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08/03/2023 | FRANCE | N°21VE01477

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 mars 2023, 21VE01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, en droits, intérêts et majorations, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1902865 du 29 mars 2021, le tribunal administratif d'Orléans les a déchargés de ces impositions en ce qui concerne la plus-value réalisée par Mme A... lors de la cession de ses titres de la sociét

é CCG Immobilier et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, en droits, intérêts et majorations, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1902865 du 29 mars 2021, le tribunal administratif d'Orléans les a déchargés de ces impositions en ce qui concerne la plus-value réalisée par Mme A... lors de la cession de ses titres de la société CCG Immobilier et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 mai 2021 et le 20 décembre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Evreux, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande de décharge ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige, relatives aux plus-values réalisées par M. A..., pour un montant de 187 523 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire leur imposition par application du système du quotient prévu à l'article 163-0 A du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme dont le montant sera précisé, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, les rectifications ne pouvaient porter que sur les années 2013 et 2014 au cours desquelles les cessions ont été réalisées et le complément de prix payé, dès lors que la dérogation au principe d'imposition au titre de l'année du fait générateur ne trouve pas s'appliquer lorsque les conditions d'application de l'abattement renforcé au bénéfice des cofondateurs ne sont pas remplies ;

- les moyens de l'appel incident ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, les plus-values de cession qu'ils ont réalisées constituant un revenu exceptionnel, ils sont fondés à demander le bénéficie de la méthode de calcul dite " du quotient " prévue à l'article 163-0 A du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, conclut au rejet de la requête de M. et Mme A... et, par la voie de l'appel incident, à ce que les impositions dont les a déchargés le tribunal soient remises à leur charge.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que, la situation de M. et Mme A... ne pouvant être désolidarisée, elle était fondée à remettre en cause, au titre de l'année 2015, l'abattement pratiqué sur les plus-values réalisées par Mme A....

Par une ordonnance du 22 novembre 2022, l'instruction a été close au 23 décembre 2022 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées le 21 décembre 2022 de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts, présentées pour la première fois le 20 décembre 2022, après l'expiration du délai de réclamation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Evreux pour M. et Mme A....

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A... a été enregistrée le 21 février 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., dirigeant de sociétés, et son épouse ont réalisé, en 2013, une plus-value de 701 051 euros, résultant de la cession, le 8 octobre 2013, de 20 titres de la société CCG Immobilier par M. A... et de 5 titres de la même société par son épouse, et de la vente, le 12 décembre 2013, de 1 100 titres de la société Ng.C par M. A... et, en 2014, une plus-value de 191 198 euros résultant d'un complément de prix perçu en 2014 sur la vente du 12 décembre 2013 par M. A... des titres Ng.C. Ces plus-values de cession de valeurs mobilières ont été placées par M. et Mme A... sous le régime d'abattement renforcé prévu par l'article 150-0 D ter du CGI en faveur des dirigeants partant à la retraite, et intégralement exonérées d'impôt sur le revenu par l'application d'un abattement de 100 %. A l'issue de l'examen de la situation fiscale personnelle des contribuables, le service a remis en cause cet abattement aux motifs que M. A... n'avait pas cessé son activité et que Mme A... n'avait pas la qualité de dirigeante de la société CCG Immobilier. Par un jugement du 29 mars 2021, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé M. et Mme A... des impositions supplémentaires qui en ont résulté en ce qui concerne seulement la plus-value réalisée par Mme A.... M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de remettre à la charge des contribuables les impositions dont ils ont été déchargés par le tribunal.

