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08/03/2023 | FRANCE | N°22VE02664

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 mars 2023, 22VE02664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 19 septembre 2022 par laquelle le préfet des Yvelines a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par une ordonnance n° 2207498/11 du 24 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022

, M. E..., représenté par Me Raymond, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 19 septembre 2022 par laquelle le préfet des Yvelines a ordonné son transfert aux autorités espagnoles.

Par une ordonnance n° 2207498/11 du 24 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Raymond, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision attaquée ordonnant son transfert aux autorités espagnoles ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile et de lui en délivrer un récépissé dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, celui-ci renonçant dans ce cas à bénéficier de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- c'est à tort que sa demande de première instance a été jugée irrecevable car elle a été enregistrée le 4 octobre 2022 à 23h59, soit pendant le quinzième jour suivant la notification de l'arrêté litigieux ;

- la décision portant transfert aux autorités espagnoles a été signée par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire, elle est insuffisamment motivée, notamment en ce qu'elle ne comporte pas l'énoncé des voies et délais de recours ou le critère de responsabilité retenu, elle méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, faute pour lui de s'être vu remettre les brochures d'information prévues par ces dispositions et elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant marocain né le 24 février 1993, demande l'annulation de l'ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles du 24 octobre 2022 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2022 par laquelle le préfet des Yvelines a ordonné sa remise aux autorités espagnoles.

Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de M. B... E... , à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 précitée.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ".

5. L'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 572-5 du même code : " Lorsque la décision de transfert est notifiée sans assignation à résidence ou placement en rétention de l'étranger, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) ". Enfin, l'article R. 777-3-1 du code de justice administrative dispose que : " I. - Conformément aux dispositions de l'article L. 572-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une décision de transfert fait courir un délai de quinze jours pour contester cette décision. (...) ".

6. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté comme irrecevable la demande présentée par M. E... tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2022 par laquelle le préfet des Yvelines a ordonné sa remise aux autorités espagnoles au motif qu'elle avait été présentée après l'expiration du délai de recours de quinze jours prévu par les dispositions précitées des articles L. 572-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 777-3-1 du code de justice administrative. Il ressort des pièces du dossier que le préfet des Yvelines a notifié à M. E... le 19 septembre 2022 à 11 heures 30 cette décision. Le délai de quinze jours a commencé à courir à cette date et a expiré le 4 octobre 2022 à 24 heures. Dans ces conditions, la requête présentée par M. E..., enregistrée au greffe le 4 octobre 2022 à 23h59, n'était pas tardive. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande dont il était saisi tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2022 ordonnant la remise de M. E... aux autorités espagnoles. Son ordonnance doit, ainsi, être annulée.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2022 ordonnant sa remise aux autorités espagnoles.

Sur la légalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles :

8. Par un arrêté n° 78-2022-01-31-00002 du 31 janvier 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 78-2022-021 du même jour de la préfecture des Yvelines, M. C... D..., directeur des migrations, a reçu délégation du préfet de ce département pour signer la décision attaquée. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été signée par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire.

9. L'arrêté attaqué cite les articles 3-2, 13, 13-1, et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et indique que les autorités espagnoles ont fait connaître leur accord le 18 août 2022. Il comporte ainsi l'énoncé des éléments de fait et des principes de droit qui fondent la décision attaquée. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

10. Aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

11. M. E... soulève le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté litigieux en exposant que le préfet des Yvelines n'aurait pas précisé le critère de responsabilité retenu pour la détermination de l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il ressort toutefois de l'examen des termes de l'arrêté, que celui-ci énonce les motifs de droit et de fait qui fondent la décision de transfert vers l'Espagne. Le préfet a notamment précisé que l'intéressé a franchi irrégulièrement la frontière de l'Espagne dans la période précédant les 12 mois du dépôt de sa première demande d'asile et que les autorités de ce pays, saisies d'une demande de prise en charge sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, l'ont expressément accepté le 18 août 2022. Une telle motivation est suffisante dès lors qu'elle permet d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application et, en l'espèce, de comprendre pour quels motifs l'Espagne doit être regardée comme l'État membre responsable du traitement de sa demande d'asile. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse au vu des dispositions précitées doit être écarté.

12. La circonstance, au demeurant manquant en fait, que l'arrêté attaqué ne comporterait pas la mention des voies et délais de recours en français est, en tout état de cause sans influence sur la légalité de cet arrêté.

13. Il ressort des pièces du dossier que les brochures prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été remises à M. E... dans leur version en langue arabe, langue qu'il a déclaré comprendre, le 19 mai 2022. Le moyen tiré de l'absence de remise de ces brochures manque en fait et doit être écarté.

14. En se bornant à faire état de considérations très générales sur l'attitude du gouvernement espagnol vis-à-vis de l'indépendance du Sahara Occidental et à établir que trois homonymes résident en France, M. E... n'établit pas que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : M. E... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L'ordonnance n° 2207498/11 du 24 octobre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 3 : La demande de M. E... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera transmise au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2023.

Le rapporteur,

G. A...Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 22VE02664

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02664
Date de la décision : 08/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : RAYMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-08;22ve02664 ?
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