indemnisation " de prendre toutes les mesures à [sa] disposition nécessaires, appropriées et d'adaptation pour que [ses] problèmes de santé liés aux allergies environnementales causées par de l'eau du robinet et de l'air cessent d'exister et ne présentent plus aucun risque et danger pour [sa]santé ", ainsi que la mise en place avec des groupes par le pharmaceutiques de mécanismes " politiques, chimiques et environnementaux " nécessaires pour réduire les effets secondaires des médicaments qu'il utilise en vue de résorber les symptômes de ses allergies. En réponse à ce courrier, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a demandé au préfet du Val-d'Oise de procéder à l'examen de la demande de M. A.... Le préfet n'a pas donné suite à cette saisine. M. A... a demandé au tribunal administratif d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet sur sa demande.

3. Cette demande de M. A... adressée au ministre étant très imprécise n'a pu faire naître une décision implicite de rejet par le préfet. Par suite, ses conclusions dirigées contre le silence gardé par l'administration ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat au regard des article 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de cette même convention : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. A... soutient qu'eu égard à la pollution de l'air observée en région parisienne l'État n'a pas respecté les articles 2 portant sur le droit à la vie et 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. L'obligation positive de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie au sens de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique avant tout pour les Etats le devoir primordial de mettre en place un cadre législatif et administratif visant une prévention efficace de nature à ne pas porter atteinte au droit à la vie. Les Etats doivent également s'acquitter d'une obligation positive de garantir le respect du domicile et de la vie privée et familiale en prenant, avec la diligence requise, les mesures appropriées adaptées à la nature des affaires posant des questions environnementales, en présence d'un risque grave, réel et immédiat pour la vie, la santé ou l'intégrité physique ou encore de nuisances de nature à empêcher de jouir de son domicile.

7. Il résulte de l'instruction que, depuis plusieurs années, un ensemble de politiques publiques, regroupant une multiplicité d'acteurs et comportant des sanctions, a été développé dans de nombreux secteurs, tant à l'échelon national que localement, pour lutter contre la pollution atmosphérique. Si les mesures adoptées et appliquées n'ont pas encore permis d'empêcher tout dépassement des seuils fixés, il résulte des relevés de l'association AIRPARIF, que les efforts fournis ont toutefois permis de diminuer la concentration de polluants dans l'air dans la région Île-de-France, entre 2007 et 2017. Dans ce contexte et compte tenu, spécialement, des risques écologiques inhérents à la vie en ville combinés, en particulier, avec la difficulté de lutter contre une pollution d'origine multifactorielle, voire diffuse, le dépassement des valeurs limites constaté entre 2011 et 2017, et l'insuffisance des plans de protection de l'atmosphère pour y mettre fin dans cette même période, ne sauraient suffire à caractériser une défaillance manifeste des pouvoirs publics dans les actions destinées à protéger ou améliorer la vie des habitants de la région parisienne, ni une atteinte suffisamment grave à leur droit de vivre dans un environnement sain. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à invoquer une carence de l'Etat à exécuter ses obligations découlant des stipulations des articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat au regard du droit de l'Union européenne et des normes transposées en droit national :

8. Aux termes de l'article 1er de la directive du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe : " La présente directive établit des mesures visant : / 1) à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l'air ambiant, afin d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l'environnement dans son ensemble (...) ". Aux termes de son article 4 : " Les États membres établissent des zones et des agglomérations sur l'ensemble de leur territoire. L'évaluation de la qualité de l'air et la gestion de la qualité de l'air sont effectuées dans toutes les zones et agglomérations ". Aux termes du paragraphe 1 de son article 13 : " Les États membres veillent à ce que, dans l'ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d'anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l'air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l'annexe XI. / En ce qui concerne le dioxyde d'azote et le benzène, les valeurs limites indiquées à l'annexe XI ne peuvent pas être dépassées à partir des dates indiquées à ladite annexe. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 23 de la directive du 21 mai 2008 précitée : " Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l'air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l'air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d'atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV. / En cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu pour leur application, les plans relatifs à la qualité de l'air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. Ils peuvent comporter des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles, notamment les enfants. / Ces plans relatifs à la qualité de l'air contiennent au moins les informations énumérées à l'annexe XV, section A, et peuvent aussi inclure les mesures visées à l'article 24. Ils sont transmis à la Commission sans délai, et au plus tard deux ans après la fin de l'année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté (...) ".

