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09/05/2023 | FRANCE | N°20VE03161

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 mai 2023, 20VE03161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802903 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enreg

istrés les 8 décembre 2020, 4 mai 2022 et 20 juin 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Dauve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802903 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 décembre 2020, 4 mai 2022 et 20 juin 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Dauvergne, avocate, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils n'ont pas été informés avec suffisamment de précision du sens des conclusions du rapporteur public ;

- en validant la position de l'administration exclusivement fondée sur des éléments à charge de l'instruction pénale, qui étaient contestés, le tribunal a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment le droit à un procès équitable, violé la présomption d'innocence et méconnu les principes d'égalité des armes et du contradictoire ;

- ces irrégularités sont substantielles au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause la donation qui lui a été consentie sans mettre en œuvre la procédure de répression de l'abus de droit ;

- ils ont été privés des garanties attachées à la procédure de vérification de comptabilité ;

- ils sont fondés à se prévaloir des énonciations du BOI-CF-IOR-60-10-20150902 qui impose à l'administration de diligenter une vérification de comptabilité en cas de découverte d'une activité occulte avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable ;

- le délai de forclusion du droit de reprise a été irrégulièrement étendu en application de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dès lors que les omissions d'imposition n'ont pas été révélées par l'instance judiciaire ; les fonds perçus lui ont été remis à titre de donation et non en rémunération de l'exercice d'une activité ; cette prétendue activité ne présentait pas un caractère habituel et n'avait pas à être immatriculée auprès du centre de formalités des entreprises de sorte que les conditions d'application du délai de reprise spécial prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales en cas d'exercice d'une activité occulte ne sont pas davantage remplies ;

- la qualification de revenu n'est pas fondée dès lors que les fonds ont été reçus à titre de donation pour l'aider à financer un projet industriel en Algérie ; l'intention libérale du donateur et du donataire est avérée ;

- la qualification de don est revêtue de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal ;

- la majoration de 80 % prononcée par la proposition de rectification du 22 décembre 2015 n'a pas été précédée d'une information sur l'infraction reprochée et les éléments de preuve retenus, ni d'un débat contradictoire en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et plus particulièrement des droits de la défense ;

- le c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts contrevient aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des sanctions ; la procédure de sanction et ses conséquences sur leur patrimoine ne sont pas compatibles avec les dispositions de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 septembre 2021, le 3 juin 2022 et le 18 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de M. et Mme C....

Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 juin 2022, l'instruction a été close au 6 septembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011 à 2013, au cours duquel l'administration fiscale a été autorisée à consulter l'information judiciaire ouverte des chefs de corruption active et passive d'une personne détenant un mandat électif, abus de biens sociaux, achats de vote, blanchiment, complicité et recel de ces infractions, financement illicite de campagne électorale, ... des 9 et 16 mars 2008, des 27 septembre et 4 octobre 2009 et des 5 et 12 décembre 2010, recel et blanchiment de ces infractions, et blanchiment de fraude fiscale, et impliquant notamment M. C.... Par une proposition de rectification en date du 22 décembre 2015, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011, assorties d'une majoration de 80 %, selon la procédure d'évaluation d'office, à raison d'une activité non déclarée d'animation de réseau d'influence en rémunération de laquelle M. C... a perçu le 8 août 2011 une somme de deux millions d'euros. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 8 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande de décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la communication du sens des conclusions du rapporteur public :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".

3. La communication aux parties du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. S'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, lorsqu'il propose le rejet de la requête, il est seulement tenu d'indiquer s'il se fonde sur un motif d'irrecevabilité ou propose le rejet des prétentions au fond. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Versailles que les parties ont été informées du sens des conclusions du rapporteur public par la mention " rejet au fond ". Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en raison d'une communication insuffisante du sens des conclusions du rapporteur public.

