Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Lascom a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des périodes couvrant les années 2008, 2009 et 2010, pour un montant global de 486 423 euros.
Par un jugement n° 1705605 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 janvier et 15 septembre 2020, la société Lascom, représentée par Mes Savin et Josse, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des majorations en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a commis des erreurs dans ses déclarations de TVA, mais qu'elle n'avait aucune intention délibérée d'éluder l'impôt, comme le montrent notamment ses tentatives de régularisation et le fait qu'elle ait utilisé un état de rapprochement TVA/CA3 qui lui aurait été fourni par le vérificateur lors d'un précédent contrôle.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 août et 28 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Lascom ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 9 décembre 2021 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Attar pour la société Lascom.
Considérant ce qui suit :
1. La société Lascom, qui exerce l'activité de développement et de commercialisation de logiciels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les périodes du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010. L'administration, qui n'a pas écarté sa comptabilité, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 en calculant, à partir de ses écritures comptables, les sommes encaissées par la société requérante. Le service a constaté qu'une partie importante des recettes comptabilisées n'avait pas été mentionnée dans les déclarations CA3 au titre des périodes correspondantes et l'a réintégrée dans la base taxable au titre de chacun de ces exercices, générant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La société requérante n'a pas contesté les rappels de TVA ainsi mis à sa charge, mais a demandé la décharge des majorations pour manquement délibéré correspondantes. Par un jugement n° 1705605 du 19 novembre 2019, dont la société Lascom relève appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
2. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où (...) la prestation de services est effectuée ;(...) / 2. La taxe est exigible : (...) / c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / En cas d'escompte d'un effet de commerce, la taxe est exigible à la date du paiement de l'effet par le client. (...) ".
4. L'administration fiscale a constaté le manquement délibéré de la société Lascom aux motifs que les rappels de TVA représentent une part importante de la TVA déclarée, que des rappels de TVA déclarée avaient déjà été mis à la charge de la société requérante lors d'une précédente vérification portant sur les exercices clos en 2005, 2006 et 2007, que la société Lascom, qui effectue uniquement des prestations de services, ne pouvait ignorer les dispositions des 1 et 2 c de l'article 269 du code général des impôts définissant le fait générateur et l'exigibilité de la TVA collectée sur les prestations de services et que le rapprochement entre le compte clients à la clôture de l'exercice et le compte de TVA collectée laissait apparaître, à la clôture de chacun des exercices vérifiés, une discordance manifeste.
5. En premier lieu, la société Lascom ne peut utilement soutenir que la grande majorité de ses erreurs provient de l'utilisation d'un état de rapprochement TVA/CA3 qui lui aurait été fourni par le vérificateur lors d'un précédent contrôle, dès lors que cet état de rapprochement constituait exclusivement un outil de vérification, mais non un outil permettant de calculer la TVA à déclarer. La société Lascom a choisi librement d'utiliser cet outil pour établir ses déclarations, mais n'y a nullement été incitée par l'administration fiscale en ce sens. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été induite en erreur par l'administration ou que l'insuffisance de déclaration de sa TVA collectée résulterait d'une erreur de l'administration. La circonstance, au demeurant non établie, que son commissaire au compte n'aurait pas identifié cette erreur est sans incidence.
6. En deuxième lieu, la société Lascom soutient que le précédent contrôle effectué en 2007 concernait une question différente, à savoir un passif de TVA injustifié relatif aux filiales qu'elle avait absorbées. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 18 décembre 2007 afférente à ce contrôle, que les rappels de TVA concernaient, outre le passif de TVA injustifié relatif aux filiales absorbées, un passif de TVA injustifié propre à la société Lascom à hauteur de 237 253 euros. Par ailleurs, cette même proposition de rectification a rappelé les dispositions du 2 c de l'article 269 du code général des impôts relatives à l'exigibilité de la TVA. Si la société Lascom soutient que la majoration pour manquement délibéré mise à sa charge à l'issue de ce premier contrôle a fait l'objet d'un dégrèvement à la suite de l'avis rendu par le comité du contentieux fiscal, douaniers et des changes du 17 mars 2009, il s'agit d'une mesure gracieuse qui ne peut utilement être opposée à l'administration.
7. En troisième lieu, la société requérante indique qu'elle aurait procédé à la régularisation spontanée d'une partie de la TVA due au titre des périodes litigieuses en juillet 2011 et en mars 2012, soit avant le début de la vérification de comptabilité, sans toutefois produire aucun document l'établissant. S'il est constant qu'elle a déclaré rétroactivement la somme de 575 614 euros de TVA collectée au titre du mois de décembre 2011, cette déclaration a été souscrite le 30 mars 2012, soit postérieurement à la notification de la proposition de rectification du 19 décembre 2011, relative à la période 2008. La société Lascom ne pouvait ignorer à cette date qu'elle encourait des rappels de TVA au titre de l'ensemble des exercices vérifiés, dès lors que la source invoquée de l'insuffisance de déclaration est identique pour chacune des trois périodes. Par ailleurs, la déclaration, qui est souscrite au titre du mois de décembre 2011, n'indique pas la période concernée, ni son caractère rectificatif, alors que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la notice d'utilisation était suffisamment claire sur la nécessité de remplir la case 3C. Enfin, la somme de 575 614 euros ne correspondait qu'à une partie des sommes dues, d'un montant global de 1 241 849 euros, sans que la société Lascom ait jamais motivé, en première instance ou en appel, le calcul de cette somme. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a procédé à la régularisation spontanée de la TVA due au titre des périodes en litige.
8. La société Lascom, qui n'effectuait que des prestations de services, ne pouvait ignorer les règles relatives au fait générateur et à la date d'exigibilité de la TVA collectée, énoncées à l'article 269 du code général des impôts et qui lui ont été rappelées par l'administration lors d'un précédent contrôle en 2007. Elle n'a pas pu, pendant trois exercices successifs, ne pas se rendre compte de la discordance manifeste existant entre le compte clients à la clôture de l'exercice et le compte de TVA collectée. Dans ces conditions, quand bien même les insuffisances de déclaration au titre des périodes en litige résulteraient de l'utilisation d'un tableau de rapprochement mal construit, eu égard à l'importance des insuffisances de déclaration et au caractère grave et répété des erreurs ainsi commises, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère intentionnel des insuffisances de déclaration de TVA et établit ainsi la volonté du contribuable d'éluder l'impôt.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Lascom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Lascom est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lascom et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 20VE00208