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08/11/2022 | FRANCE | N°22VE01293

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 22VE01293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle, à la demande du mandataire liquidateur de l'association philotechnique de Bois-Colombes (APBC), le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite née le 24 mars 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine du 25 septembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement pour motif économique.

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ar un jugement n° 1607077 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle, à la demande du mandataire liquidateur de l'association philotechnique de Bois-Colombes (APBC), le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite née le 24 mars 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine du 25 septembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1607077 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19VE01308 du 28 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté la requête en appel de M. F....

Par un arrêt n° 454645 du 20 mai 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour où elle a été enregistrée le 25 mai 2022 sous le n° 22VE01293.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 avril 2019, 8 et 21 décembre 2020, et 12 juillet 2022, M. F..., représenté par Me Bousquet, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement et cette décision du 23 mai 2016 ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 23 mai 2016 méconnaît le principe général d'impartialité ;

- l'employeur puis le mandataire, ont méconnu leur obligation de moyen en matière de reclassement des salariés en instance de licenciement ;

- la cessation d'activité de l'APBC n'est pas établie, elle a été reprise par le CNAM ce qui est de nature à faire obstacle à son licenciement en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

- il existe une situation de co-emploi.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2019, Me Legras de Grandcourt agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'APBC, représenté par Me Pasquet, avocat, demande à la cour de rejeter la requête de M. F... et de confirmer le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 7 février 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2019, le ministre chargé du travail indique s'en rapporter à ses écritures de première instance, qu'il produit, et conclut qu'il plaise à la cour de confirmer le jugement du 7 février 2019.

Vu la note en délibéré présentée pour M. F... le 8 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bousquet pour M. F....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 10 avril 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de l'association philotechnique de Bois-Colombes (APBC) avec autorisation de la poursuite de l'activité jusqu'au 10 juillet 2015. Par un courrier daté du 24 juillet 2015, le mandataire liquidateur a sollicité, auprès de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine, l'autorisation de licencier M. F..., employé en qualité de professeur de gestion et exerçant des mandats syndicaux, pour un motif économique à raison de la cessation d'activité. Le 25 septembre 2015, l'inspecteur du travail lui a opposé un refus. Par une décision implicite née le 24 mars 2016, le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formé le 23 novembre 2015 par le mandataire liquidateur de l'APBC. Par une décision en date du 23 mai 2016, le ministre a retiré sa décision implicite du 24 mars 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2015 et a autorisé le licenciement économique de M. F.... Par un jugement rendu le 7 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. F... tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 23 mai 2016. La cour administrative d'appel de Versailles a rejeté par un arrêt du 28 janvier 2021 l'appel formé par M. F... contre ce jugement. Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par M. F..., a annulé cet arrêt pour défaut de visa de la note en délibéré produite par M. F... à l'issue de l'audience, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