En ce qui concerne le droit à un procès équitable, la présomption d'innocence et les principes d'égalité des armes et du contradictoire :

4. M. C... soutient qu'en se référant aux extraits des procès-verbaux communiqués à l'administration fiscale par l'autorité judiciaire et repris par le vérificateur dans la proposition de vérification, alors que, l'instruction pénale étant alors en cours, les éléments de faits constatés par ces procès-verbaux, qui étaient contestés, ne pouvaient être tenus pour établis, les premiers juges ont méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment le droit à un procès équitable, violé la présomption d'innocence et méconnu le principe d'égalité des armes et du contradictoire. Ces moyens portent sur l'appréciation au fond portée par le tribunal et relèvent du bien-fondé du jugement attaqué. En tout état de cause, le tribunal administratif, qui n'était pas n'était pas tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la qualification pénale des faits par le juge répressif, a pu, sans méconnaître ces droits et principes, fonder sa décision sur les éléments de fait précis et concordants ressortant de ces procès-verbaux.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant de la privation des garanties attachées à la procédure de répression de l'abus de droit :

5. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ".

6. Il résulte de l'instruction que les fonds ont été versés à M. C... sous la forme de cinq chèques, dont il est constant qu'ils lui ont été remis le 8 août 2011, et que ce versement a été " régularisé " le 28 juin 2013, par un notaire, sous forme de déclaration de dons manuels, les droits de mutation correspondants étant consignés à l'étude par le donateur. M. C... soutient que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause cette donation sans mettre en œuvre la procédure de répression de l'abus de droit. Toutefois, pour considérer que les sommes versées directement ou indirectement à M. C... présentaient le caractère de rémunération d'une activité occulte imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, le service n'a pas écarté les déclarations de don manuel, au demeurant postérieures à l'année d'imposition, comme ne lui étant pas opposables au motif qu'elles dissimuleraient une réalité différente, mais s'est borné, comme il était en droit de le faire, à estimer qu'il ressortait des éléments en sa possession, notamment des informations recueillies dans le cadre de l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, que ces sommes constituaient la rétribution de son activité d'animation de réseau d'influence. L'administration ne peut être regardée comme ayant ainsi, même implicitement, mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

S'agissant des garanties attachées à la vérification de comptabilité :

7. Aux termes de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales : " Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées de l'activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité ".

8. M. et Mme C... soutiennent que l'administration fiscale ne peut se prévaloir de ces dispositions, dès lors qu'elle avait nécessairement connaissance des faits qu'elle a qualifiés d'activité occulte avant d'engager l'examen de sa situation fiscale personnelle. Il résulte toutefois de l'instruction que, si des articles de presse ayant eu un certain retentissement médiatique avaient fait état de suspicions de versement de sommes d'argent dans le cadre d'un système d'achat de voix dont M. C... aurait pu bénéficier, le service n'a pu fonder les rectifications qu'au vu des informations recueillies dans l'exercice du droit de communication exercé postérieurement à l'avis de contrôle du 15 septembre 2014. En application des dispositions de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales, le service a pu régulièrement en tirer les conséquences sur la situation fiscale personnelle du contribuable sans engager au préalable une vérification de comptabilité portant sur l'activité révélée. En outre, le service s'est fondé sur les seuls éléments portés à sa connaissance, sans remettre en cause des données comptables au demeurant inexistantes, ni procéder à aucune reconstitution. Le moyen tiré de la privation des garanties attachées à la procédure de vérification de comptabilité ne peut, par suite, qu'être écarté. Sur ce point, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'instruction fiscale BOI-CF-IOR-60-10-20150902 publiée le 2 septembre 2015, dès lors que la doctrine ne peut être invoquée en matière de procédure d'imposition.

9. En l'absence d'irrégularité de la procédure d'imposition, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de la forclusion du délai de reprise :

10. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

11. Il résulte de l'instruction, notamment du jugement rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris statuant en matière correctionnelle, qui condamne M. C... à deux ans d'emprisonnement délictuel, cinq ans d'inéligibilité et confiscation de la somme de 150 000 euros, dont les constatations de fait sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives, que M. C... a activement contribué à l'organisation et à l'animation d'un réseau pyramidal d'achat de votes lors des élections municipales de Corbeil-Essonnes des 9 et 16 mars 2008, 27 septembre et 4 octobre 2009 et 5 et 12 décembre 2010 et qu'il a reçu, le 8 août 2011, une somme de deux millions d'euros qui n'a pas été déclarée au titre de ses revenus de l'année 2011. Selon le jugement correctionnel, " outre les témoignages à charge, il ressort des propres déclarations de M. C... que bien qu'il qualifie son travail de bénévole, c'est en récompense de ce travail à l'occasion des campagnes électorales, qu'il a été gratifié". Le tribunal relève encore que M. C... avait clairement un rôle de lobbyiste, et que les fonds lui ont été remis pour que les individus qu'il avait organisés en équipe s'impliquent dans la campagne électorale. Il résulte de ces constatations que la somme de deux millions d'euros a été perçue par M. C... en rétribution de son action. Les revenus de cette activité n'ayant pas été déclarés et cette activité présentant un caractère illicite, l'administration fiscale était fondée à faire usage du délai spécial de reprise applicable aux activités occultes.

