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17/11/2022 | FRANCE | N°20VE03250

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 17 novembre 2022, 20VE03250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LDC Bretagne a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2007 au 28 février 2011.

La société anonyme (SA) LDC, société mère intégrante, a demandé au même tribunal la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2008 à 2011.

Par un juge

ment nos 1506589, 1506651 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Montreuil a, après voir jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LDC Bretagne a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mars 2007 au 28 février 2011.

La société anonyme (SA) LDC, société mère intégrante, a demandé au même tribunal la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos de 2008 à 2011.

Par un jugement nos 1506589, 1506651 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Montreuil a, après voir joint ces demandes, partiellement déchargé la société LDC Bretagne des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés contestés.

Par un arrêt n° 16VE01549 du 26 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie d'un appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics et d'un appel incident formé par les sociétés LDC Bretagne et LDC, a annulé le jugement du 29 février 2016 en tant qu'il porte sur les suppléments d'impôt sur les sociétés, prononcé une décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, remis à la charge de la société LDC Bretagne la différence entre cette décharge et la décharge prononcée par le tribunal, prononcé une décharge partielle des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels la société LDC a été assujettie et rejeté le surplus des conclusions d'appel des parties et de la demande de la société LDC devant le tribunal.

Par une décision n° 429174 du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 26 janvier 2019 en tant qu'il porte sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant à la charge de la société LDC Bretagne et sur les suppléments d'impôts sur les sociétés restant à la charge de la société LDC et correspondant au profit sur le Trésor, et a renvoyé l'affaire, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Procédure devant la cour après cassation :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 janvier 2021 et 26 février 2021, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 février 2016 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande des sociétés LDC Bretagne et LDC ;

2°) et de remettre à la charge de la société LDC Bretagne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux à hauteur des montants dont elle a été déchargée par le tribunal.

Le ministre soutient que :

- l'administration ne se prévalant nullement de la fictivité des contrats ou des factures présentées, elle n'avait pas à recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration apporte la preuve que la société LDC Bretagne n'était pas en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable, en l'absence de lien direct entre les sommes versées aux distributeurs et les prestations commerciales ou publicitaires ;

- en ce qui concerne les contrats avec les sociétés Brake, Euro Disney - Groupe Flo, Satras, Servirest, Sodial, Rungis, Kerviande et Scarmor, ils ont été conclus avec d'autres sociétés du groupe LDC, en lieu et place de la SAS LDC Bretagne ; la circonstance, à la supposer établie, que les prestations de services rendues par ces sociétés aient pu bénéficier, par ricochet, à la société LDC Bretagne ou auraient donné lieu à l'émission de factures au nom de cette dernière portant refacturation de ces prestations, ne crée pas en elle-même un droit à déduction ;

- s'agissant des prestations facturées par la société Brake, le contrat de référencement et de services distincts pour l'année 2009 a été signé par la société LDC Bretagne mais n'est pas daté ; si ce contrat est complété par un contrat distinct pour les fournisseurs participants au programme de fidélisation " Invitation ", signé par la société LDC Bretagne le 18 février 2009, le lien direct n'est pas démontré, compte tenu de l'importance de la rémunération versée en contrepartie de l'édition de catalogues à usage interne uniquement ;

- s'agissant des prestations facturées par la société Sodial, si le contrat de services distincts du 24 février 2009 est signé par la société LDC Bretagne, seule la société LDC apparaît comme fournisseur et le chiffre 9 se rapportant à l'année a fait l'objet d'un ajout manuscrit ; il mentionne, en outre, une seule et unique prestation intitulée " Le Salon à Table le 12/03/2009 à Quimper " pour un montant de 600 euros hors taxes ;

- en ce qui concerne les contrats conclus avec les sociétés G20, Rault Distribution et Gilloise Distribution, ils sont rédigés dans des termes imprécis qui ne permettent pas de connaître la nature et l'ampleur des actions que ces sociétés s'engagent à mettre en œuvre ;

- s'agissant des prestations facturées par la société G20, le cadre prévoyant les modalités du contrat n'est pas rempli par les parties au contrat ; le prospectus présenté n'est pas de nature à pallier cette imprécision dès lors qu'il vise une année non concernée par les contrats présentés et qu'il ne mentionne pas la localisation des supermarchés concernés ; en tout état de cause, la somme de 835,47 euros hors taxes prévue par le contrat conclu le 4 janvier 2010 avec la société G20 Saint Gilles n'est pas comprise dans les rappels notifiés à la société LDC Bretagne ;

