Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) France Container Trading a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2013, 2014 et 2015 sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts.
Par un jugement n° 1902414 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance en matière de taxe sur la valeur ajoutée, déchargé partiellement la SARL France Container Trading des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 mai et 4 juin 2021, la SARL France Container Trading, représentée par Me Devillières, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas donné les raisons pour lesquelles elle ne pouvait bénéficier d'une modulation des amendes pour non-déclaration des acquisitions intra-communautaires qui lui ont été infligées ;
- le rappel de taxe relatif aux prestations de services de la société de droit allemand Magellan n'est pas fondé dès lors que cette société est assujettie en Allemagne ;
- les documents produits établissent la sortie du territoire métropolitain des biens vendus à la société WCT et le caractère intra-communautaire de ses livraisons aux sociétés Transcovi, Global Supply Chain, Damco et Fiona Ridley Jones ; les deux conteneurs vendus à la société CHS, société de droit allemand et revendus à une autre société allemande en vue d'être installés sur un navire étaient nécessairement destinés à sortir du territoire ; la TVA ne pouvait dès lors être due en France ;
- le tribunal a commis une erreur sur le montant de la TVA dont il a admis la décharge du chef de la facture de 7 825 euros adressée à la société SCI Houet ;
- le tribunal ayant admis que la déduction de la provision de 88 753,14 euros constituée en 2009 était bien justifiée à la clôture de l'exercice 2013, elle est fondée à demander la décharge complémentaire de l'impôt sur les sociétés en résultant au titre des exercices 2014 et 2015 ;
- les amendes doivent être modulées à la baisse eu égard à sa bonne foi et à l'absence de préjudice subi par le Trésor.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 5 724 euros prononcé en cours d'instance en matière de TVA au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et au rejet du surplus de la requête de la SARL France Container Trading.
Le ministre fait valoir que le rappel de TVA est abandonné en ce qui concerne la facture de la société Magellan et que le surplus des moyens de la requête n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 14 décembre 2022, l'instruction a été close au 16 janvier 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) France Container Trading, qui exerce une activité de location et de transformation de conteneurs pour les professionnels et les particuliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses opérations et déclarations au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des suppléments d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et des pénalités pour non-déclaration des acquisitions intra-communautaires, au motif qu'elle n'avait pas justifié de l'intégralité de ses livraisons intra-communautaires et exportations, ainsi que de provisions pour dépréciation de créances douteuses. Des dégrèvements sont intervenus en cours de procédure. La SARL France Container Trading relève appel du jugement du 26 mars 2021 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande de décharge.
Sur l'étendue du litige :
2. En premier lieu, l'administration fiscale ayant prononcé le dégrèvement, par un avis du 25 mai 2021 antérieur à la requête d'appel, de la totalité de l'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société requérante au titre de la période 2013-2015 pour un montant de 18 488 euros en principal et 1 542 euros en pénalités, celle-ci s'est, par son mémoire enregistré le 4 juin 2021, désistée de sa demande de décharge relative à l'impôt sur les sociétés. Il y a lieu de lui en donner acte.
3. En second lieu, par un avis de dégrèvement du 15 octobre 2021, postérieur à l'introduction de la requête d'appel, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement partiel de TVA, d'un montant de 5 724 euros, au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013, relatif à des prestations de services de la société de droit allemand Magellan Maritime Services GmbH. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. A supposer soulevé le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué en ce qui concerne la demande de décharge des amendes pour non déclaration des acquisitions intracommunautaires, les premiers juges ayant exposé les motifs pour lesquels il ne leur appartenait pas de moduler ces amendes, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé des rappels de TVA restant en litige :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 258 du code général des impôts : " I. Le lieu de livraison de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : (...) c. lors de la mise à disposition de l'acquéreur en l'absence d'expédition ou de transport (...) ". Aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " I. - Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; (...) ". Aux termes de l'article 262 ter du même code : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. (...) ".