12. De plus, aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. " Des insuffisances ou omissions d'imposition peuvent être regardées comme révélées par une instance devant les tribunaux au sens de cet article lorsque l'administration ne dispose pas d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

13. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 8, au vu des seules informations révélées par la presse, l'administration fiscale ne disposait pas d'éléments suffisants pour établir les rectifications avant d'avoir eu accès à l'instruction judiciaire qui a établi les modalités et protagonistes du système d'achat de voix incriminé. Il ne peut davantage être déduit du courriel du 26 septembre 2013 d'un contrôleur des finances publiques relatif aux droits de mutation induits par les déclarations de don manuel établies le 28 juin 2013, que l'administration fiscale disposait du fait de ces déclarations d'éléments suffisants pour qualifier l'activité d'animation de réseau d'influence révélée par l'enquête police. Les poursuites ayant mis à jour le système pyramidal d'achat de votes, le rôle de M. C..., la mise à disposition de fonds dont il a bénéficié sans les reverser, ainsi que les comptes bancaires au Liban, en Suisse et en Algérie par lesquels ils ont transité, et ainsi révélé les omissions d'imposition à l'impôt sur le revenu, l'administration fiscale était fondée à se prévaloir du délai spécial de reprise prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales.

S'agissant de la perception d'un revenu imposable :

14. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...) ".

15. Ainsi qu'il a été dit aux points précédents, M. C... doit être regardé comme ayant exercé une activité occulte dont les revenus sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Les requérants se prévalent toutefois des mentions du jugement correctionnel du 17 décembre 2020 par lequel le juge répressif statuant sur les faits constitutifs de l'infraction de blanchiment de fraude fiscale, indiquent que " les sommes données par ... aux divers protagonistes de cette affaire, tous étrangers à sa parentèle, s'analysent comme des libéralités faites à des tiers ". Ils font valoir que la qualification de donation est revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée par le juge répressif. Si l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions du juge répressif devenues définitives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification sur le plan pénal, elle n'a pas d'incidence sur la qualification par le juge de l'impôt de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale. En l'espèce, seuls la perception des fonds et le fait " d'avoir placé, dissimulé et converti les fonds sur des comptes ouverts à son nom ou aux noms de proches notamment au Liban, ces comptes n'étant pas déclarés à l'administration fiscale " constituent le support de la qualification pénale de blanchiment de fraude fiscale. Par suite, les constatations du juge pénal ne font pas obstacle à ce que l'administration fiscale qualifie de revenus d'activité les " dons manuels " déclarés a posteriori par le donateur.

En ce qui concerne les pénalités :

16. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (..) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".

17. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'activité exercée par M. C... présentait un caractère occulte. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait mettre à leur charge la majoration prévue au c de l'article 1728 du code général des impôts. Ces dispositions proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci. De plus, le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration encourue, soit s'il estime que l'administration n'établit que celui-ci a exercé une activité occulte, de ne laisser à sa charge que la majoration de 10 % et les intérêts de retard. Alors même qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt de moduler le taux de cette pénalité, ni de vérifier si le taux prévu par le législateur est proportionné aux agissements du contribuable, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des sanctions doivent être écartés. Eu égard notamment au préjudice pécuniaire qui peut résulter pour le Trésor des omissions de déclaration, l'article 1728 du code général des impôts ne porte pas davantage une atteinte disproportionnée, au regard de l'objectif poursuivi, au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la cette convention.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Sur les frais de l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.

La rapporteure,

O. A... Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE03161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03161
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-05 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices non commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : DAUVERGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-05-09;20ve03161 ?
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