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09/02/2023 | FRANCE | N°20VE01836

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 février 2023, 20VE01836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BNP Paribas SA a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la somme de 103 451 017 euros correspondant aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2005 à 2009.

Par un jugement n° 1710070 du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 juillet 2020, les 2 fé

vrier et 13 octobre 2021 et les 10 février, 24 juin et 28 juillet 2022, la société BNP Paribas S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BNP Paribas SA a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la somme de 103 451 017 euros correspondant aux cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2005 à 2009.

Par un jugement n° 1710070 du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 juillet 2020, les 2 février et 13 octobre 2021 et les 10 février, 24 juin et 28 juillet 2022, la société BNP Paribas SA, représentée par Mes Austry et Foucher, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution des impositions en litige à hauteur de 103 451 017 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la restitution à hauteur de 34 483 672 euros, correspondant au bénéfice du crédit d'impôt de 1/9ème du montant des dividendes prévu par l'article 9 A 2 de la convention fiscale signée entre la France et le Royaume-Uni du 22 mai 1968, sur l'imposition résultant de ces crédits d'impôt ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 9 A 2 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 institue un droit à imputation du crédit d'impôt sur l'impôt auquel le bénéficiaire est assujetti en France à raison des dividendes de source britannique et ne se borne pas à poser une simple règle de transfert de l'avoir fiscal britannique ;

- le crédit d'impôt de 1/9ème de l'article 9 A 2 de la convention ne peut être regardé comme un dividende ou même une distribution de bénéfices, et ne constitue donc pas un revenu imposable ;

- l'article 24 de la convention n'est pas applicable car aucune imposition n'est prélevée au Royaume-Uni sur les dividendes reçus par un résident de France ; l'administration fiscale reconnaît elle-même dans son instruction 14 B-5-99 du 11 juin 1999, dont elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qu'aucune retenue à la source n'était prélevée sur les dividendes versés aux non-résidents ;

- à supposer même que cet article s'applique, il ne saurait constituer le seul fondement de l'imposition en France, dès lors qu'un tel crédit d'impôt n'est pas imposable sur le fondement des dispositions de droit interne et qu'une convention fiscale, sauf aménagement particulier, ne peut pas, par elle-même, servir de base légale à une imposition ;

- seul doit être pris en compte dans la base taxable en France le revenu brut, c'est-à-dire, en pratique, le montant du dividende mis en paiement par l'assemblée des actionnaires, autrement dit le revenu nominal avant prélèvement d'un impôt à l'étranger ; la détermination du crédit d'impôt auquel a droit la requérante ne peut reposer sur le principe de symétrie entre la base taxable en France et au Royaume-Uni consacré par le jugement attaqué ;

- en tout état de cause, la convention ne contient aucune stipulation permettant de fonder le caractère imposable du crédit d'impôt ;

- à supposer que la symétrie de base imposable en France et au Royaume-Uni soit reconnue comme fondée, la méthode qu'elle revendique dans ses réclamations est la même que la solution adoptée par le tribunal, de telle sorte que la charge fiscale du dividende est identique, permettant de faire droit à ses prétentions.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2020, les 23 septembre et 22 décembre 2021 et les 21 avril et 21 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, s'il était fait droit à la demande d'imputation du tiers du crédit d'impôt étranger omis, de lui accorder, sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, la compensation avec l'insuffisance de base taxable en France au titre des exercices litigieux à hauteur d' 1/9ème des dividendes perçus.