2. En premier lieu, M. F... soutient que la décision litigieuse méconnaîtrait le principe général d'impartialité s'imposant aux autorités administratives dès lors que le signataire, M. B..., a co-écrit un ouvrage paru en 2002 avec M. A..., professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et qui entretenait une inimitié avec M. C..., collègue du requérant au sein de l'APBC et dont le dossier apparaissait ainsi lié au sien pour la demande d'autorisation de licenciement. Toutefois, cette circonstance ponctuelle et ancienne, au demeurant non établie, n'est pas suffisante pour permettre de considérer que le signataire de la décision du ministre aurait manqué d'impartialité, ni que la décision du ministre en serait entachée d'impartialité. Par ailleurs, le requérant n'a pas fait valoir cet élément lors de l'instruction du recours hiérarchique introduit par le mandataire et ce, en dépit de l'envoi d'un courrier qui l'informait de l'identité du signataire de l'auteur de l'acte, M. B..., et l'invitait à présenter ses observations. Par suite, le moyen tiré du défaut d'impartialité du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié. Le juge peut, pour s'assurer du respect de l'obligation de reclassement par l'employeur, tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait, notamment du fait que des recherches postérieures révèlent l'absence de reclassement possible dans le groupe à la date de la décision de l'inspecteur du travail.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. Jean-Marie Gallois, président de l'APBC, a adressé un courrier daté du 2 juin 2015 à l'administrateur général du CNAM et au président de l'ARCNAM, dont l'objet était le maintien dans leur emploi des salariés dédiés aux formations CNAM et le reclassement des salariés dédiés aux formations Philotechnique. Ce courrier indiquait en annexe la liste des salariés dédiés au CNAM pour l'année universitaire 2014/2015 ainsi que la liste des salariés dédiés à la Philotechnique. Si ce courrier émanait du président de l'APBC et non du mandataire liquidateur et ne mentionnait pas expressément une " demande de reclassement " pour les salariés dédiés aux enseignements du CNAM mais un " maintien dans l'emploi ", ces circonstances ne sont pas du nature à avoir fait obstacle à la recherche par le CNAM de la possibilité de maintenir ou de reclasser les salariés concernés. Par ailleurs, si M. F... soutient que ce courrier n'émanait pas du mandataire liquidateur, il ressort des pièces du dossier que, par une lettre datée du 10 juillet 2015, date de cessation d'activité de l'APBC, le mandataire liquidateur a informé le CNAM, l'ARCNAM et quinze autres organismes publics et privés, de la liquidation de l'association et de la suppression de l'intégralité de ses 14 postes salariés, a visé l'article L. 1233-4 du code du travail, a mentionné que " le licenciement pour motif économique des salariés ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé (...) ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise " et leur a demandé de lui communiquer les offres de postes disponibles. Cette lettre comprenait en annexe un formulaire intitulé " fiche de proposition de poste " et indiquait la répartition non nominative des 14 salariés par tranche d'âge, par ancienneté et par catégorie professionnelle permettant ainsi aux destinataires de rechercher un poste correspondant aux mêmes catégories professionnelles. Si cette lettre du 10 juillet 2015 ne précise ni l'identité ni les compétences des salariés, il ne ressort pas des courriers du 18 juin 2015 et du 3 novembre 2015 de l'ARCNAM et du CNAM, sociétés du groupe, répondant qu'aucun poste n'était vacant et que tous les postes d'enseignants étaient pourvus, que ces organismes n'auraient pas été en mesure au regard des informations transmises, de procéder à une recherche de poste vacant correspondant à ceux des salariés licenciés. Dans ces conditions, le moyen tiré du manquement du mandataire à son obligation de reclassement doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ".

7. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive. Il ne lui appartient pas, en revanche, de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il incombe ainsi à l'autorité administrative de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.

8. M. F... soutient que la cessation d'activité de l'APBC, motif de son licenciement économique, n'est pas établie et que l'activité de l'APBC a été reprise par le CNAM puisque deux nouveaux centres à Nanterre et Levallois-Perret dans le nord du département des Hauts-de-Seine, à proximité immédiate des anciens centres dont l'APBC avait la direction ont été créés au profit du CNAM. Toutefois, cette création intervenue en juin 2016, soit plus de onze mois après la liquidation de l'APBC en avril 2015 ne permet pas, dans ces circonstances, de fonder les allégations de maintien de l'activité de l'association APBC. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du transfert du contrat de travail auprès du nouvel employeur doit être écarté.

9. En dernier lieu, si M. F... a entendu soutenir qu'il était en situation de co-emploi avec l'APBC et le CNAM dès lors qu'il dispensait son enseignement uniquement au profit des auditeurs du CNAM, qu'il était répertorié au sein de l'APBC comme enseignant du CNAM, que l'APBC gérait, en vertu d'une convention avec le CNAM, un centre régional associé au CNAM, ainsi que des centres d'enseignement du CNAM, il est toutefois constant que M. F... n'a été ni recruté ni rémunéré par le CNAM, mais par l'APBC. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que M. F... qui détenait des mandats de délégué du personnel et de conseiller du salarié au sein de l'APBC, aurait été soumis à un lien de subordination avec le CNAM auprès duquel il était mis à disposition. Par suite, le moyen tiré de la situation d'employeur du CNAM doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, et à M. le mandataire liquidateur Me Legras de Grandcourt.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

A-C. E...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE01293 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01293
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SELARL ROCHE BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-08;22ve01293 ?
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