- s'agissant des prestations facturées par la société Rault Distribution, le contrat conclu le 2 janvier 2007 pour l'année 2007, qui a pour objet le développement des marques Argoat, Loué et LDC Amont ainsi que la mise à disposition de catalogues et de supports de ventes, porte le cachet et la signature d'une entité distincte, la société Rault Lamballe SAS ; quant au contrat ayant le même objet conclu le 31 décembre 2007 pour l'année 2008, il ne comporte ni le cachet ni la signature de la société Rault Distribution ; en outre, les courriels datés des mois d'avril et mai 2008 ne permettent pas d'en déduire que les contrats conclus avec la société Rault Distribution ont été repris en 2008 par la société Brake ;

- s'agissant du contrat de prestation de service conclu le 3 janvier 2008 entre l'EURL Gilloise Distribution et la société LDC Bretagne pour la mise en avant des volailles de

Loué-Bretagne et Le Gaulois, la somme de 955,37 hors taxes versée par cette dernière n'est pas comprise dans la base de calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés en 2008 ;

- en ce qui concerne la lettre de la société LDC Bretagne à la société Dipral en date du 11 juillet 2005 relative à la conclusion d'accords commerciaux, elle se borne à dresser un bilan de l'activité de la société à la fin du mois de juin 2005 et à proposer des offres promotionnelles sur certains produits de volailles, et n'a donc pas la nature d'un accord ferme et définitif ; la lettre produite concerne en outre une période antérieure à la période vérifiée et les extraits de prospectus fournis ne démontrent pas l'existence d'une prestation de service ;

- enfin, en ce qui concerne les relations avec le GIE Sodis, les prestations en cause ne sont pas des prestations commerciales et sont sans lien avec les rappels litigieux dès lors que la centralisation d'informations réalisée au profit de la société LDC Bretagne, qui constitue l'objet social d'une centrale d'achats, ne constitue pas une prestation spécifique.

Par un mémoire, enregistré le 18 février 2021, la SAS LDC Bretagne, agissant en son nom propre et en qualité de mandataire de la SA LDC, sa société mère, et représentée par Me Laisney, avocat, conclut au rejet de la requête du ministre et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 février 2016 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour écarter les contrats et les factures présentés, l'administration a implicitement estimé que les prestations qui y étaient mentionnées étaient fictives pour les requalifier en ristournes sur les ventes ; or, pour opérer une telle requalification, elle aurait dû mettre en œuvre la procédure spéciale de l'abus de droit ; ayant été privée des garanties qui s'attachent à cette procédure, prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la procédure d'imposition est irrégulière ;

- les prestations prévus par les contrats en litige répondent à la définition des prestations de coopération commerciale au sens du 2° du I de l'article L. 441-7 du code du commerce ;

- en ce qui concerne la coopération commerciale avec l'association Produit en Bretagne (BRET), elle justifie de la réalité de la prestation fournie pour l'année 2009 à hauteur d'un montant de 2 669,70 euros ;

- en ce qui concerne la coopération commerciale avec les sociétés Brake, Euro Disney - Groupe Flo, Satras, Servirest, Sodial, Rungis, Kerviande et Scarmor, la circonstance qu'il n'y ait pas de contrat conclu directement entre la société prestataire et la société bénéficiaire n'est pas un motif suffisant pour conclure à l'absence de lien direct entre les services rendus et la

contre-valeur reçue ; les contrats conclus avec la société Guillet SA, filiale du groupe LDC, ont vocation à régir l'ensemble des relations des sociétés du groupe LDC avec les prestataires de services ; la société Guillet SA agit tant pour son compte que pour celui des autres sociétés du groupe et refacture à la société LDC Bretagne la quote-part du prix des prestations de coopération commerciale lui revenant ;

- les commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-10 précisent, aux paragraphe 50 et 60, qu'il suffit, pour que le service soit considéré comme rendu directement à un bénéficiaire déterminé, qu'un avantage direct puisse être attendu par le client ; le service rendu peut être collectif à condition que les cotisants en tirent un avantage direct ; en outre, selon le paragraphe 110, il suffit qu'il y ait une relation entre le prix et le service sans qu'il soit nécessaire que le prix soit proportionnel à la valeur du service ; enfin, selon le paragraphe 130, le paiement volontaire par le bénéficiaire du service révèle en règle générale l'existence d'un lien avec le service rendu.

