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02/02/2023 | FRANCE | N°21VE02753

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 02 février 2023, 21VE02753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Ciments Calcia a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 16 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que la décision du 4 juin 2020 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice adminis

trative.

Par un jugement n° 2005058 du 28 juillet 2021, le tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Ciments Calcia a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la délibération du 16 janvier 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que la décision du 4 juin 2020 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise une somme de 5 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2005058 du 28 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 16 janvier 2020 en tant qu'elle classe la majeure partie du site des Technodes à Guerville en zone NVc, ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux de la société Ciments Calcia, a mis à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise sur ce même fondement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2021, la société Ciments Calcia, représentée par Me Hercé, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 16 janvier 2020 et de la décision du 4 juin 2020 rejetant son recours gracieux, en tant qu'elles autorisent des règles dérogatoires de hauteur maximale en zone UEe et le classement en zone NP d'une partie de l'ancienne zone UI accueillant la cimenterie de Gargenville et méconnaissent l'article R. 151-34 2° du code de l'urbanisme ;

2°) d'annuler cette délibération ainsi que la décision du 4 juin 2020 rejetant son recours gracieux en tant qu'elles méconnaissent les règles dérogatoires relatives à la hauteur maximale de la zone UEe, entachent le classement en zone NP d'une partie de l'ancienne zone UI accueillant la cimenterie de Gargenville d'erreurs manifestes d'appréciation et méconnaissent l'article

R. 151-34 2° du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Ciments Calcia soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-13 du code de l'urbanisme ;

- les premiers juges ont omis de répondre à tous les arguments soulevés au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-34 2° du code de l'urbanisme ;

- les premiers juges ont omis de répondre à l'un de ses arguments soulevé au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le zonage de la parcelle sur laquelle elle exploite son activité ;

- la délibération attaquée méconnaît les dispositions de l'article R. 151-13 du code de l'urbanisme ;

- le classement en zone NP d'une partie de l'ancienne zone UI accueillant la cimenterie de Gargenville est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-34 2° du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2022, la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, représentée par Me Peynet, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté le 28 novembre 2022 pour la société Ciments Calcia, ne présentant pas de conclusions ou de moyens nouveaux, n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 7 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

1er décembre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Hercé pour la société Ciments Calcia et de Me Peynet pour la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise a, par une délibération du

14 avril 2016, prescrit l'élaboration d'un plan local d'urbanisme intercommunal. Le projet a été arrêté par délibération du 11 décembre 2018 puis par une nouvelle délibération du 9 mai 2019. Le plan local d'urbanisme intercommunal a ensuite été approuvé par une délibération du

16 janvier 2020. Par un jugement n° 2005058 du 28 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 16 janvier 2020 en tant qu'elle classe la majeure partie du site des Technodes à Guerville en zone NVc, ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux de la société Ciments Calcia. La société Ciments Calcia demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient.

3. D'une part, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, notamment de son point 8, que les premiers juges ont clairement exposé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-13 du code de l'urbanisme devait être écarté.

4. D'autre part, les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient la requérante, répondu, aux points 13 et 14 du jugement attaqué, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-34 2° du code de l'urbanisme et de la contradiction entre le règlement et le plan de zonage du plan local d'urbanisme.

5. Enfin, si la requérante soutient que les premiers juges ont omis de répondre à l'un de ses arguments soulevé au soutien de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait le classement en zone NP de la parcelle sur laquelle elle exploite son activité, ces derniers, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la requérante, ont suffisamment répondu à ce moyen aux points 9 à 10 du jugement attaqué. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation du jugement attaqué et de l'existence d'une omission à statuer doivent être écartés.

Sur la légalité de la délibération attaquée :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 151-13 du code de l'urbanisme :

