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08/11/2022 | FRANCE | N°20VE01935

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 20VE01935


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 13 juin 2017 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du groupe public de santé Perray-Vaucluse a prononcé son exclusion définitive, d'autre part, d'enjoindre à la directrice de l'IFSI de l'autoriser à poursuivre sa scolarité au sein de l'IFSI et lui proposer un complément de formation pratique, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin de

condamner le groupe public de santé Perray-Vaucluse à lui verser la som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 13 juin 2017 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du groupe public de santé Perray-Vaucluse a prononcé son exclusion définitive, d'autre part, d'enjoindre à la directrice de l'IFSI de l'autoriser à poursuivre sa scolarité au sein de l'IFSI et lui proposer un complément de formation pratique, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin de condamner le groupe public de santé Perray-Vaucluse à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision attaquée, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1706779 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 août 2020, 4 mars 2021, 20 mars et 26 août 2022, Mme C... D..., épouse A..., représentée par Me Panarelli, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 13 juin 2017 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du groupe public de santé Perray-Vaucluse a prononcé son exclusion définitive de la formation d'infirmière ;

3°) d'enjoindre à l'IFSI Perray-Vaucluse du groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences de la réintégrer ou de lui permettre de réintégrer un autre institut de formation, dès la notification de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à l'IFSI Perray-Vaucluse du groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences de supprimer la mention d'exclusion dans son dossier et de justifier de cette suppression, dès la notification de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) d'enjoindre à l'IFSI Perray-Vaucluse du groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences de l'autoriser à se présenter devant le jury régional d'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier, dès la notification de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

6°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'IFSI Perray-Vaucluse du groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences de l'affecter pour le dernier stage pré-professionnel dans un service autre que l'unité de soins intensifs neuro-vasculaires du centre hospitalier Sud-Francilien ;

7°) d'enjoindre à l'IFSI Perray-Vaucluse du groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences de réexaminer son dossier, dès la notification de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

8°) de condamner le groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des préjudices subis ;

9°) de condamner le groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à lui rembourser les dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, quant aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision attaquée, de la compétence liée et de la méconnaissance de l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007 ;

- il est entaché d'une omission à statuer ;

- la décision du 13 juin 2017, qui constitue une sanction, est entachée d'une insuffisance de motivation au regard des dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 21 avril 2007, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière ; sa convocation ne lui a pas été adressée en lettre avec accusé de réception ; la convocation était incomplète quant aux informations transmises ; elle n'a pas eu suffisamment de temps pour présenter sa défense du fait du report de la convocation du conseil pédagogique ; les membres convoqués en urgence n'ont pu prendre connaissance de son dossier ; enfin, les droits de la défense, garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ont été méconnus dans la mesure où elle n'a pas été informée de la nature de la mesure envisagée à son encontre ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des articles L. 124-1 et L. 124-2 du code de l'éducation dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure d'effectuer son stage dans de bonnes conditions, des articles 10 et 11 de l'arrêté du 21 avril 2007 et des articles 47, 55, 59, 60 et 64 de l'arrêté du 31 juillet 2009 dans la mesure où l'auteur de la décision, qui ne l'a pas suivie durant sa formation, s'est considéré à tort en situation de compétence liée et n'a pas pris en compte son évolution progressive alors qu'elle a acquis toutes les compétences théoriques et pratiques requises et validé l'ensemble des ECTS des unités d'enseignement théorique et ses stages ; en outre, dès lors qu'elle avait validé son stage au sein du cabinet Bay, elle n'avait pas à effectuer un stage complémentaire du 2 mai au 9 juillet 2017 ;

- la décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des articles

L. 124-1 et L. 124-2 du code de l'éducation, de l'article L. 1152-1 du code du travail, de l'article 11 de l'arrêté du 21 avril 2007, de l'article 55 et de l'annexe III de l'arrêté du 31 juillet 2009 et des recommandations de l'agence régionale de santé, dès lors qu'aucune faute mettant en danger les patients au sens de l'article 11 de l'arrêté du 21 avril 2007 n'est établie ;

- la décision constitue une sanction déguisée et est entachée de détournement de pouvoir attesté par les vexations qu'elle a subies, qui sont assimilables à un harcèlement moral, et par la discrimination manifestée par un défaut d'encadrement et la volonté de lui nuire de la directrice par intérim ;