- s'agissant des prestations réalisées par la société Brake, le contrat de référencement et de services distincts " sous-gamme frais " pour l'année 2009 ainsi que le contrat de services distincts du 18 février 2009 pour les fournisseurs participants du programme de fidélisation " Invitation " ont été signés par la société LDC Bretagne ; si le contrat de référencement n'est pas daté, il mentionne toutefois qu'il concerne l'année 2009 ; enfin, le paiement volontaire par la société permet de présumer que des avantages étaient attendus en contrepartie de la somme acquittée ; l'administration ne peut se borner à invoquer le caractère " hors de proportion " de la rémunération pour nier l'existence d'un avantage direct ;

- s'agissant des contrats conclus avec la société SCA Euro Disney - SA Group Flo, les échanges de courriels communiqués démontrent le rôle d'intermédiaire de la société Guillet et les tableaux de conditions commerciales mentionnent à la fois cette dernière et la société LDC Bretagne ;

- s'agissant des prestations facturées par la société Sodial, le contrat de services distincts conclu le 24 février 2009, qui a pour objectif de promouvoir les ventes des produits du fournisseur, a été signé par la société LDC Bretagne et a fait l'objet de facturations distinctes ;

- ce qui concerne les contrats conclus avec les sociétés G20, Rault Distribution et Gilloise Distribution, ils décrivent de manière très précise l'engagement des sociétés à mettre en avant ses produits ;

- s'agissant des relations de coopération commerciale avec la société G20, elle a produit les contrats de prestations de services conclus au titre des années 2007, 2008 et 2010, ainsi qu'un prospectus de 2008 sur lequel figure deux produits Le Gaulois, qui permettent d'établir que la société G20 s'était engagée à mettre en avant les gammes de Vollailles de Loué-Bretagne et Le Gaulois ;

- s'agissant des relations de coopération commerciale avec la société Rault Distribution, elle a également produit les contrats de prestations de services aux termes desquels cette dernière s'est engagée à mettre en avant les gammes Argoat, Loué et LDC Amont ainsi que la mise à disposition de catalogues et de supports de ventes ; à compter de l'exercice 2008, elle a produit des échanges de mails permettant de démontrer que les relations commerciales se sont poursuivies avec la société Brake ;

- s'agissant des relations de coopération commerciale avec la société Gilloise Distribution, les contrats de prestations de services produits précisent les modalités de cette coopération et la mise en avant des gammes de Vollailles de Loué-Bretagne et Le Gaulois ;

- en ce qui concerne les prestations réalisées par la société Dipral, contrairement à ce que soutient l'administration, elle n'est pas tenue de produire des accords contractuels fermes et définitifs, et l'existence d'un engagement du prestataire doit être recherché à partir des éléments de droit ou de fait ; or, elle a produit un courrier du 11 juillet 2005 établissant les termes de l'accord régissant les rapports entre les sociétés à compter de cette date, qui s'est poursuivi sur la période en litige ; en outre, les extraits de prospectus fournis démontrent la réalité des prestations de services fournis ;

- enfin, elle a produit les contrats cadres annuels conclus avec le GIE Sodis au titre des années 2007, 2008 et 2009, lesquels permettent d'établir la réalité des prestations de services en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS LDC Bretagne, qui exerce une activité d'achat, de conditionnement et de revente de volailles, est membre du groupe fiscal intégré dont la société mère est la société anonyme (SA) LDC. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale lui a notamment notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mars 2007 au 28 février 2011. Des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2008 à 2011 ont été par ailleurs notifiés à la société LDC en sa qualité de société mère du groupe. Par un jugement du 29 février 2016, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé une décharge partielle de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et rehaussements d'impôt sur les sociétés. Par un arrêt du 26 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie d'un appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics et d'un appel incident formé par les sociétés LDC Bretagne et LDC, a annulé le jugement du 29 février 2016 en tant qu'il porte sur les suppléments d'impôt sur les sociétés, prononcé une décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, remis à la charge de la société LDC Bretagne la différence entre cette décharge et la décharge prononcée par le tribunal, prononcé la décharge partielle des suppléments d'impôt sur les sociétés correspondant au profit sur le Trésor consécutif aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée et rejeté le surplus des conclusions d'appel des parties et de la demande de la société LDC devant le tribunal. Par une décision du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 26 janvier 2019 en tant qu'il porte sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant à la charge de la société LDC Bretagne et sur les suppléments d'impôts sur les sociétés restant à la charge de la société LDC et correspondant au profit sur le Trésor, et a renvoyé l'affaire, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles./ En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. ".