6. L'article R. 151-13 du code de l'urbanisme prévoit que : " Les règles générales peuvent être assorties de règles alternatives qui en permettent une application circonstanciée à des conditions locales particulières. / Ces règles alternatives ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de se substituer aux possibilités reconnues à l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme de procéder à des adaptations mineures par l'article L. 152-3 et d'accorder des dérogations aux règles du plan local d'urbanisme par les articles L. 152-4 à L. 152-6. ". Ainsi, lorsque le règlement contient des dispositions permettant de faire exception aux règles générales qu'il fixe, ces règles d'exception doivent être suffisamment encadrées, eu égard à leur portée, sans préjudice de la possibilité d'autoriser des adaptations mineures en vertu de l'article L. 123-1.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'article 2.5.1.1 du règlement de la zone UEe du plan local d'urbanisme intercommunal, après avoir fixé une règle de hauteur maximale des constructions à 20 mètres, dispose que " (...) La hauteur totale* des constructions et installations à destination d'industrie et à destination de services urbains* peut être supérieure aux normes visées ci-dessus, dès lors que des contraintes techniques ou fonctionnelles liées à la nature de l'activité, nécessitent une hauteur plus importante ". Ces dispositions, éclairées par les définitions contenues dans les dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, définissent précisément les catégories de constructions susceptibles de bénéficier de cette règle alternative, ainsi que les conditions nécessaires à son application, à savoir l'existence de contraintes techniques ou fonctionnelles liées à la nature de l'activité. Par suite, ces dispositions, qui sont suffisamment précises eu égard à leur portée, ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article R. 151-13 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 151-34 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l'article R. 151-34 du code de l'urbanisme : " Dans les zones U, AU, A et N les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu : / (...) 2° Les secteurs protégés en raison de la richesse du sol ou du sous-sol, dans lesquels les constructions et installations nécessaires à la mise en valeur de ces ressources naturelles sont autorisées ; (...) ".

9. En l'espèce, il résulte des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal que ce dernier a prévu " s'agissant de l'exploitation des carrières " que " le secteur NVc et ses sous-secteurs sont délimités aux plans de zonage notamment en application de l'article R. 151-34 2° du code de l'urbanisme et correspondent aux secteurs protégés en raison de la richesse du sous-sol exploités ou potentiellement exploitables ". Ainsi, la société Ciments Calcia n'est pas fondée à soutenir que le zonage du plan local d'urbanisme intercommunal ne prévoirait pas de secteur protégé au sens de l'article R. 151-34 2°, de tels secteurs existant, au demeurant, sur le territoire même de la commune de Gargenville où elle exerce son activité.

En ce qui concerne le classement de la parcelle cadastrée AE 002 :

10. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".

11. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AE 002 où est implantée la cimenterie de Gargenville, anciennement classée en zone UI du précédent document d'urbanisme, est désormais classée, pour sa partie Ouest, en zone UEe et, pour sa partie Est, en zone naturelle " NP " dédiée aux " espaces naturels et forestiers sensibles au regard de leur qualité paysagère, esthétique ou écologique ". D'une part, si la requérante soutient que ce classement en zone NP fait obstacle au développement de son activité économique et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle dispose d'une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement sur la totalité de cette parcelle, il ressort des pièces du dossier que cette partie de la parcelle, elle-même boisée, n'est actuellement pas exploitée par l'entreprise, se situe en continuité d'une zone naturelle à l'Est et à proximité d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et d'espaces naturels identifiés au schéma directeur de la région Ile-de-France au titre des " espaces de respiration ", " liaisons agricoles et forestières " et " continuités écologiques ". En outre, le règlement de la zone NP n'interdit pas, contrairement à ce que soutient la requérante, la réalisation ou l'exploitation d'un raccordement à la voie ferrée lui permettant ainsi de bénéficier de sa proximité avec cette voie. D'autre part, les dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal prévoient que les installations classées pour la protection de l'environnement " sont admises sur le territoire dans le respect des règlements de zone ". Or, il résulte des dispositions du règlement de la zone UEe du plan local d'urbanisme que les installations classées pour la protection de l'environnement sont autorisées dans cette zone, qui prévoit même des règles alternatives spécifiques pour celles-ci. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le classement de la parcelle cadastrée AE 002 doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ciments Calcia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de ses conclusions de première instance.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société

Ciments Calcia demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Ciments Calcia une somme de 1 500 euros à verser à la communauté urbaine Grand Paris

Seine-et-Oise sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Ciments Calcia est rejetée.

Article 2 : La société Ciments Calcia versera une somme de 1 500 euros à la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ciments Calcia et à la communauté urbaine Grand Paris Seine-et-Oise.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Olson, président de la Cour,

M. Even, président de chambre,

Mme Houllier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

S. A...Le président,

T. OLSONLa greffière,

S. DESNOS

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02753


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02753
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-02;21ve02753 ?
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