2. Aux termes de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions contestées : " I.- L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, si les conditions suivantes sont remplies : / (...) 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° ; (...) c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ; (...) / IV. - En cas de non-respect de la condition prévue au 4° du I à un moment quelconque au cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, l'abattement prévu au même I est remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie. Il en est de même, au titre de l'année d'échéance du délai mentionné au c du 2° du I, lorsque l'une des conditions prévues au 1° ou au c du 2° du même I n'est pas remplie au terme de ce délai. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'abattement renforcé prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés et à ce qu'il ait cessé toute fonction au sein de cette même société et fait valoir ses droits à la retraite au cours d'une période de quatre années allant de deux ans avant à deux ans après la cession. Le respect de ces conditions s'apprécie, en ce qui concerne la condition d'exercice de fonctions de direction, à la date de la cession, en ce qui concerne la condition de cessation des fonctions, à l'issue du délai de deux ans suivant la cession. Dans le cas d'un couple marié, il s'apprécie nécessairement au niveau de chaque conjoint pris isolément.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. En vertu du IV de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, lorsque la condition de cessation de fonctions et de mise à la retraite n'est pas remplie, l'abattement renforcé est remis en cause au titre de l'année d'échéance du délai de deux ans. En l'espèce, il est constant que M. A... n'a pas fait valoir ses droits à la retraite dans le délai de deux ans expirant en 2015 et qu'il ne pouvait dès lors prétendre, en application de la loi fiscale, au bénéfice de l'abattement en faveur des dirigeants partant à la retraite sur les plus-values réalisées lors de la cession des actions des sociétés CCG Immobilier et Ng.C intervenue en 2013. Il s'ensuit que la rectification a, à bon droit, été pratiquée par le service au titre de l'année 2015, en application du IV de l'article 150-0 D ter du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. M. et Mme A... soutiennent s'être, dès leur déclaration, placés sur le terrain de la doctrine énoncée au § 270 du BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 12 septembre 2012, qui étend le bénéfice de l'abattement renforcé au cas particulier des cessions de titres ou droits d'une même société réalisées conjointement par plusieurs co-fondateurs. Toutefois, il est constant que le coassocié de M. et Mme A... qui a cédé ses titres et était seul susceptible de cesser son activité n'était cofondateur ni de la société CCG, ni de la société Ng.C. Les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir d'une interprétation de loi fiscale dans les prévisions de laquelle ils n'entrent pas. Ils ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que, cette condition n'étant pas remplie dès l'année de la cession, la rectification ne pouvait être pratiquée qu'au titre des années 2013 et 2014.

En ce qui concerne l'application du mécanisme dit " du quotient " :

6. Aux termes du I de l'article 163-0 A du code général des impôts : " Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. (...) ".

7. L'application des dispositions de l'article 163-0-A du code général des impôts est subordonnée à une demande expresse des contribuables présentée dans le délai de réclamation. M. et Mme A... n'ont pas présenté à l'administration, dans le délai de réclamation, de demande tendant à ce que leur imposition soit calculée selon le système dit du " quotient ". Leur demande, présentée pour la première fois dans leur mémoire en réplique du 20 décembre 2022 devant la cour, est tardive et ne peut par suite qu'être écartée comme irrecevable.

Sur l'appel incident :

8. L'abattement pratiqué par les requérants sur la plus-value réalisée lors de la cession par Mme A..., le 8 octobre 2013, de 5 titres de la même société CCG Immobilier, a été remise en cause au motif que celle-ci ne remplissait pas la condition d'exercice de fonctions de direction pendant les cinq ans précédant la cession, prévue par le a du 2° du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts. Le non-respect de cette condition s'apprécie à la date de la cession et ne figure pas au nombre des dérogations mentionnées au IV de cet article. Il s'ensuit qu'alors même que les plus-values réalisées par M. et Mme A... ont fait l'objet d'une seule et même déclaration, dans laquelle ils ne se sont au demeurant pas prévalu de la tolérance énoncée au § 260 de l'instruction BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 12 septembre 2012 en cas de cessions de titres ou droits d'une même société réalisées conjointement par les membres du groupe familial, la plus-value résultant de la remise en cause de l'abattement au motif que Mme A... n'avait pas la qualité de dirigeante ne pouvait être imposée qu'au titre de l'année de sa réalisation, soit 2013, année prescrite lors de l'envoi de la proposition de rectification du 27 novembre 2017. C'est par suite à bon droit que le tribunal a déchargé les contribuables de cette imposition supplémentaire.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour infliger à M. et Mme A... la pénalité pour manquement délibéré, l'administration fiscale a relevé que M. A... ne pouvait ignorer ne pas être en mesure, à 55 ans, de satisfaire la condition de départ à la retraite dans les deux années suivant la cession de ses titres, que M. et Mme A... ne pouvaient davantage ignorer que M. C... n'était pas membre fondateur des société Ng.C et CCG au sens de la doctrine énoncée au § 270 du BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40 du 12 septembre 2012, tolérance dont ils ne se sont d'ailleurs pas expressément prévalu dans leur déclaration, que le complément de prix de vente des titres Ng.C de 191 198 euros reçu en 2014, n'a été déclaré qu'en 2017, au cours de la procédure de contrôle, et que le montant de la plus-value nette soustraite à l'impôt par l'application indue de l'abattement renforcé s'élève à 312 287 euros. L'administration fiscale apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de leur demande et que le ministre de l'économie, des finances et de relance n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a déchargé M. et Mme A... des impositions supplémentaires afférentes à la plus-value réalisée par Mme A.... La requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que l'appel incident.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... et les conclusions d'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la relance sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et Mme E... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2023.

La rapporteure,

O. B... Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01477
Date de la décision : 08/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Produits des placements à revenus fixes.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Plus-values des particuliers - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : CABINET LE CERCLE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-08;21ve01477 ?
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