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06/12/2022 | FRANCE | N°20VE02543

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 20VE02543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 à 2016.

Par un jugement n° 1805442 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2020, des mémoires enregistrés le 12 août 2021, le 1er août 2022 et un mémoire récapitulatif enregi

stré le 31 août 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Isaia, avocat, demandent à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 à 2016.

Par un jugement n° 1805442 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2020, des mémoires enregistrés le 12 août 2021, le 1er août 2022 et un mémoire récapitulatif enregistré le 31 août 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Isaia, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ou, à titre subsidiaire, la décharge des majorations pour activité occulte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que ses points 8 et 9 sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que Mme B... C... n'avait pas de mandat lui permettant de les représenter au cours de la vérification de comptabilité devant l'administration fiscale ;

- l'activité occulte n'est pas caractérisée, dès lors qu'ils ont satisfait à l'ensemble de leurs obligations fiscales en Angleterre, pays qui applique des taux d'imposition comparables à ceux appliqués en France et qui a signé avec cette dernière une convention d'assistance administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mai 2021 et le 9 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., résidents du Royaume-Uni, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2013, 2014 et 2015 au cours de laquelle l'administration fiscale a constaté qu'ils avaient donné en location meublée un bien immobilier situé à Grasse (Alpes-Maritimes). Par proposition de rectification du 27 juillet 2017, le service a mis à leur charge des cotisations d'impôt sur le revenu selon la procédure d'évaluation d'office. Suite à un contrôle sur pièces, l'administration a en outre mis à leur charge, par proposition de rectification du 27 juillet 2017, des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2016. Les cotisations ont été assorties de la majoration prévue à l'article 1728 du code général des impôts. Par une décision du 23 février 2018, l'administration a partiellement accepté la réclamation contentieuse formée par M. et Mme D... le 19 janvier 2018 à l'encontre de ces impositions. M. et Mme D... relèvent appel du jugement n° 1805442 du 8 juin 2020, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt auxquels ils restent assujettis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. et Mme D... soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur sa régularité. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes respectivement des articles 1984 et 1985 du code civil : " Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. / Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire. " ; " Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre (...) L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire. ". Les articles 1987 et 1988 de ce même code disposent : " (le mandat) est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant. " ; " Le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration. / S'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès. ".

4. En l'espèce, il est constant que les requérants ont donné à Mme B... C... un mandat en date du 20 avril 2017 lui donnant qualité pour effectuer toutes démarches nécessaires et requérir tout documents utiles pour la propriété sise Villa les Parettes, 92 chemin de la Roure, 06130 Grasse, ainsi que pour représenter M. et Mme D... et signer tout formulaire, acte et document nécessaire, à l'exception des documents notariaux. Ce mandat a été rédigé peu de temps après la réception par M. et Mme D... de l'avis de vérification de comptabilité du 4 avril 2017 et a été remis à la vérificatrice par Mme C... au cours de la première intervention du 3 mai 2017, les requérants n'étant pas présents à cet entretien. Par ailleurs, par courrier du 14 juin 2017, Mme C... s'est présentée comme " le représentant de M. et Mme D... E... de la vérification de comptabilité de leur activité de location meublée à Grasse " pour demander que les opérations de contrôle se déroulent dans les locaux de l'administration. Ainsi, ce mandat, qui ne concernait ni un acte notarié, ni un acte de propriété, a habilité régulièrement Mme C... pour représenter M. et Mme D... au cours de la vérification de comptabilité, peu important qu'il ne mentionne pas expressément la procédure d'imposition.

5. En tout état de cause, M. et Mme D... ont été avisés en temps utile pour être présents ou représentés dès le début des opérations de vérification. Ils ne se sont cependant présentés à aucun entretien et n'ont jamais contesté la représentation de Mme C..., ni au cours du contrôle, ni même au cours de la première instance. A supposer même qu'ils n'auraient pas eu l'intention de confier à celle-ci la défense de leurs intérêts, les requérants ont alors négligé de désigner régulièrement un représentant pour suivre ces opérations en leur absence. Ils ne peuvent dès lors utilement soutenir qu'ils ont été privés d'un débat oral contradictoire avec le vérificateur, de ce que le contrôle sur place ne se serait pas déroulé dans leurs locaux à la demande de Mme C..., ou de n'avoir pu assister aux opérations de contrôle.

6. En deuxième lieu, l'article L. 169 du livre des procédures fiscales prévoit, pour l'impôt sur le revenu, que le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, par exception à la règle de droit commun, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsque le contribuable exerce une activité occulte. Il précise que l'activité occulte " est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre Etat que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

7. Il est constant que M. et Mme D... n'ont pas déclaré l'activité de loueur en meublé qu'ils exerçaient, qui a été découverte lors de la vérification de comptabilité en France au titre de la période d'imposition litigieuse, et qu'ils ne se sont pas enregistrés à un centre de formalités des entreprises. Il est constant également que ces revenus, tirés de la location d'une villa située en France, devaient faire l'objet de déclarations et être imposés en France. Par suite, le caractère occulte de l'activité des requérants est démontré, à moins qu'ils n'établissent qu'ils aient commis une erreur justifiant qu'ils ne se sont acquittés d'aucune de leurs obligations déclaratives.