Il fait valoir que :

- le crédit d'impôt de l'article 9 A 2 de la convention fiscale du 22 mai 1968 est un crédit d'impôt imputable sur l'impôt dû au Royaume-Uni ;

- les dividendes ont bien été soumis à l'impôt au Royaume-Uni, acquitté par compensation avec le crédit d'impôt britannique transféré et prévu à l'article 9 A 2 de la convention ; cet avoir fiscal n'était donc pas un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français ; le crédit d'impôt imputable en France trouve son fondement dans l'article 24 de la convention de 1968 ;

- dès lors qu'il y a bien eu une imposition des dividendes au Royaume-Uni, le mécanisme d'élimination des doubles impositions suppose de retenir la même base imposable en France et au Royaume-Uni ; le revenu imposable en France doit ainsi être identique à celui ayant servi d'assiette à l'impôt britannique et est donc égal à la somme du dividende et du crédit d'impôt britannique qui y est attaché et qui a été transféré à la société résidente de France pour s'acquitter de l'impôt prélevé au Royaume-Uni ; à défaut, la société française pourrait imputer un crédit d'impôt étranger à un taux supérieur à celui accordé par la convention ;

- le droit à imputation du crédit d'impôt étranger a été limité à juste titre à deux tiers de leur montant pour un taux d'impôt sur les sociétés de 33 1/3% ;

- les moyens soulevés par la société BNP Paribas SA ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, signée à Londres le 22 mai 1968 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique,

- et les observations de Me Austry, pour la société BNP Paribas SA.

Une note en délibéré présentée pour la société BNP Paribas SA a été enregistrée le 24 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif BNP Paribas Arbitrage est membre d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts et dont la société mère est la société BNP Paribas SA. La société BNP Paribas Arbitrage a perçu des dividendes de source britannique au titre des exercices clos de 2005 à 2009 inclus pour un montant total de 2 800 344 055 euros. Ces dividendes ont ouvert droit à un crédit d'impôt égal à 1/9ème du montant des dividendes conformément à l'article 9 A 2 de la convention fiscale signée entre la France et le Royaume-Uni du 22 mai 1968. Lors de la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû par le groupe au titre de ces exercices, ces crédits d'impôt britanniques ont été imputés, afin de se conformer à la doctrine administrative, et pour tenir compte de leur inclusion dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû en France, à hauteur de deux tiers seulement de leur montant, les dividendes perçus ayant par ailleurs été comptabilisés pour leur montant net encaissé, c'est-à-dire le montant nominal du dividende hors crédit d'impôt. Cette imputation partielle se traduisant, selon elle, par une minoration du montant des crédits d'impôts auxquels elle estime avoir droit, la société BNP Paribas SA a, par quatre réclamations, demandé la restitution de l'excédent d'impôt correspondant au tiers des crédits d'impôt non imputés, pour les cinq exercices en cause, pour un montant total de 103 451 017 euros. Par un jugement du 10 juin 2020, dont elle fait appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Sur les conclusions aux fins de restitution :

2. La demande de la société BNP Paribas tendant à la restitution des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés établies au titre des exercices clos de 2005 à 2009 conformément à ses déclarations, dans lesquelles elle n'avait procédé à l'imputation des crédits d'impôt qu'à hauteur des deux tiers, il appartient à cette dernière, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'établir le bien-fondé de ses prétentions.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

4. Il appartient néanmoins au juge, pour la mise en œuvre des stipulations d'une convention qui sont relatives, non à la répartition du pouvoir d'imposer entre les deux États parties, mais aux modalités d'élimination des doubles impositions, de faire application des stipulations claires subordonnant l'imputation du crédit d'impôt qu'elles prévoient à raison de l'impôt réputé perçu dans l'État où les revenus en cause trouvent leur source à l'inclusion dans l'assiette de l'impôt sur les bénéfices dû en France du revenu en cause augmenté de cet impôt.