9. M. A... soutient que dans la mesure où la France dépasse ces valeurs limites, notamment pour les particules fines et le dioxyde d'azote (NO2), l'État doit être regardé comme ayant violé le droit de l'Union européenne.

10. La Cour de justice de l'Union européenne a par son arrêt de la Grande chambre C-61/21 du 22 décembre 2022 jugé que : " Les articles 3 et 7 de la directive 80/779/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, concernant des valeurs limites et des valeurs guides de qualité atmosphérique pour l'anhydride sulfureux et les particules en suspension, les articles 3 et 7 de la directive 85/203/CEE du Conseil, du 7 mars 1985, concernant les normes de qualité de l'air pour le dioxyde d'azote, les articles 7 et 8 de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant, l'article 4, paragraphe 1, et l'article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l'anhydride sulfureux, le dioxyde d'azote et les oxydes d'azote, les particules et le plomb dans l'air ambiant, ainsi que l'article 13, paragraphe 1, et l'article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, doivent être interprétés en ce sens que ils n'ont pas pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l'égard d'un État membre, au titre du principe de la responsabilité de l'État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l'Union qui lui sont imputables. "

11. Si eu égard à ce principe forgé par la Cour de justice de l'Union européenne, qui fait ainsi application d'un cadre minimal de responsabilité des Etats membres à l'égard des particuliers en cette matière, ces derniers ne peuvent selon cette Cour utilement invoquer la méconnaissance de ces articles de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe pour engager la responsabilité d'un Etat membre, alors qu'un défaut ou une insuffisance de transposition n'est pas allégué en l'espèce, ceci ne fait pas obstacle à la mise en jeu des règles spéciales moins restrictives de la responsabilité administrative de l'Etat en droit français. La Cour de justice de l'Union européenne a au demeurant précisé, aux points 63 et 64 de sa décision, que sa solution " n'exclut pas que la responsabilité de l'État puisse être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit interne " et que, le cas échéant, il puisse être, à ce titre, tenu compte de méconnaissances des obligations européennes " en tant qu'élément susceptible d'être pertinent aux fins d'établir la responsabilité des pouvoirs publics sur un autre fondement que le droit de l'Union ".

12. Aux termes de l'article 1er de la Charte de l'environnement : " Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ". Aux termes de l'article L. 220-1 du code de l'environnement : " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l'objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Cette action d'intérêt général consiste à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l'air et, à ces fins, à économiser et à utiliser rationnellement l'énergie. La protection de l'atmosphère intègre la prévention de la pollution de l'air et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ". L'article L. 221-1 du code de l'environnement prévoit que : " I. - L'Etat assure, avec le concours des collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration et des principes de décentralisation, la surveillance de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé et sur l'environnement. Un organisme chargé de la coordination technique de la surveillance de la qualité de l'air est désigné par arrêté du ministre chargé de l'environnement. Des normes de qualité de l'air définies par décret en Conseil d'Etat sont fixées, après avis de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en conformité avec celles définies par l'Union européenne et, le cas échéant, par l'Organisation mondiale de la santé. Ces normes sont régulièrement réévaluées pour prendre en compte les résultats des études médicales et épidémiologiques. / Un objectif pluriannuel de diminution de la moyenne annuelle des concentrations journalières de particules atmosphériques est fixé par arrêté des ministres chargés de l'environnement et de la santé, pris après avis de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. (...) ". L'article R. 221-1 du même code, qui reprend les valeurs prévues à l'annexe XI de la directive du 21 mai 2008 précitée, fixe les normes de qualité de l'air. Aux termes de l'article L. 222-4 du code de l'environnement : " I. - Dans toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants, ainsi que dans les zones où, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat, les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 ou, le cas échéant, les normes spécifiques mentionnées au 2° du I de l'article L. 222-1, applicables aux plans de protection de l'atmosphère ne sont pas respectées ou risquent de ne pas l'être, le préfet élabore un plan de protection de l'atmosphère, compatible avec les orientations du plan régional pour la qualité de l'air s'il existe et, à compter de son adoption, avec les orientations du schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie. / Pour les zones mentionnées au premier alinéa, le recours à un plan de protection de l'atmosphère n'est pas nécessaire lorsqu'il est démontré que des mesures prises dans un autre cadre seront plus efficaces pour respecter ces normes. (...) ". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Le plan de protection de l'atmosphère et les mesures mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article L. 222-4 ont pour objet, dans un délai qu'ils fixent, de ramener à l'intérieur de la zone la concentration en polluants dans l'atmosphère à un niveau conforme aux normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 ou, le cas échéant, les normes spécifiques mentionnées au 2° du I de l'article L. 222-1. (...) ".