- la sanction est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés ;

- la décision attaquée est fautive, de même que les faits de harcèlement, les pressions subies, les manquements aux principes d'encadrement et de protection de l'élève, l'obligation de stage complémentaire et la décision de redoublement injustifiées ;

- ces fautes lui ont directement causé un préjudice matériel et moral d'un montant de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences, venant aux droits du groupe public de santé Perray-Vaucluse, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme D..., épouse A..., soit condamnée à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée est inopérant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux ;

- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- les observations de Me Panarelli pour Mme D..., épouse A... et celles de Me Falala pour le groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences, venant aux droits du groupe public de santé Perray-Vaucluse.

Une note en délibéré, enregistrée le 19 octobre 2022, a été présentée pour Mme D..., épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., épouse A..., âgée de 51 ans, aide-soignante depuis 2005, a été admise en 2012 à l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du groupe public de santé Perray-Vaucluse en vue de l'obtention du diplôme d'Etat d'infirmier. Alors qu'elle effectuait son stage de troisième année au sein du service de neurologie du centre hospitalier Sud-Francilien, Mme D..., épouse A..., a fait l'objet, le 24 mai 2017, d'un rapport de la part de son encadrement de stage à la suite duquel, le 30 mai 2017, elle a été suspendue par une décision de la directrice par intérim de l'IFSI du groupe public de santé Perray-Vaucluse et convoquée, par un courrier du même jour, devant le conseil pédagogique exceptionnel réuni le 13 juin 2017. Par une décision du 13 juin 2017, la directrice par interim de l'IFSI a prononcé l'exclusion définitive de Mme D..., épouse A..., de la formation en soins infirmiers. Mme D..., épouse A..., fait appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision d'exclusion définitive, à sa réintégration et à ce qu'elle soit autorisée à poursuivre sa scolarité, et, d'autre part, à la condamnation du groupe public de santé Perray-Vaucluse à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision attaquée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif a indiqué, au point 4 de ce jugement, les raisons pour lesquelles la décision attaquée ne constitue pas une sanction au sens du code des relations entre le public et l'administration et, en outre, vérifié que les textes et les faits sur lesquels la décision est fondée avaient bien été précisés par celle-ci. En deuxième lieu, le point 7 du jugement indique qu'il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que la directrice se serait sentie en situation de compétence liée dans la mesure où, indépendamment du rapport qu'elle mentionne, elle a décrit les difficultés professionnelles de Mme D..., épouse A.... En troisième lieu, il ne ressort pas des écritures de la demanderesse qu'elle aurait soulevé un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007. A supposer qu'en reprochant au jugement de ne pas caractériser suffisamment la gravité des faits et des lacunes qui lui ont été reprochés, la requérante ait entendu faire grief à celui-ci d'être insuffisamment motivé au regard du moyen tiré de la violation de l'article 11 du même arrêté, moyen qu'elle a bien soulevé, le tribunal administratif a suffisamment répondu sur ce point en explicitant, au point 9 du jugement, la gravité des faits commis par Mme D..., épouse A..., caractérisant des actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées, au sens de cet article. Ainsi les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés devant eux, ont suffisamment motivé leur jugement et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du code de justice administrative, pris en ses trois branches, doit être écarté.