3. Il résulte de l'instruction que, pour justifier l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée déductible au lieu du taux normal, l'administration a fait valoir, non que les contrats en cause auraient été conclus de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt, mais que la qualification qu'ils donnaient aux prestations fournies ne correspondaient pas à leur nature réelle et que les sommes versées en exécution de ces contrats étaient partiellement dépourvues de contreparties. Ce faisant, elle ne s'est pas placée sur le terrain de l'abus de droit. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait invoqué implicitement mais nécessairement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, sans la mettre en mesure de bénéficier des garanties qui s'y attachent, et aurait de ce fait entaché la procédure d'imposition d'une irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes, d'une part, de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " I. - Sont soumise à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : a) Pour (...) les prestations de services (...), par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le (...) prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part (...) du preneur (...) ". Il résulte de ces dispositions, prises pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 2 et au paragraphe 1 de l'article 11 A de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, tels que la Cour de justice de l'Union européenne les a interprétés, qu'une prestation de service ne peut être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée que s'il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, les sommes versées constituant une contrepartie effective d'un service individualisable fourni dans le cadre d'un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées.

5. Aux termes, d'autre part, de l'article 271 de ce code : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...)/ II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas :/ a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du II de l'article 267 du même code : " Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients (...) ".

6. A l'occasion de la vérification de comptabilité dont la société LDC Bretagne a fait l'objet, le service vérificateur a constaté que cette société versait des sommes à certains de ses clients en rémunération de prestations de coopération commerciale et qu'elle avait déduit, au titre de ces prestations, la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal. S'agissant des sommes versées aux entreprises de la grande distribution, le vérificateur a estimé que les prestations de coopération commerciale ou de publicité étaient clairement identifiées, dès lors que les contrats de coopération commerciale prévoyaient que les magasins mettaient en avant les produits de la société LDC Bretagne. En revanche, s'agissant des sommes versées aux entreprises de restauration hors domicile et aux grossistes, le vérificateur a estimé que les pièces produites ne permettaient pas de considérer que les prestations commerciales avaient été effectivement réalisées et que, dès lors, les sommes en cause correspondaient à des remises, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société LDC Bretagne établit, pour la société Brake, par la production du contrat de référencement et de services distincts " sous-gamme frais " pour l'année 2009 et du contrat de services distincts du 18 février 2009 pour les fournisseurs participants du programme de fidélisation " Invitation ", lesquels sont revêtus de la signature de la société requérante, que les sommes relatives à ces contrats ont rémunéré des prestations commerciales rendues à la société LDC Bretagne. L'administration fiscale ne saurait utilement se prévaloir du caractère disproportionné de la rémunération versée dès lors qu'un prix a été fixé dans le cadre des relations contractuelles entre les deux sociétés et qu'il existe ainsi un lien entre le service rendu et la contre-valeur reçue. En outre, si cette dernière fait valoir que le contrat de référencement n'est pas daté, il ressort sans ambiguité des termes de ce contrat qu'il se rapporte à l'année 2009. La société requérante établit également, pour la société Sodial, par la production à l'instance du contrat de services distincts du 24 février 2009 signé par elle, que la somme à laquelle il se rapporte a rémunéré une prestation commerciale rendue à la société LDC Bretagne. Si l'administration soutient que seule la société LDC apparaît comme fournisseur sur le contrat et que le chiffre 9 se rapportant à l'année a fait l'objet d'un ajout manuscrit, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'identification de la personne bénéficiaire de la prestation de service ni la période à laquelle cette prestation se rapporte. Elle produit enfin les contrats de services distincts du 28 mars 2007 et 10 novembre 2008, lesquels sont signés, contrairement à ce que soutient l'administration, par la société LDC Bretagne. Dès lors, cette dernière est fondée à soutenir que les sommes en cause, pour ces contrats conclus avec les sociétés Brake et Sodial, viennent rémunérer des prestations de coopération commerciale, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal de 19,6 %.

