Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Voskan a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1804453 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2021, la SCI Voskan, représentée par Me Royaï, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de taxation d'office a été mise en œuvre irrégulièrement, dès lors qu'elle n'a pas reçu de mise en demeure de déposer sa déclaration de résultat à l'impôt sur les sociétés ; la mise en demeure dont se prévaut l'administration était adressée à Mme B... seule, et l'accusé de réception afférent n'a pas été signé par un de ses associés ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- l'administration a manqué au devoir de loyauté lui incombant en ne cherchant pas à imposer la plus-value nette taxable de 384 397,46 euros et en opérant un dégrèvement concernant la SCI Voskan seule, et non ses associés ;
- l'administration aurait dû annuler la déduction extracomptable de 472 259 euros ainsi que le produit correspondant puis imposer à l'impôt sur les sociétés la plus-value nette taxable de 384 397,46 ;
- les pénalités doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des impositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Voskan ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 décembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Voskan, qui exerce une activité de location de terrains et autres biens immobiliers, a opté, en application des dispositions du 3 de l'article 206 du code général des impôts et de l'article 239 du même code, pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge, par une proposition de rectification en date du 10 juillet 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012, selon la procédure contradictoire, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, selon la procédure de taxation d'office. Par un jugement n° 1804453 du 6 mai 2021, dont la SCI Voskan relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments d'impôt.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ".
3. Il est constant que la SCI Voskan n'a pas déposé sa déclaration d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013 avant le 5 mai 2014, date légale de dépôt, et qu'elle ne l'a déposée que le 1er décembre 2014. Il résulte de l'instruction qu'une mise en demeure de déposer cette déclaration a été adressée par pli recommandé le 21 juillet 2014 à Mme B..., ce pli ayant été distribué le 23 juillet suivant. Si la société requérante fait valoir que ce pli ne lui est jamais parvenu en raison du fait qu'il est adressé à Mme B... seule, il résulte de l'instruction que Mme B... est associée et co-gérante de cette société, dont le siège fiscal est situé à son adresse personnelle. En outre, l'accusé de réception postal porte la mention " Mme B... pour la SCI Voskan ". Ainsi, aucune des mentions portées sur ce pli ne permet d'établir qu'il n'aurait pas été distribué, ou qu'il aurait été distribué à un mauvais destinataire.
4. D'autre part, il incombe au contribuable, dès lors que la réglementation postale a été respectée, d'établir que ladite signature n'est pas la sienne. En l'espèce la SCI Voskan, qui soutient que la signature portée sur l'accusé de réception n'est pas celle d'un de ses associés, n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire de l'accusé de réception et s'abstient de préciser les personnes qui, même non expressément habilitées, auraient toutefois entretenu avec elle des relations susceptibles de leur donner qualité à cette fin. Par suite, elle n'apporte pas la preuve que le pli recommandé aurait été remis à une personne non habilitée pour ce faire. Il s'ensuit que l'administration fiscale doit être regardée comme établissant qu'une mise en demeure de déposer la déclaration d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013 a bien été adressée à la SCI Voskan. La société requérante n'ayant pas déposé sa déclaration de résultat dans le délai de trente jours suivant la notification de cette mise en demeure, c'est à bon droit que le service vérificateur a eu recours à la procédure de taxation d'office pour procéder aux rectifications litigieuses au titre de l'exercice clos en 2013.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations. ". L'article R. 57-1 de ce même livre dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 10 juillet 2015 adressée à la SCI " Voskan ", par laquelle lui ont été notifiées les impositions litigieuses, indique l'impôt concerné, en l'occurrence l'impôt sur les sociétés, les années d'imposition, à savoir les exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que les conséquences financières du contrôle. En ce qui concerne plus précisément la cession d'immeuble litigieuse, la proposition de rectification cite les articles 38-1, 209 I et 219 I a quater du code général des impôts, indique que la SCI Voskan étant passible de l'impôt sur les sociétés, la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de l'immeuble ne relève pas du régime des plus-value des particuliers, que la déduction extra comptable de la somme de 472 259 euros au titre de l'exercice clos en 2013 ne peut être admise, et qu'il s'ensuit une rectification du bénéfice imposable à hauteur de cette déduction. Une telle proposition de rectification est suffisamment motivée.
7. En troisième lieu, le caractère exagéré d'une imposition relève de la critique du bien-fondé de l'imposition et ne saurait constituer un manquement de l'administration à son devoir de loyauté. En l'espèce, l'administration n'a pas manqué à son devoir de loyauté du seul fait qu'elle a rehaussé le résultat imposable de la SCI Voskan du montant de la déduction extracomptable non justifiée au lieu d'imposer la plus-value nette de la cession d'immeuble et qu'elle n'aurait pas tiré les conséquences de cette rectification sur la situation de ses associés. Au demeurant, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement, d'un montant global de 50 368 euros, au profit de ses associés.
8. En quatrième lieu, l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable est insusceptible d'avoir une incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé des impositions. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation préalable ne peut qu'être écarté comme inopérant.
Sur le bien-fondé des impositions :
9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". La société requérante, qui a été taxée d'office à bon droit, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de cet exercice, en application des dispositions précitées de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales.
10. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) ".
11. Il résulte de l'instruction que la SCI Voskan a cédé, le 16 décembre 2013, un ensemble immobilier dont elle était propriétaire situé au 32 rue Solferino et 3 rue de Clamart à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour la somme de 472 259 euros. Elle a alors comptabilisé, au titre de l'exercice clos en 2013, un produit exceptionnel d'un montant de 427 259 euros correspondant au produit de la vente, ainsi qu'une charge exceptionnelle d'un montant de 87 861,68 euros, afférente à cette même vente. Ce produit exceptionnel de 427 259 euros a fait l'objet d'une déduction extracomptable
12. Le service vérificateur a réintégré, dans le résultat imposable de la SCI Voskan au titre de l'exercice clos en 2013, la somme de 472 259 euros, au motif que celle-ci correspondait au produit de la cession, et qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une déduction extracomptable pour déterminer le résultat imposable de la SCI Voskan au titre de l'exercice litigieux, dès lors que la plus-value réalisée sur la cession de l'ensemble immobilier relevait du régime des plus-values à court terme, ce qui n'est pas contesté par la société requérante, et entrait ainsi dans son résultat imposable en application des dispositions de l'article 219 I a quater du code général des impôts.
13. Si la société Voskan soutient que l'administration fiscale aurait dû réintégrer uniquement la somme de 384 397 euros, correspondant au montant de la plus-value réalisée à l'occasion de cette cession, elle n'établit, ni même n'allègue, alors que la charge de la preuve lui incombe, qu'elle aurait procédé à une réintégration extracomptable de la somme de 87 861,68 euros correspondant aux charges liées à cette vente. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme de 472 259 euros, et non la somme de 384 397 euros, dans le bénéfice imposable de la SCI Voskan au titre de l'exercice clos en 2013, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
14. La SCI Voskan demande la décharge des pénalités par voie de conséquence de la décharge des impositions litigieuses. Il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Voskan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Voskan est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Voskan et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 21VE01953