3. En second lieu, Mme D..., épouse A..., fait grief au tribunal administratif de ne pas avoir répondu au moyen tiré du défaut d'information quant à la mesure d'exclusion définitive envisagée à son encontre. D'une part, il ressort des écritures de première instance que la demanderesse a invoqué de manière générale un défaut d'information sur " la procédure " dont elle faisait l'objet, sans préciser ne pas avoir été informée d'une possible exclusion définitive de la formation suivie. D'autre part, les juges de première instance ont répondu, au point 6 de leur jugement, au moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté comme manquant en fait.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision en litige :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, Mme D..., épouse A..., soutient que la décision prise le 13 juin 2017 par la directrice par intérim de l'IFSI du groupe public de santé Perray-Vaucluse constitue une sanction et qu'à ce titre elle devait être motivée, conformément aux dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prise en raison des actes de soins posés par la requérante à l'occasion de son dernier stage de formation au sein de l'unité de soins intensifs neuro-vasculaires du centre hospitalier Sud-Francilien, et des mises au point et explications intervenues entre les différents encadrants et l'étudiante au sujet des prises en charge médicales menées par cette dernière. Ainsi cette mesure, qui ne concerne pas des manquements de nature disciplinaire, constitue une mesure pédagogique et non une sanction. Au surplus, la décision en litige, qui mentionne, outre le texte sur lequel elle se fonde, notamment le rapport circonstancié retraçant les faits reprochés à Mme D..., épouse A..., qui fait état de la réunion du conseil pédagogique exceptionnel, du caractère approximatif des explications fournies par l'intéressée et qui se fonde sur le fait que les propos tenus par cette dernière n'ont pas mis en évidence l'identification d'une potentielle dangerosité des actes posés, est suffisamment motivée en droit comme en fait. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007, dans sa version applicable à la décision en litige : " Le conseil pédagogique est notamment consulté pour avis sur : (...) / 6. Les situations individuelles : (...) / d) Etudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge ; (...) / Pour les situations d'étudiants visées au 6, les membres du conseil reçoivent communication du dossier de l'étudiant, accompagné d'un rapport motivé du directeur, au moins quinze jours avant la réunion de ce conseil. / Pour les situations visées aux c et d du 6, l'étudiant reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres du conseil. Le conseil pédagogique entend l'étudiant, qui peut être assisté d'une personne de son choix. / L'étudiant présente devant le conseil pédagogique des observations écrites ou orales. Dans le cas où l'étudiant est dans l'impossibilité d'être présent ou s'il n'a pas communiqué d'observations écrites, le conseil examine sa situation. / Toutefois, le conseil peut décider à la majorité des membres présents de renvoyer à la demande de l'étudiant l'examen de sa situation à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois. / La décision prise par le directeur de l'institut de formation est notifiée par écrit à l'étudiant, dans un délai maximal de cinq jours après la réunion du conseil pédagogique. Elle figure à son dossier pédagogique et est adressée au président du conseil pédagogique. / Le directeur de l'institut de formation rend compte de ses décisions lors de la réunion suivante du conseil pédagogique. ". L'article 8 du même arrêté précise : " Le conseil pédagogique ne peut siéger que si les deux tiers de ses membres sont présents. / Si le quorum requis n'est pas atteint, la réunion est reportée. Les membres du conseil sont à nouveau convoqués dans un délai maximum de quinze jours. Le conseil peut alors valablement délibérer, quel que soit le nombre de présents. ".

