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17/11/2022 | FRANCE | N°20VE03225

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 17 novembre 2022, 20VE03225


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux instances distinctes, enregistrées sous les n°1808039 et 1808256, M. D... E... et Mme A... F..., son ex-épouse, ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1808039, 1808256 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a, après les

avoir jointes, prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux instances distinctes, enregistrées sous les n°1808039 et 1808256, M. D... E... et Mme A... F..., son ex-épouse, ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1808039, 1808256 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a, après les avoir jointes, prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, déchargé les requérants de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, substitué la majoration de 10 % de l'article 1758 A du code général des impôts et rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2020 et 6 août 2021, M. E... et Mme C..., représentés par Me Lambert, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E... et Mme C... soutiennent que :

- l'opportunité pour la SARL Paris Glamour d'établir son siège social à Clairefontaine-en-Yvelines ne relève pas de la compétence de l'administration, qui a enfreint le principe de

non-immixtion dans les décisions de gestion des entreprises et ne justifie pas que cette localisation serait à l'origine d'une charge injustifiée et excessive pour la société ; en outre, le choix d'une maison pour héberger son activité est liée aux caractéristiques de la commune, qui est principalement pavillonnaire ;

- le loyer n'a jamais été augmenté depuis la conclusion du contrat de bail en 2003, alors qu'il aurait été dans leur intérêt de procéder à une telle réévaluation afin de limiter l'apport personnel nécessaire au remboursement du prêt attaché à l'acquisition du pavillon ; l'administration n'apporte pas la preuve que la location d'une surface équivalente à celle qu'elle a retenue aurait été moins coûteuse à Paris ou en Russie ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause les charges en litige au motif que le bien appartient à la SCI F... ; il ne peut lui être reproché une identité d'associés entre cette SCI et la SARL Paris Glamour, laquelle n'est contraire à aucune législation applicable ; ils ont déclaré le changement d'affectation du pavillon et la SCI est redevable de la taxe sur les bureaux pour l'intégralité de la surface ;

- l'intégralité de la superficie du pavillon était exploitée par la SARL Paris Glamour pour les besoins de son activité, qui nécessitait des bureaux pour satisfaire la clientèle ainsi que des lieux de stockage des collections ; bien qu'elle ne recevait pas de clientèle, elle employait des collaborateurs français qui venaient travailler sur place quotidiennement et un attaché de presse russe qui effectuait des déplacements au siège une fois par trimestre ; eux-mêmes exerçaient leur activité à cette adresse ; en tout état de cause, la société était libre de prendre en location des locaux plus grands afin de répondre à un projet d'expansion ;

- les locaux étaient occupés à titre permanent, comme le montrent les factures d'électricité des années 2010 et 2011 ainsi que son adhésion à une offre professionnelle de la société Orange ;

- l'essentiel de son activité étant réalisé par internet pour la commande des produits et par téléphone pour la prise de rendez-vous, la société Paris Glamour avait besoin de bureaux et d'emplacements de stockage ; en revanche, elle n'était pas contrainte de procéder à des aménagements spécifiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme C..., alors mariés et domiciliés 4, chemin des sables à Clairefontaine-en-Yvelines, étaient co-gérants et associés à 50 % de la SARL Paris Glamour, dont le siège se situait sur le territoire de la même commune, 16 rue de Rochefort. Ils étaient également seuls associés de la SCI F..., propriétaire de ces locaux, donnés en location à la SARL Paris Glamour. M. E... et Mme F... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 et 2011. Parallèlement, la SARL Paris Glamour a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service vérificateur a partiellement remis en cause la déduction des charges de loyers et d'entretien des locaux loués à la SCI F... du résultat imposable. Les sommes correspondantes ont été regardées comme distribuées aux époux E..., en tant qu'avantages occultes, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. A la suite de l'admission partielle de leurs réclamations préalables, ces derniers ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 13 octobre 2020, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, déchargé les requérants de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, substitué la majoration de 10 % de l'article 1758 A du code général des impôts et rejeté le surplus des conclusions des requérants. M. E... et Mme C... font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

3. Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

4. Il résulte de l'instruction que la société Paris Glamour, qui exerçait en tant qu'agent commercial une activité d'intermédiaire dans le domaine du textile, de l'habillement et des accessoires vestimentaires et représentait à l'étranger des marques françaises de haute couture, a fixé son siège social 16, rue de Rochefort à Clairefontaine-en-Yvelines, dans un pavillon appartenant à la SCI F..., dont les requérants étaient les seuls associés. La société Paris Glamour a conclu un bail pour ce pavillon à usage d'habitation de 338 m2, édifié sur un terrain de 4 434 m2, pour un loyer mensuel de 2 900 euros. Dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Paris Glamour, le service vérificateur a estimé que seule une partie de l'ensemble immobilier était occupée à titre professionnel, en se fondant sur l'absence de réception des clients dans les locaux du siège social, sur l'absence d'aménagement spécifique lié à l'utilisation professionnelle des lieux ou d'identification visuelle de la société à cette adresse, sur la nature de l'activité d'agent commercial de la société, principalement exercée à l'extérieur du siège social, ainsi que sur l'absence d'emploi de salariés à l'exception des requérants. L'administration s'est également fondée sur un document obtenu auprès de l'autorité judiciaire montrant que la société Paris Glamour n'utilisait réellement qu'un bureau de 15 m², le surplus des surfaces composant le bien n'étant constitué que de pièces à vivre. Toutefois, par souci de conciliation, en utilisant le descriptif des locaux établi par la société elle-même le 19 août 2007, l'administration a déterminé la surface maximale susceptible d'être occupée par la société et a admis, comme utilisés dans l'intérêt de l'entreprise, une salle de réunion de 24 m², un bureau de 45 m², un couloir et un dégagement pour 20 m² ainsi que des sanitaires pour 7 m², soit un total de 96 m² correspondant à 28 % de la surface totale du bien. Ainsi, elle a refusé d'admettre en déduction du résultat fiscal les charges de loyers et d'entretien correspondant au reste de la surface. Elle a en conséquence estimé que les requérants avaient bénéficié d'avantages occultes, à hauteur des dépenses supportées par la société en dehors de son intérêt propre, taxables en leur nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions citées au point 2.

5. En premier lieu, si les requérants soutiennent que la décision d'implanter le siège de la société Paris Glamour à Clairefontaine-en-Yvelines, dans une zone pavillonnaire, à quelques kilomètres de leur domicile personnel, relevait de la liberté de gestion de l'entreprise et que l'administration n'avait pas à s'immiscer dans les décisions de gestion de celle-ci, le service vérificateur ne s'est pas fondé sur un tel motif pour remettre en cause l'usage professionnel d'une partie des locaux. Il en va de même de la circonstance que le loyer mensuel n'aurait jamais fait l'objet d'une réévaluation et serait demeuré à un niveau modeste.

6. En second lieu, M. E... et Mme C... font valoir que la société Paris Glamour avait besoin de bureaux pour répondre aux exigences des clients et de lieux de stockage pour les collections. Toutefois, il résulte de l'instruction que les locaux étaient dénués de tout équipement professionnel, aucun aménagement n'ayant été réalisé à cette fin. La circonstance que les constatations du service auraient été faites alors que la société était en liquidation judiciaire est sans incidence à cet égard, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce que de tels aménagements auraient préalablement existé. Si les requérants soutiennent également que les locaux étaient occupés dans leur intégralité tout au long de l'année, par eux-mêmes ou leurs collaborateurs, et produisent à cet effet des abonnements d'électricité et de téléphonie, ces éléments sont toutefois insuffisants pour démontrer que ces locaux étaient occupés dans leur totalité pour un usage professionnel, sans qu'ait d'incidence sur ce point la circonstance que les locaux aient fait l'objet d'une déclaration de changement d'affectation et soient désormais soumis à la taxe sur les bureaux.

7. En troisième et dernier lieu, les requérants soutiennent qu'il n'était pas nécessaire de réaliser des aménagements spécifiques dans le pavillon, compte tenu de la nature même de l'activité de la SARL Paris Glamour, laquelle est essentiellement exercée par Internet pour la commande de produits de luxe et, par téléphone, pour la prise de rendez-vous avec les clients ainsi que la mise en place des showrooms. Il résulte toutefois de l'instruction que l'activité de la société était essentiellement réalisée en direction de l'étranger, comme le montrent les dépenses importantes engagées au titre des frais de déplacement, notamment en Russie, et qu'aucune réception ou accueil n'était prévu au siège à Clairefontaine-en-Yvelines. En outre, si les requérants se prévalent de leur présence quotidienne sur place, ainsi que celle de deux collaborateurs français, et de la présence trimestrielle de leur attaché de presse russe, il est constant que la SARL Glamour, dont la comptabilité est tenue par un cabinet comptable extérieur, n'emploie ni salarié au titre de son activité d'intermédiaire ni personnel administratif.

8. Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant, d'une part, qu'en prenant en charge des loyers correspondant à 72 % de la superficie du bien, alors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait bénéficié d'une contrepartie en retour, la SARL Paris Glamour n'a pas agi dans son propre intérêt et, d'autre part, qu'il existait pour cette société une intention d'octroyer, et pour les requérants, à la fois co-gérants et associés de cette société et associés de la SCI F... propriétaire du pavillon, de recevoir, une libéralité, sans que ces derniers puissent utilement se prévaloir de l'absence de profits réalisés par la SCI. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a inclus les sommes en litige dans les revenus imposables des années 2010 et 2011 de M. E... et Mme C... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Aucun dépens n'ayant été exposé, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent être que rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Danielian, présidente,

M. Lerooy, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

Le rapporteur,

D. B...La présidente,

I. DanielianLa greffière,

C. FourteauLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE03225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03225
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: M. David LEROOY
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : SELARL FEUGAS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-17;20ve03225 ?
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