6. Il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. S'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents relatifs au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur.
7. Pour justifier de sa livraison à la société Transcovi, société établie à La Réunion, qui ne fait pas partie du territoire fiscal de l'Union européenne, la société requérante produit la facture, un échange de courriers et un document douanier. Si la déclaration de douane est signée du déclarant Réunion Transit, elle n'est pas visée par les douanes. Dans ces conditions, les documents produits ne sont pas de nature à établir le caractère effectif de la livraison en cause. S'agissant des ventes aux sociétés établies en Allemagne (WCT), au Portugal (Damco), en Irlande (JCB Global Supply Chain), la société requérante se borne à soutenir que la nature même des biens vendus, à savoir des conteneurs destinés au transport international, implique nécessairement une sortie du territoire français. Ce faisant, elle n'établit pas la réalité de l'expédition ou du transport des biens hors de France, alors que le ministre relève sans être contredit, concernant le client allemand WCT, que selon les clauses de livraison figurant au bas de la facture, la marchandise devait être acheminée au Havre, concernant la société portugaise Damco, que selon la facture produite devant le tribunal, le bien devait être livré au port de Brest, concernant le client Fiona Ridley-Jones, que la facture ne mentionne aucun numéro de TVA intracommunautaire et le lieu de livraison situé en France, et concernant le client JCB Global Supply Chain, que le bien devait être livré au " Port autonome de Strasbourg ". Enfin, la société requérante ne fournit aucun justificatif de la sortie du territoire des biens vendus au client WTC, alors que la facture mentionne expressément que la livraison doit avoir lieu à Fos-sur-Mer. Il en résulte que les conditions de l'exonération revendiquée ne peuvent être regardées comme établies.
8. En second lieu, la société requérante soutient que le tribunal a commis une erreur sur le montant de la TVA dont elle l'a déchargée à raison d'une facture de 7 825 euros adressée à la société SCI Houet. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 5 décembre 2016, que ladite facture n'a été enregistrée en comptabilité qu'à hauteur de 988,65 euros et que le montant du rappel de TVA a été calculé sur cette base. Il s'ensuit que seule la décharge d'un rappel de TVA de 162,02 euros est justifiée et que la SARL France Container Trading n'est pas fondée à demander un complément de décharge à ce titre.
Sur les pénalités :
9. Aux termes du premier alinéa du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. ".
10. Le juge de l'impôt, saisi de conclusions dirigées contre des amendes appliquées sur le fondement de ces dispositions exerce un plein contrôle sur les faits et la qualification retenue par l'administration et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l'amende effectivement encourue pour son montant prévu par la loi, soit d'en prononcer la décharge et de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable.
11. En l'espèce, la société requérante ne conteste pas la réalité des manquements à raison desquels lui a été infligée l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Pour l'appréciation du bien-fondé de cette sanction, il n'appartient pas au juge de l'impôt de tenir compte de la bonne foi du redevable. En outre, en l'espèce, les acquisitions intracommunautaires de la SARL France Container Trading, pour des montants de 1 769 817 euros en 2013, 692 431 euros en 2014 et 915 229 euros en 2015, n'ont été portées sur ses déclarations mensuelles de TVA qu'à hauteur de 316 007 euros en 2013, 228 399 euros en 2014 et 422 696 euros en 2015. Dans ces conditions, les amendes prononcées par l'administration fiscale ne présentent, en tout état de cause, pas un caractère disproportionné.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL France Container Trading n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande.
DECIDE :
Article 1er : Il est donné acte à la SARL France Container Trading du désistement de ses conclusions à fin de décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.
Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du dégrèvement de 5 724 euros de droits de TVA et 550 euros de pénalités prononcé en cours d'instance.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL France Container Trading est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL France Container Trading et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mars 2023.
La rapporteure,
O. A... Le président,
P. BEAUJARDLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21VE01538