6. Si Mme D..., épouse A..., soutient qu'elle n'a pas été convoquée par un courrier en lettre recommandée avec accusé de réception, cette circonstance est sans incidence dès lors qu'elle n'allègue pas ne pas avoir reçu la convocation accompagnée de la communication de son dossier, ainsi que le prévoit le dix-neuvième alinéa de l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007 précité. En outre, il est constant qu'elle était présente et assistée du conseil de son choix lors de la séance du conseil pédagogique exceptionnel qui a examiné sa situation le 13 juin 2017 et au cours de laquelle elle a pu exposer ses positions. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune des dispositions précitées que la convocation adressée aux membres du conseil pédagogique et à la requérante aurait dû comporter des informations sur la procédure, les modalités de la séance, le nom des participants et les règles de quorum. Cette convocation indiquait en objet " suspension du stage de Mme D..., épouse A... " et listait les pièces qui y étaient jointes. Bien qu'elle ne mentionnait pas la possibilité, au terme de la procédure, que soit prononcée une exclusion définitive, l'intéressée, qui n'a entrepris aucune démarche avant la réunion pour obtenir des informations supplémentaires quant à la procédure engagée, connaissait le contexte dans lequel elle était convoquée dès lors que son stage avait été suspendu le 30 mai 2017. En tout état de cause, le conseil pédagogique exceptionnel, qui n'a pas pour mission de décider de la suite du parcours pédagogique de l'étudiant, n'a fait que rendre un avis consultatif sur la situation individuelle de l'intéressée, dans les conditions prévues par l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble des participants à ce conseil, convoqués une première fois pour une séance débutant à 15 heures, puis une seconde fois par un courrier électronique envoyé le 13 juin 2017 à 15h32 pour une séance débutant à 16 heures, faute de quorum atteint dès le premier horaire de convocation, n'auraient pas reçu l'intégralité du dossier de l'intéressée et des pièces nécessaires à leur information au moins quinze jours avant cette date, conformément aux dispositions de l'article 10 précité, leur permettant d'en prendre connaissance de manière utile. Enfin, alors même que le conseil pédagogique exceptionnel initialement convoqué à 15 heures ne s'est réuni utilement qu'à compter de 16 heures, il n'est pas établi que ce report aurait préjudicié à la défense de la requérante, laquelle a pu s'exprimer, de même que son conseil, et à qui il a été proposé de présenter de dernières observations, ce que l'intéressée n'a pas souhaité faire, avant la fin de son audition à 17 heures, le conseil pédagogique n'ayant effectivement levé sa réunion qu'à 17 heures 25, soit au-delà de l'horaire initialement indiqué dans la convocation, lequel n'était qu'estimatif. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure, pris en ses différentes branches, doit également être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. ". En outre l'article L. 124-1 du code de l'éducation dispose, en son dernier alinéa : " L'enseignant référent prévu à l'article L. 124-2 du présent code est tenu de s'assurer auprès du tuteur mentionné à l'article L. 124-9, à plusieurs reprises durant le stage ou la période de formation en milieu professionnel, de son bon déroulement et de proposer à l'organisme d'accueil, le cas échéant, une redéfinition d'une ou des missions pouvant être accomplies. ". L'article L. 124-2 du même code ajoute : " L'établissement d'enseignement est chargé : (...) / 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes pédagogiques de l'établissement, qui s'assure du bon déroulement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et du respect des stipulations de la convention mentionnée à l'article L. 124-1. Le nombre de stagiaires suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi pédagogique et administratif constant sont définis par le conseil d'administration de l'établissement, dans la limite d'un plafond fixé par décret ; (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le 5 août 2016, Mme D..., épouse A..., a écrit à la directrice adjointe de l'IFSI pour se plaindre de ce que son référent pédagogique l'aurait invitée à suspendre sa formation sans lui avoir prodigué tout le soutien nécessaire à la poursuite de celle-ci. Toutefois, il n'est pas contesté que l'IFSI a répondu à ce courrier en organisant un échange contradictoire entre les intéressés en présence de la directrice adjointe, permettant d'expliciter le sens des propositions pédagogiques adressées à l'étudiante. S'il ressort par ailleurs des attestations produites par la requérante que deux infirmières de deux services différents auraient refusé d'encadrer les stages de Mme D..., épouse A..., l'intéressée ne soutient pas que ces refus auraient eu des conséquences défavorables sur la qualité de la formation qu'elle a reçue en ces occasions, alors qu'elle a bénéficié de l'encadrement de tuteurs et maîtres de stage requis pour chacun des stages auxquels elle était soumise. Le témoignage d'une autre aide-soignante à l'établissement Erasme d'Antony est rédigé en des termes trop généraux pour établir que la requérante aurait été l'objet d'une discrimination, dont la nature n'est d'ailleurs pas précisée. Il ressort au contraire des pièces du dossier, et notamment des multiples évaluations et rapports produits, que la requérante a fait l'objet d'un accompagnement personnalisé compétent durant les différents stages qu'elle a réalisés, en particulier lors du dernier effectué au sein de l'unité de soins intensifs neuro-vasculaires du centre hospitalier Sud-Francilien, au cours duquel les objectifs qui lui étaient assignés ont été régulièrement réadaptés afin de faciliter l'acquisition de la compétence pratique attendue. Dans ces conditions, Mme D..., épouse A..., qui indique par ailleurs avoir été confrontée à des difficultés d'ordre personnel de nature à la perturber dans le suivi de ses stages, n'établit pas que sa formation se serait déroulée dans des conditions violant les dispositions des articles L. 124-1 et L. 124-2 du code de l'éducation ni qu'elle aurait été victime de discrimination de nature à la placer en situation d'échec en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