8. En deuxième lieu, s'agissant des contrats de coopération commerciale et de services distincts conclus avec les sociétés Euro-Disney-groupe Flo, Satras, Servirest, Rungis, Kerviande et Scarmor, ainsi que ceux conclus en 2008 et 2010 avec la société Brake il résulte de l'instruction qu'ils n'ont pas été conclus avec la société LDC Bretagne mais avec d'autres sociétés du groupe LDC, les sociétés Guillet, SA LDC ou Normandie de Volailles. Si la société requérante soutient qu'elle bénéficiait par ricochet des contrats signés avec ces sociétés, lesquelles lui refacturaient ensuite la quote-part du prix des prestations de coopération commerciale lui revenant, ces contrats ne précisent pas que les sociétés signataires agiraient au nom de l'ensemble des sociétés du groupe. En outre, certains documents produits ne permettent pas d'individualiser, avec une précision suffisante, les produits de la société requérante. Ainsi, pour les contrats conclus avec la société SCA Euro Disney - SA Group Flo, il n'est pas démontré, par les échanges de courriels et les tableaux de conditions commerciales, qu'il s'agit effectivement de la rémunération de prestations commerciales rendues au profit de la société LDC Bretagne. Par suite, l'administration apporte la preuve qu'il lui incombe que ces prestations de services n'ont pas été effectivement fournies à la société requérante.

9. En troisième lieu, en ce qui concerne les contrats conclus avec les sociétés G 20, Rault Distribution et Gilloise Distribution, l'administration fait valoir qu'ils sont rédigés dans des termes trop vagues et imprécis dans leurs modalités, ne permettant pas de connaître la nature ou l'ampleur des actions que ces sociétés s'engagent à mettre en œuvre.

10. S'agissant des prestations réalisées par la société G 20, la société requérante a toutefois produit les contrats de prestations de services conclus les 2 janvier 2007, 2 janvier 2009 et 4 janvier 2010, au titre respectivement des années 2007, 2008 et 2010, aux termes desquels la société G20 s'est précisément engagée, contre une rémunération fixée dans le contrat, à mettre en avant les gammes de Vollailles de Loué-Bretagne et Le Gaulois. Elle est donc fondée à soutenir que les sommes versées viennent rémunérer des services de coopération commerciale, à l'exception de la somme de 835,47 euros hors taxes, prévue par le contrat conclu le 4 janvier 2010 avec la société G20 Saint Gilles, laquelle n'est pas comprise dans les rappels qui lui ont été notifiés. En revanche, si la société LDC Bretagne produit également un prospectus de 2008 sur lequel figure deux produits Le Gaulois, un tel document est par lui-même insuffisant, en l'absence de contrat de service produit, pour admettre la réalité de la rémunération d'un service de coopération commerciale au titre de cette même année.

11. S'agissant des prestations réalisées par la société Rault Distribution, les contrats des 2 janvier 2007 et 31 décembre 2007 prévoient que cette dernière s'engage, au titre respectivement des années 2007 et 2008, d'une part, à mettre en avant les marques Argoat, Loué, LDC Amont et, d'autre part, à mettre à disposition des catalogues et des supports de ventes. Une lettre accompagnant chacun de ces contrats précise à nouveau les conditions commerciales applicables. L'administration soutient que le contrat conclu le 2 janvier 2007 porte le cachet et la signature d'une entité distincte, la société Rault Lamballe SAS, et que celui du 31 décembre 2007 ne porte ni le cachet ni la signature de la société Rault Distribution. Le premier contrat mentionne toutefois la société Rault Distribution en tant que client et il n'est pas contesté que les prestations sont réalisées au profit de la société LDC Bretagne. En revanche, le second contrat ne comporte ni le cachet ni la signature de la société Rault Distribution. En outre, les courriels datés des mois d'avril et mai 2008 ne permettent pas de déduire que les contrats conclus avec la société Rault Distribution auraient été repris en 2008 par la société Brake. Dès lors, la société requérante est seulement fondée à soutenir que les sommes engagées en exécution du contrat conclu le 2 janvier 2007 viennent rémunérer des prestations de coopération commerciale.