8. Les requérants soutiennent qu'ils ont déclaré les revenus locatifs litigieux en Grande-Bretagne, pays qui applique des taux d'imposition comparables à ceux appliqués en France et ayant signé avec cette dernière une convention d'assistance administrative, qu'ils ont déclaré plus qu'ils ne le devaient au titre des années 2012, 2015 et 2016 et que le ratio de recettes non déclarées avancé par l'administration fiscale et les premiers juges est erroné.

9. Ils produisent, à ce titre, cinq déclarations de revenu relatives aux années fiscales britanniques 2012-2013 à 2016-2017 pour chacun des conjoints, ainsi qu'un extrait de relevé bancaire attestant de six virements effectués en 2014 au bénéfice de l'administration fiscale britannique. Toutefois, ces déclarations, pourtant établies avec le concours d'un conseiller fiscal, ne mentionnent pas de revenus tirés de locations meublées de vacances dans l'Espace économique européen dans la rubrique intitulée " UK property ", alors qu'il est constant que les requérants, qui n'ont pas demandé le bénéfice du régime fiscal dit de la " remittance basis ", auraient dû remplir cette rubrique. En raison de cette lacune et en l'absence d'avis d'imposition, il n'est pas établi que les revenus locatifs tirés de la location de leur villa de Grasse auraient été taxés, sachant par ailleurs qu'il ressort de ces mêmes déclarations que M. et Mme D... tiraient également, au titre de la même période, des revenus locatifs d'un immeuble en Grande-Bretagne dont ils étaient propriétaires.

10. Selon les requérants, les revenus locatifs litigieux figurent dans la rubrique de leurs déclarations fiscales intitulée " Income from land and property abroad ". Toutefois, les montants indiqués dans cette rubrique sont inférieurs aux bases imposables telles qu'elles résultent de la décision d'acceptation partielle du 23 février 2018. M. et Mme D... justifient cette différence par un détournement de fonds opéré par la personne de confiance chargée de la gestion de leur bien immobilier et produisent à ce titre un mail de Mme B... C... leur renvoyant un autre mail de cette personne de confiance en date de janvier 2017 évoquant ce détournement de fonds, sans produire pour autant le mail original, ainsi qu'une copie de reconnaissance de dette signée le 27 octobre 2017 par ladite personne de confiance, soit postérieurement à la proposition de rectification du 27 juillet 2017. Ces éléments sont insuffisants pour établir la réalité de leurs allégations, alors que M. et Mme D... n'ont pas porté plainte à l'encontre de leur gestionnaire et n'ont pas évoqué ce détournement de fonds, ni au cours de la procédure d'imposition, ni même en première instance.

11. Ainsi, les requérants ont déclaré des recettes largement inférieures à leurs revenus locatifs réels, sans apporter aucune justification valide concernant cet écart et sans qu'il soit établi que ces recettes déclarées se rapportent à la villa de Grasse seule.

12. En outre, les relevés bancaires produits mentionnent des paiements au fisc britannique seulement pour les années 2014 et 2018 mais aucun paiement en 2015, 2016 et 2017. Ces règlements, d'un montant total de 8 493,41 euros, sont par ailleurs largement inférieurs aux impositions dues en France qui étaient, selon la décision d'acceptation partielle du 23 février 2018, de 8 226 euros au titre de l'année 2012, 19 566 euros au titre de l'année 2013, 14 903 euros au titre de l'année 2014, et 13 866 euros au titre de l'année 2016 hors majorations et intérêts de retard.

13. Par ailleurs, tant la convention fiscale franco-britannique que les dispositions de droit français prévoient l'imposition en France des revenus locatifs d'un bien immobilier situé en France. Les époux D..., qui ont rempli leurs déclarations de revenus en Grande-Bretagne avec l'aide d'un conseiller fiscal, n'expliquent pas l'origine de leur erreur quant au pays d'imposition.

14. Au vu de ces éléments, à supposer même que les requérants aient déclaré des revenus locatifs plus importants que ce qu'ils auraient dû déclarer au titre des années 2012, 2015 et 2016, il doit être considéré que M. et Mme D... n'ont pas démontré avoir commis une erreur justifiant du manquement à leurs obligations déclaratives.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. ". Si M. et Mme D... soutiennent que l'administration a appliqué à tort ces dispositions en l'absence d'exercice d'une activité occulte, ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 14 du présent arrêt.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2022.

La rapporteure,

C. A... Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE02543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02543
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Imposition des bénéfices occultes des sociétés (anciens articles 9 - 117 - 169 et 197 du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : ISAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-06;20ve02543 ?
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