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08/03/2023 | FRANCE | N°21VE02449

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 mars 2023, 21VE02449


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance en date du 20 mai 2019 enregistrée le jour même, le président du tribunal administratif de Paris a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Versailles la requête enregistrée le 2 mai 2019, présentée pour M. B... C....

Par cette requête, M. C... demandait au tribunal de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 12 000 euros assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'il a sub

is du fait de son placement en cellule disciplinaire le 18 juillet 2018 et de la p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance en date du 20 mai 2019 enregistrée le jour même, le président du tribunal administratif de Paris a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Versailles la requête enregistrée le 2 mai 2019, présentée pour M. B... C....

Par cette requête, M. C... demandait au tribunal de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 12 000 euros assortie des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de son placement en cellule disciplinaire le 18 juillet 2018 et de la perte d'effets personnels lors d'une fouille de sa cellule par les ERIS, le 17 mai 2018.

Par un jugement n°1903839 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. C... une somme globale de 1 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 4 janvier 2020 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2021, le ministre de la justice demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de rejeter la requête de M. C... ou, à titre subsidiaire, de réévaluer la somme allouée à M. C....

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le mémoire en défense qu'il a présenté le 21 mai 2021 n'a pas été pris en compte, ni même visé ;

- la cellule disciplinaire dans laquelle M. C... a été placé était bien pourvue d'une fenêtre et d'un robinet avec libre accès à l'eau froide et le suicide du détenu occupant la cellule voisine était sans rapport avec ses conditions de détention ;

- M. C... ne démontre pas les préjudices dont il se prévaut ;

- seul le préjudice moral résultant de la mise en cellule disciplinaire peut être indemnisé à hauteur de 60 euros par jour de détention illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2022, M. C..., représenté par Me Assam, avocate, forme un appel incident et demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du ministre ;

2°) de condamner l'administration pénitentiaire au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de la réparation consécutive aux jours passés en cellule disciplinaire majoré des intérêts de droit à compter de la date de la première demande d'indemnisation formée le 26 décembre 2018 auprès de la direction de la Maison d'arrêt de Fleury-Merogis avec capitalisation des intérêts échues à compter de cette même formalité ;

3°) de condamner l'administration pénitentiaire au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de la confiscation de ses effets personnels ;

4°) de condamner l'administration pénitentiaire au paiement de la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral consécutif aux conditions de détention ;

5°) de condamner l'administration pénitentiaire au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais d'assistance et de défense durant les instances liées à la procédure disciplinaire ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de la justice ne sont pas fondés ;

- le préjudice moral est parfaitement constitué en l'espèce.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui était détenu à la maison d'arrêt de Fleury Mérogis, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire prononcée le 19 juillet 2018 de quatorze jours de placement en cellule disciplinaire dont sept avec sursis pour une faute du premier degré, en application des dispositions du 2° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale. Cette décision a été annulée par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris le 9 août 2018. M. C... a saisi le ministre de la justice, par courrier du 26 décembre 2018, réceptionné le 4 janvier suivant, aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de cette décision, ainsi que de la perte d'effets personnels à l'occasion d'une fouille effectuée dans sa cellule le 17 mai 2018. En l'absence de réponse à ce courrier, il a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme globale de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 1903839 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. C... une somme globale de 1 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 4 janvier 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Le ministre de la justice relève appel de ce jugement, contre lequel M. C... a également formé un appel incident.

Sur la recevabilité de l'appel incident de M. C... en ce qui concerne les préjudices subis en raison de la perte de ses effets personnels :

2. Par sa requête du 9 août 2021, le ministre a fait savoir qu'il interjetait appel du jugement attaqué " en tant que le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2019 à la suite de son placement en cellule disciplinaire durant sept jours ". Ses conclusions et ses moyens se rapportaient exclusivement à ce chef de préjudice. Par son appel incident, M. C... a, pour sa part, demandé à ce que l'administration soit condamnée à l'indemniser, non seulement des préjudices subis en raison de la sanction disciplinaire injustifiée prise à son encontre, mais également de ceux résultant de la confiscation de ses effets personnels suite à une fouille dans sa cellule.