5. Aux termes de l'article 9 de la convention conclue le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " A- Dividendes payés par des sociétés résidentes du Royaume-Uni /'1. a) Les dividendes payés par une société qui est un résident du Royaume-Uni à un résident de France sont imposables en France. / b) Quand un résident de France a droit à un crédit d'impôt à raison d'un tel dividende en vertu du paragraphe 2 du présent article, l'impôt peut aussi être perçu au Royaume-Uni sur la somme du montant ou de la valeur de ce dividende et du montant de ce crédit d'impôt à un taux n'excédant pas 15 % (...). / 2. Sous réserve des dispositions des paragraphes 3, 4 et 5 du présent article, un résident de France qui reçoit d'une société résidente du Royaume-Uni des dividendes dont il est le bénéficiaire effectif a droit, lorsqu'il est assujetti à l'impôt en France à raison de ces dividendes, au crédit d'impôt qui y est attaché et auquel une personne physique résidente du Royaume-Uni aurait eu droit si elle avait reçu ces dividendes et au paiement de l'excédent de ce crédit d'impôt sur l'impôt du Royaume-Uni dont il est redevable (...)'". Selon la législation britannique en vigueur au titre des exercices en litige, les dividendes de source britannique ouvraient droit à un crédit d'impôt de 1/9ème, la somme de ces dividendes et de ce crédit d'impôt étant soumis à un impôt perçu au Royaume-Uni au taux de 10 % et non de 15 %. En vertu des stipulations de l'article 24 de la même convention, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : "'Les doubles impositions des revenus sont évitées de la manière suivante : / (...) b) Dans le cas de la France : / (...) ii) La France accorde au résident de France, qui perçoit des revenus visés aux articles 9 et 17 ayant leur source au Royaume-Uni et ayant supporté l'impôt au Royaume-Uni conformément aux dispositions desdits articles, un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt payé au Royaume-Uni. Ce crédit d'impôt, qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent aux revenus susvisés, est imputé sur les impôts visés à l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 1er de la présente Convention, dans l'assiette desquels ces revenus sont compris (...)'".

6. En premier lieu, les stipulations de l'article 9 A 2 prévoient l'octroi, au résident de France recevant des dividendes de source britannique, d'un crédit d'impôt auquel une personne physique résidente du Royaume-Uni aurait eu droit si elle avait reçu ces dividendes et au paiement de l'excédent de ce crédit d'impôt sur l'impôt du Royaume-Uni dont il est redevable. Elles ont ainsi pour objet d'étendre aux résidents français bénéficiaires de dividendes britanniques, le bénéfice de l'avoir fiscal dont bénéficient les résidents britanniques également bénéficiaires de dividendes britanniques, et entrant dans la base de l'impôt britannique. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, ces stipulations n'instituent pas un droit à imputation du crédit d'impôt mentionné à l'article 9 A précité sur l'impôt auquel le bénéficiaire est assujetti en France.

7. En deuxième lieu, les stipulations de l'article 24 précitées prévoient, pour l'élimination de la double imposition née de la possibilité reconnue concurremment à la France et au Royaume-Uni de taxer les dividendes de source britannique perçus par une entreprise établie en France, que l'entreprise imposable en France sur ces revenus, bénéficie d'un crédit d'impôt accordé par la France imputable sur l'impôt sur les sociétés dû en France, égal au montant de cet impôt britannique, calculé lui-même sur une assiette comprenant le dividende mis en distribution par la société britannique majoré du crédit d'impôt britannique, sans toutefois que ce crédit d'impôt puisse excéder le montant de l'impôt français dû à raison de ces revenus.

8. La société BNP Paribas SA fait valoir que faute d'impôt prélevé au Royaume-Uni, l'article 24 de la convention n'est pas applicable. S'il est constant que ces stipulations ne prévoient l'octroi d'un crédit d'impôt par la France que lorsqu'un impôt britannique a été perçu sur les dividendes visés à l'article 9, et ce afin d'éliminer l'existence d'une double imposition, il résulte de l'instruction, notamment au vu du courrier de la société BNP Paribas du 11 février 2013 relatif à l'imposition des dividendes perçus en 2005, que ceux-ci ont bien été soumis à l'impôt au Royaume-Uni, conformément à la législation britannique, et à l'article 9 A 1 b de la Convention. La circonstance qu'aucun paiement se traduisant par un flux de trésorerie au bénéfice du Trésor britannique n'est intervenu est sans incidence sur l'existence de cette taxation dès lors que le montant de l'impôt prélevé au Royaume-Uni sur les dividendes éligibles au crédit d'impôt britannique était égal au montant de ce crédit d'impôt britannique, de sorte que l'impôt britannique était intégralement payé par compensation avec ce crédit d'impôt. Par suite, et ainsi que le fait valoir en défense l'administration, l'imposition des dividendes de source britannique étant soumis à un droit partagé entre les deux Etats, l'article 24 relatif à l'élimination des doubles impositions précité est applicable.

