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08/03/2023 | FRANCE | N°22VE00957

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 mars 2023, 22VE00957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2013421 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, Mme E..

., représentée par Me Maillard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2013421 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 avril 2022, Mme E..., représentée par Me Maillard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail durant la période de fabrication du titre sous les mêmes modalités d'astreinte ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant cet examen ;

5°) de condamner l'Etat à verser à Me Maillard la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation et de dénaturation des pièces quant à l'impossibilité pour elle de bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état de santé en République démocratique du Congo ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le caractère collégial de l'avis du collège médical de l'OFII n'est pas établi ;

- cette décision méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses incidences sur la vie privée et familiale de la requérante ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- cette décision est illégale du fait de l'irrégularité de l'avis du 4 juin 2020 ;

- cette décision méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant un délai de trente jours est entachée d'erreur en raison de l'impossibilité pour elle de bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine, ainsi que de ses attaches en France ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Val-d'Oise, qui n'a pas produit de mémoire.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, Mme B..., sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante congolaise (RDC) née le 12 septembre 1982, est entrée en France le 17 avril 2016. Le 25 novembre 2019, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 22 juillet 2020, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... relève régulièrement appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En soutenant que le jugement attaqué est entaché d'erreur d'appréciation et de dénaturation des pièces quant à l'impossibilité pour elle de bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine, Mme E... se borne en réalité à critiquer le bien-fondé du jugement, ce qui est sans influence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision attaquée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels elle est fondée, est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, prévoit que l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé. L'article R. 313-23 du même code, dans sa version alors applicable, précise que ce collège à compétence nationale est composé de trois médecins. En outre, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'avis du collège de médecins de l'OFII porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve contraire. En l'espèce, aucun élément ne permet de mettre en doute l'authenticité de cette mention et de conclure que ces trois médecins, dont l'identité est précisée, n'auraient pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet du Val-d'Oise aurait omis d'examiner complètement la situation de Mme E....

6. En quatrième lieu, Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme E... souffre d'une hypertension artérielle mal équilibrée nécessitant des consultations régulières avec des spécialistes et qu'elle suit un traitement médicamenteux constitué, depuis juin 2020, des médicaments Nebivolol et Lercapress. Selon l'avis du collège des médecins de l'OFII du 4 juin 2020, son état de santé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais elle peut bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine.

7. D'une part, les articles de presse et le rapport sur le système de soins en République démocratique du Congo versés aux débats, d'une portée générale, ne permettent pas d'infirmer l'avis du 4 juin 2020. Il en va de même des certificats médicaux que la requérante produit, qui sont insuffisamment précis et circonstanciés, alors qu'en outre le certificat médical du docteur D... du 24 mars 2021 ne se prononce pas sur la disponibilité de son traitement médicamenteux en République démocratique du Congo et que le certificat médical du Centre médical de Oshwe a été établi pour les besoins de la cause.

8. D'autre part, Mme E... fait valoir que les médicaments de son traitement comportent comme substances actives la lercanidipine et le nebivolol, qui ne figurent pas sur la liste des médicaments essentiels en République démocratique du Congo. Toutefois, cette absence de mention signifie que l'approvisionnement de ces médicaments n'est pas considéré comme prioritaire, mais pas forcément que ces médicaments ne sont pas disponibles. Il n'est pas établi non plus qu'ils ne seraient pas substituables avec d'autres médicaments figurant sur cette liste, qui comporte une dizaine d'antihypertenseurs et qui est très proche de la liste préconisée par l'Organisation mondiale de la santé.

9. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'a pas fourni d'éléments permettant d'infirmer l'avis du 4 juin 2020 du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme inopérant, dès lors que Mme E... n'a pas présenté sa demande de titre de séjour sur ce fondement.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Mme E... réside en France depuis quatre ans selon ses déclarations. Elle se borne à affirmer qu'elle y a noué de solides liens privés, mais ne soutient pas qu'aucun membre de sa famille habiterait en France. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment son fils mineur, ses parents, sa fratrie et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans. Elle n'a déclaré aucun revenu au titre des années 2017 à 2020. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit sur son état de santé, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses incidences sur la vie privée et familiale de la requérante.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, si Mme E... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour, il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être écarté.

13. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 4 juin 2020 du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est inopérant à l'encontre de la décision obligeant la requérante à quitter le territoire français.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (. . .) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 6 à 9 du présent arrêt.

15. En quatrième lieu, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux figurant au point 11 du présent arrêt.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant un délai de trente jours :

16. Mme E... soutient que la fixation d'un délai de trente jours seulement est entachée d'erreur en raison de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine, ainsi que de ses attaches en France où elle réside depuis quatre ans. Ces allégations sont trop générales pour établir qu'un tel délai est insuffisant, alors qu'un traitement adapté à son état de santé est disponible dans son pays d'origine et qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

17. Si Mme E... soutient que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2023.

La rapporteure,

C. A... Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE00957


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00957
Date de la décision : 08/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-08;22ve00957 ?
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