3. Il ne résulte pas de l'instruction que la perte des effets personnels de M. C... soit directement liée à sa détention disciplinaire injustifiée, ni que les deux événements auraient le même fait générateur. Par suite, dès lors que l'appel principal que le ministre avait formé portait seulement sur l'indemnité accordée au titre de la détention disciplinaire injustifiée, l'appel incident formé par M. C... après l'expiration du délai d'appel et dirigé contre le jugement en tant qu'il lui avait accordé, selon lui, une indemnité insuffisante au titre de la perte de ses effets personnels, relevait d'un litige distinct et n'était pas recevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Le ministre de la justice soutient que le principe du contradictoire a été méconnu, dès lors qu'il avait déposé un mémoire le 21 mai 2021, qui n'a pas été visé par le jugement attaqué. Toutefois, il ressort des mentions de l'accusé de réception produit par lui que ce mémoire n'a pas été adressé au tribunal administratif de Versailles, mais au tribunal administratif de Paris, qui n'était pas compétent, puisque, par ordonnance du 20 mai 2019, le président de la sixième section du tribunal administratif de Paris a transmis le dossier de M. C... au tribunal administratif de Versailles. Par suite, le ministre, qui n'établit ni n'allègue avoir été tenu dans l'ignorance de cette transmission, n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure méconnaissant le principe du contradictoire.

Sur l'appel du ministre de la justice et l'appel incident de M. C... en ce qui concerne la sanction disciplinaire injustifiée :

En ce qui concerne la faute :

5. Il est constant que la sanction disciplinaire prononcée le 19 juillet 2018 à l'encontre de M. C... a été annulée par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris le 9 août 2018 en raison de l'absence de matérialité des faits reprochés. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas contesté que M. C... a effectué sept jours d'encellulement disciplinaire, l'illégalité de la décision de la commission de discipline du 19 juillet 2018 est de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

En ce qui concerne les préjudices tirés de la sanction disciplinaire injustifiée :

6. M. C... fait valoir que, lors de sa détention disciplinaire, les murs de sa cellule étaient couverts d'excréments, la chasse d'eau des toilettes était cassée, le robinet du lavabo ne donnait que de l'eau chaude et que la chaleur y était insupportable. Il résulte de l'instruction, et notamment des photographies produites par le ministre que, si la cellule de M. C... était équipée d'une fenêtre, celle-ci ne laissait passer que peu de lumière et ne s'ouvrait que sur une partie très réduite, alors que l'intéressé a été placé en cellule disciplinaire au cours d'un épisode de canicule. Si l'administration produit une photographie visant à démontrer que la cellule était équipée d'un robinet, il est constant que ce robinet n'est pourvu que d'un bouton d'enclenchement, mais ne comporte pas de dispositif de réglage de la température de l'eau. Or, le requérant soutient que l'eau sortant de ce robinet était chaude en été en raison du fait que les tuyaux d'approvisionnement étaient situés à l'extérieur. Il est également constant que le détenu occupant la cellule voisine s'est suicidé au cours de la période de détention de M. C.... Celui-ci affirme que ces conditions de détention indignes l'ont traumatisé et établit, qu'il a été placé sous antidépresseurs à compter du mois de novembre 2018 et qu'il bénéficie d'une prise en charge psychologique depuis janvier 2019.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des préjudices liés à la sanction disciplinaire injustifiée de M. C..., y compris celui relatif aux frais d'assistance et de défense que l'intéressé aurait exposés en première instance, en condamnant l'Etat à lui verser une somme globale de 1 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etat à payer la somme de 1 000 euros au titre des préjudices découlant de la sanction disciplinaire injustifiée infligée à M. C... et que, d'autre part, les conclusions de M. C... présentées par la voie de l'appel incident doivent être rejetées.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées par la voie de l'appel incident ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la justice et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2023.

La rapporteure,

C. A... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02449
Date de la décision : 08/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : ASSAM

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-08;21ve02449 ?
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