9. En troisième lieu, la société BNP Paribas SA soutient qu'à supposer même que soit en cause l'application de l'article 24 de la convention, ce dernier ne saurait fonder l'imposition en France du crédit d'impôt britannique dès lors, d'une part, qu'aucune règle nationale ne prévoit qu'un tel crédit d'impôt constitue un revenu imposable et qu'une convention fiscale ne peut pas, par elle-même, servir de base légale à une imposition et, d'autre part, que la convention ne contient, au demeurant, aucune stipulation permettant de fonder le caractère imposable du crédit d'impôt ou subordonnant l'imputation du crédit d'impôt à son inclusion dans l'assiette de l'impôt sur les bénéfices en France. Toutefois, dès lors que le crédit d'impôt accordé en application de l'article 24 de la convention, qui s'impute sur le montant de l'impôt français afférent aux revenus visés à l'article 9, est égal à l'impôt britannique, lequel est déterminé, conformément aux stipulations de l'article 9 A 1 b), sur une assiette correspondant à la somme des dividendes mis en distribution et du crédit d'impôt britannique, il y a lieu de retenir la même base imposable en France et au Royaume-Uni et d'inclure l'intégralité du crédit d'impôt britannique mentionné à l'article 9 A dans la base imposable en France. Compte tenu de la rédaction des stipulations de l'article 24 de la convention fiscale, qui se réfèrent " aux revenus visés à l'article 9 et ayant supporté l'impôt au Royaume-Uni conformément aux dispositions desdits articles ", le crédit d'impôt britannique, visé à l'article 9 de la convention doit être regardé, dès lors qu'il servait à payer par compensation l'impôt dû au Royaume-Uni, comme constituant, au sens et pour l'application de l'article 24, un complément de revenu entrant dans la base imposable du bénéficiaire en France. Par suite, la société BNP Paribas n'est pas fondée à soutenir que l'article 24 ne pouvait constituer le fondement de l'imposition en l'absence de toute disposition de droit interne prévoyant le principe même d'une imposition du crédit d'impôt, ni que ce même article 24 ne prévoit pas l'imposition en France de l'avoir fiscal britannique, en plus des dividendes y afférents.

10. En quatrième lieu, si l'appelante fait valoir, qu'en toute hypothèse, la charge fiscale applicable au dividende selon la méthode revendiquée par elle dans sa réclamation et celle adoptée par le tribunal est identique, elle a toutefois tiré des conséquences erronées de ce que le tribunal a jugé, tant dans le taux utilisé pour calculer l'impôt dû au Royaume-Uni que dans l'assiette imposable retenue. En effet, l'assiette correspond au total des dividendes perçus majoré de l'avoir fiscal, soit 1/9e des dividendes, c'est-à-dire pour des dividendes de 100, une assiette de 111,11 et non de 116,66 comme indiqué. Par ailleurs, s'agissant de l'impôt payé au Royaume-Uni, il est de 10 % comme indiqué précédemment et non de 15 comme avancé par l'appelante dans ses écritures.

