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28/03/2023 | FRANCE | N°22VE00628

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 28 mars 2023, 22VE00628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet du Loiret lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement n° 2200447 du 17 février 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2022, et un mém

oire enregistré le 11 mars 2023 qui n'a pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Duplantier, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet du Loiret lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement n° 2200447 du 17 février 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2022, et un mémoire enregistré le 11 mars 2023 qui n'a pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Duplantier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de l'admettre au séjour le temps du réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît la protection contre l'éloignement des parents d'enfant français prévue au 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- en lui notifiant une obligation de quitter le territoire à l'occasion de sa demande de reconnaissance de paternité, le préfet a entaché sa décision d'un détournement de pouvoir ou de procédure ;

- le refus de délai de départ volontaire est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et en toute hypothèse d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le motif d'ordre public visé par l'arrêté contesté n'est pas constitué ; il justifie de garanties de représentation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de son enfant à naître, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2022, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré, présentée pour M. C..., a été enregistrée le 16 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 15 décembre 1987, entré en France le 11 mai 2017 avec un visa de court séjour, a fait l'objet le 9 février 2022 d'un arrêté du préfet du Loiret lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an. M. C... relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".

3. Si M. C... fait valoir que sa compagne est enceinte et qu'il a dès lors vocation à devenir le parent d'un enfant de nationalité française, cette circonstance ne lui permet pas de bénéficier de la protection contre l'éloignement prévue par les dispositions rappelées au point précédent dès lors que l'enfant dont il se dit le père n'était pas né à la date de l'arrêté contesté.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

5. M. C... n'établit pas la continuité de sa présence en France depuis 2017. La réalité de sa relation avec Mme B... depuis septembre 2020 ne peut davantage être tenue pour établie au vu des seules attestations produites au dossier. En tout état de cause, cette relation était récente à la date de l'arrêté contesté et l'enfant porté par Mme B... n'était pas né. M. C... a par ailleurs fait l'objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire prises à son encontre par le préfet du Loiret le 1er février 2021 et le 17 avril 2019. Il est dépourvu de ressources et ne justifie d'aucune insertion professionnelle. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de ses conséquences sur la situation de M. C... doit être écarté.

7. Enfin, M. C... fait valoir que le préfet ne pouvait, sans entacher sa décision d'un détournement de pouvoir ou de procédure, prendre la décision d'éloignement contestée à l'occasion de l'enquête pour suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité dont il faisait l'objet à la demande du procureur de la République. Toutefois, il ressort de la convocation qui lui a été adressée par les services de police que M. C... a été informé de ce qu'il serait également entendu sur sa situation irrégulière sur le territoire français. En lui notifiant l'arrêté contesté à l'occasion de cet entretien, le préfet du Loiret n'a, en tout état de cause, pas entaché sa décision du détournement de pouvoir ou de procédure allégué.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ".

9. Si l'arrêté contesté vise le 1° de l'article L. 612-2, il ressort des motifs de la décision de refus de départ volontaire que celle-ci est fondée sur le motif tiré du risque que l'intéressé se soustraie à son éloignement, en ce que M. C... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire après l'expiration de son visa, n'a pu présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. Le délai de départ volontaire n'ayant pas été refusé au requérant pour un motif d'ordre public, le moyen tiré de ce que le comportement de M. C... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public est inopérant.

10. Alors même que M. C... justifierait de garanties de représentation, le préfet du Loiret était légalement fondé à lui refuser un délai de départ volontaire au seul motif qu'il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement non exécutées.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

12. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, M. C... ne justifie ni de l'ancienneté de sa présence en France, ni de sa relation avec une ressortissante française, et l'enfant dont celle-ci était enceinte n'était pas né à la date de l'arrêté contesté. Dans ces circonstances, alors que M. C... a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement et ne justifie pas de son insertion dans la société française, en assortissant l'obligation de quitter le territoire sans délai d'une interdiction de retour d'une durée d'un an, le préfet du Loiret n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs précédemment exposés, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

La rapporteure,

O. A... Le président,

P. BEAUJARD La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

2

N° 22VE00628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00628
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-28;22ve00628 ?
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