12. S'agissant enfin des prestations réalisées par la société Gilloise Distribution, si la société LDC Bretagne soutient que les contrats de prestations de services produits sont précis quant aux modalités de cette coopération et la mise en avant des gammes de Vollailles de Loué-Bretagne et Le Gaulois, il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que le fait valoir l'administration, que la somme de 955,37 hors taxes versée par la requérante n'est pas comprise dans la base de calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés en 2008. S'agissant des années 2009 et 2011, la société requérante n'a produit aucun contrat. Enfin, pour l'année 2010, le contrat produit correspond à celui conclu pour la même année avec la société G20 et n'est, en tout état de cause, pas compris dans les rappels qui lui ont été notifiés.

13. En quatrième lieu, pour justifier de la réalité d'un accord relatif à des prestations de coopération commerciale conclu avec la société Dipral, la société LDC Bretagne produit un courrier en date du 11 juillet 2005 ainsi que des extraits de prospectus. Cependant, cette lettre, qui se borne à dresser un bilan de l'activité de la société à la fin du mois de juin 2005 et à proposer des offres promotionnelles sur certains produits de volailles, et les extraits de prospectus produits, ne permettent pas d'établir l'existence d'un engagement de la société Dipral au titre de l'année 2005, antérieure à la période vérifiée, ni a fortiori de démontrer qu'un tel engagement se serait poursuivi sur la période en litige.

14. En cinquième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que, pour justifier de la réalité des prestations de coopération commerciale avec le groupement d'intérêt économique (GIE) Sodis au titre de la période en litige, la société requérante a produit les contrats cadres annuels conclus au titre des années 2007, 2008 et 2010 avec le GIE Sodis, lesquels permettent d'établir la réalité des prestations de centralisation des négociations ainsi que des prestations informatiques. L'administration fiscale soutient que les prestations en cause ne sont pas des prestations commerciales et sont sans lien avec les rappels litigieux, dès lors que la centralisation d'informations réalisée au profit de la société LDC Bretagne, qui constitue l'objet social d'une centrale d'achats, ne constitue pas une prestation spécifique. Toutefois, dès lors que les GIE sont dotés d'une personnalité morale distincte de celle de leurs membres, les opérations qu'ils réalisent avec leurs membres ou des tiers sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions de droit commun. Ainsi, la société requérante établit que les sommes grevées de la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal ont effectivement rémunéré des prestations commerciales qui lui ont été rendues par le GIE Sodis au titre des années 2007, 2008 et 2010, à l'exception de la somme de 1 000 euros hors taxes versée par la requérante en application du contrat du 17 septembre 2010 relative à la " convention Distribution " du 5 octobre 2010, laquelle n'est pas comprise, ainsi que le fait valoir l'administration sans être contestée, dans la base de calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés.

S'agissant de l'interprétation de la loi fiscale :

15. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

16. Si la société LDC Bretagne invoque les énonciations des commentaires administratifs publiés au BOFiP sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-10 du 12 septembre 2012, au demeurant sans se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, celles-ci sont postérieures à la période en litige et ne comportent, au surplus, aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il est fait application dans le présent arrêt. Ainsi, la société appelante ne saurait, en tout état de cause, utilement s'en prévaloir.

En ce qui concerne le profit sur le Trésor :

17. Il résulte des points 7., 10., 11. et 14. du présent arrêt que la société LDC est fondée à demander la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration d'un profit sur le Trésor d'un montant correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

18. Il résulte de ce qui précède que le ministre est, dans cette mesure seulement, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant au profit sur le Trésor.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société LDC Bretagne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La SAS LDC Bretagne est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er mars 2007 au 28 février 2011 seulement en ce qui concerne les prestations commerciales visées aux points 7., 10., 11. et 14. du présent arrêt.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la différence entre les montants déchargés à l'article 1er et ceux dont le tribunal administratif a prononcé la décharge sont remis à la charge de la SAS LDC Bretagne.

Article 3 : La SA LDC est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2007 à 2011 résultant de la réintégration d'un profit sur le Trésor d'un montant correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mentionnés à l'article 1er.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 29 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre et des sociétés LDC Bretagne et LDC est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS LDC Bretagne, à la SA LDC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Danielian, présidente,

M. Lerooy, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

Le rapporteur,

D. A...La présidente,

I. DanielianLa greffière,

C. FourteauLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE03250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03250
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: M. David LEROOY
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : FIDAL NANTES SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-17;20ve03250 ?
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