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

11. Pour soutenir qu'aucune imposition ne frappait les dividendes au Royaume-Uni avant comme après la réduction du crédit d'impôt britannique à 1/9ème intervenue le 6 avril 1999, la société BNP Paribas se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 14 B-5-99 du 11 juin 1999 et notamment du passage suivant : " Compte tenu du fait qu'il n'existe pas au Royaume-Uni de retenue à la source sur les dividendes payés à des non-résidents, les résidents de France percevaient dans un premier temps un dividende brut puis, sur demande, dans un second temps, le montant du crédit d'impôt attaché à ce dividende sous déduction d'une retenue à la source au taux de 15 % calculée sur le montant du dividende et du crédit d'impôt y attaché ". Toutefois, ce passage a trait au rappel de l'effet des dispositions conventionnelles avant la réduction du crédit d'impôt britannique de 25 % à 1/9ème, soit avant le 5 avril 1999. Pour les dividendes de source britannique payés à des résidents de France à compter de cette date, cette même instruction prévoit que " (...) les résidents de France qui perçoivent des dividendes de source britannique ne peuvent plus prétendre à un paiement du Trésor britannique au titre du crédit d'impôt dès lors que celui-ci est inférieur à 15 % de son montant et de celui du dividende auquel il est attaché. (...) Toutefois, cette suppression de fait du paiement du Trésor britannique ne supprime pas le droit au crédit d'impôt imputable sur l'impôt français puisqu'il peut être considéré qu'un impôt est prélevé au Royaume-Uni à hauteur du crédit d'impôt attaché aux dividendes qui y ont leur source, soit 1/9ème du montant du dividende brut reçu. Les résidents de France qui perçoivent des dividendes de source britannique doivent dès lors déclarer en France, pour un dividende brut de 100 F un revenu imposable de 111,11 F 1 ouvrant droit à un crédit d'impôt, imputable sur l'impôt français et dans la limite de celui-ci, de 11,11 F. ". Dans ces conditions, cette instruction ne contenait aucune interprétation formelle du texte fiscal dont la société BNP Paribas puisse se prévaloir sur le fondement de la garantie contre les changements de doctrine de l'administration.

12. Par suite, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de compensation présentée par le ministre sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, c'est à bon droit que le droit à imputation du crédit d'impôt étranger a été limité à deux tiers de son montant dans la mesure où la société n'a comptabilisé en revenu imposable que le dividende net perçu sans tenir compte du crédit d'impôt britannique prévu à l'article 9 A 2 de la convention. La société BNP Paribas n'est, dès lors, pas fondée à demander la restitution de l'excédent d'impôt sur les sociétés correspondant au tiers des crédits d'impôt non imputés à raison des dividendes de source britannique qu'elle a reçus de 2005 à 2009.

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire :

13. A titre subsidiaire, la société BNP Paribas SA sollicite, dans l'hypothèse où le crédit d'impôt britannique serait un revenu taxable, qu'il soit fait droit à ses prétentions à hauteur de 34 483 672 euros, soit un tiers de 103 451 017 euros, en demandant à bénéficier d'un crédit d'impôt de 1/9ème sur l'imposition résultant des crédits d'impôt. Toutefois et ainsi que le fait valoir l'administration fiscale sans être contestée sur ce point, les crédits d'impôt d'1 /9ème non imposés en France ne s'élèvent pas à 103 451 017 euros, montant initial de la réclamation correspondant au tiers des avoirs non imputés, mais à 310 353 051 euros, qu'il convient de réintégrer aux bases imposables à l'impôt sur les sociétés. L'imposition supplémentaire qui en résulterait serait donc, au taux de 33,1/3%, de 103 451 017 euros sur laquelle viendrait s'imputer ce tiers non imputé et réclamé. Il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions.

14. Il résulte de ce qui précède que la société BNP Paribas SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société BNP Paribas SA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société BNP Paribas SA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

Mme Danielian, présidente-assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 février 2023.

La rapporteure,

I. A...La présidente,

L. Besson-LedeyLa greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE01836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01836
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. - Généralités. - Textes fiscaux. - Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-09;20ve01836 ?
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