13. Il est constant que les articles 13 et 23 de la directive ont été effectivement transposés en droit interne par les articles L. 221-1, L. 222-4 et R. 221-1 du code de l'environnement.

14. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que les seuils de concentration de gaz polluants fixés par l'article R. 221-1 du code de l'environnement, en particulier pour le dioxyde d'azote et les particules fines, ont été dépassés de manière récurrente dans la région Île-de-France depuis 2011.

15. Des plans de protection de l'atmosphère ont été adoptés pour ces zones sur le fondement de l'article L. 222-4 du code de l'environnement. Le dépassement des valeurs limites de concentrations en particules fines et en dioxyde d'azote constitue, pour les zones concernées, une méconnaissance des dispositions des articles L. 221-1 et R. 221-1 du code de l'environnement, qui transposent sur ce point les exigences prévues par l'article 13 de la directive du 21 mai 2008 précitée.

16. Si le dépassement des valeurs limites ne suffit pas à caractériser une carence fautive de l'Etat, la fréquence et la persistance des dépassements observés démontrent que les instruments déployés par l'Etat, notamment le plan de protection de l'atmosphère pour l'Ile-de-France, adopté le 7 juillet 2006 et révisé pour la dernière fois en 2018, qui tient lieu de plan relatif à la qualité de l'air prévu par l'article 23 de la directive du 21 mai 2008 pour les zones en cause et leurs conditions de mise en œuvre, doivent être regardés comme insuffisants dès lors qu'ils n'ont pas permis que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible. Les exigences prévues aux articles L. 222-4 et L. 222-5 du code de l'environnement, qui transposent l'article 23 de la directive du 21 mai 2008, doivent donc être regardées comme ayant été méconnues. L'Etat a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité en adoptant des mesures insuffisantes qui n'ont pas permis, pour la région Île-de-France, une amélioration suffisante de la qualité de l'air.

En ce qui concerne la carence fautive alléguée des services déconcentrés de l'Etat :

17. Si M. A... invoque une carence fautive du préfet du Val-d'Oise, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ce que les mesures adoptées n'ont pas permis, pour la région Ile-de-France, une amélioration suffisante de la qualité de l'air.

Sur les préjudices allégués et l'exigence du lien de causalité :

19. Aux termes de l'article L. 220-2 du code de l'environnement : " Constitue une pollution atmosphérique au sens du présent titre l'introduction par l'homme, directement ou indirectement ou la présence, dans l'atmosphère et les espaces clos, d'agents chimiques, biologiques ou physiques ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des nuisances olfactives excessives. "

20. Il n'est pas contesté que l'exposition à la pollution atmosphérique est susceptible d'avoir des conséquences négatives en termes d'aggravation sur les maladies respiratoires, et en particulier l'asthme, la bronchite, la laryngite, la trachéite et la sinusite, ainsi que sur les affections cardio-vasculaires. Cependant, il résulte de l'instruction que l'origine des pathologies respiratoires de M. A..., apparues plus de quatre ans après son installation en région parisienne, n'est pas établie, ni la nature ou l'ampleur de leur aggravation au cours de la période litigieuse, ni une concordance entre les symptômes observés et les épisodes de dégradation de la qualité de l'air en région parisienne, alors que l'intéressé a été également exposé à une pollution non exclusivement atmosphérique dans des milieux intérieurs. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point, ni statuer sur les circonstances exonératoires de responsabilité, l'existence d'un lien de causalité suffisamment direct et certain entre la carence fautive de l'Etat à éviter un dépassement des valeurs limites de concentration en particules fines, en dioxyde d'azote et en oxyde d'azote, et les préjudices allégués n'est pas établie.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin de condamnation de l'Etat ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. A..., à ce titre, soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'est pas la partie perdante à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

Le président-rapporteur,

B. B...

L'assesseure la plus ancienne,

O. DORION

La greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 18VE01431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01431
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Qualité de l’air.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Omissions.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : GIMALAC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-05-23;18ve01431 ?
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