9. En deuxième lieu, l'article 57 de l'arrêté du 31 juillet 2009 dispose : " L'acquisition des compétences en situation et l'acquisition des actes, activités et techniques de soins se font progressivement au cours de la formation. (...) ". Il est vrai que la décision d'exclusion définitive se fonde sur l'incident survenu au cours du dernier stage effectué par Mme D..., épouse A..., sans faire état des connaissances progressivement acquises par l'étudiante au fil de sa scolarité à l'IFSI, alors qu'il est constant que le bilan de formation dressé le 24 mai 2017 par le formateur référent de l'IFSI chargé d'accompagner l'intéressée admet que cette dernière a validé tous les ECTS des unités d'enseignements théoriques et des stages, à l'exception des 10 ECTS de stage de semestre 6. Toutefois, si la décision en litige vise le rapport circonstancié du dernier maître de stage ayant encadré Mme D..., épouse A..., et la réunion du conseil pédagogique exceptionnel, elle conclut, par une appréciation qui lui est propre en ce qu'elle tient compte des explications fournies par l'intéressée en présence du cadre chargé de son suivi pédagogique comme devant le conseil pédagogique exceptionnel, à un manque de prise de conscience de la part de Mme D..., épouse A..., de la potentielle dangerosité de ses actes dans la prise en charge d'un malade, alors, et ainsi que le fait d'ailleurs valoir l'intéressée, que cette dernière se trouvait en toute fin de formation, qu'il s'agissait d'un geste de premier secours et que l'intéressée n'a jamais reconnu son erreur. Par suite, la décision excluant définitivement la requérante de la formation en soins infirmiers en raison de la potentielle dangerosité de ses actes n'a pas méconnu les dispositions de l'arrêté du 31 juillet 2009. En outre, il ne ressort pas des termes de cette décision que la directrice par intérim de l'IFSI se serait cru en situation de compétence liée.

10. En troisième lieu, Mme D..., épouse A..., soutient que dès lors qu'elle avait validé les acquis attendus du stage au sein du cabinet infirmier Bay réalisé du 27 février au 2 avril 2017, elle n'avait pas à effectuer un stage supplémentaire du 2 mai au 9 juillet 2017. Toutefois, le bilan de formation dressé le 24 mai 2017 par son formateur référent de l'IFSI, lequel fait état d'un manque de 10 ECTS de stage de semestre 6, n'est pas sérieusement contredit et il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le dernier stage qu'elle a effectué n'était pas nécessaire à l'acquisition de l'ensemble des crédits de formation prévus par les dispositions de l'arrêté du 31 juillet 2009. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet arrêté doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 21 avril 2007, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées, le directeur de l'institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, peut décider de la suspension du stage de l'étudiant, dans l'attente de l'examen de sa situation par le conseil pédagogique qui doit se réunir, au maximum, dans un délai de quinze jours à compter de la suspension. / Lorsque le conseil pédagogique se réunit, il examine la situation et propose une des possibilités suivantes : / - soit autoriser l'étudiant à poursuivre la scolarité au sein de l'institut ; dans ce cas, le conseil pédagogique peut alerter l'étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ou pratique ; / - soit soumettre l'étudiant à une épreuve théorique, soit le soumettre à une épreuve pratique complémentaire sous la responsabilité du tuteur, selon des modalités fixées par le conseil. A l'issue de cette épreuve, le directeur de l'institut décide de la poursuite de la formation ou de l'exclusion définitive de l'institut de formation ; / - soit exclure l'étudiant de l'institut de façon temporaire ou définitive. ".

12. Il est établi par les pièces du dossier que Mme D..., épouse A..., a mis en œuvre la procédure dite d'Heimlich sur un patient auquel elle administrait des médicaments et qui a fait une fausse route sans toutefois être en obstruction respiratoire totale, seul cas où cette manœuvre est préconisée, l'étudiante n'ayant pas su mettre en œuvre les mesures appropriées à la désobstruction des voies du patient, ni expliquer la situation à l'encadrement infirmier qui l'avait rejointe. Surtout, au vu des explications qu'elle a fournies devant le conseil pédagogique exceptionnel, l'intéressée a persisté à défendre le bien-fondé de son geste, sans prendre conscience de son erreur ni des conséquences potentiellement dangereuses de celle-ci. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait tenant à l'absence d'actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées doit être écarté.

13. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, le fait sur lequel se fonde la décision d'exclusion définitive en litige constitue un geste de premiers secours exécuté par Mme D..., épouse A..., alors qu'elle était à six semaines de la fin de sa formation d'infirmière, ainsi que cette dernière le fait d'ailleurs valoir. Il n'est pas établi que les deux redoublements de stage qui lui ont été imposés au cours de sa deuxième année, qui concerne un stage en SSR et non le stage effectué en milieu scolaire, et de la troisième année n'étaient pas justifiés alors qu'il ressort d'une évaluation de stage d'août 2016 qu'il a été indiqué que l'intéressée n'a pas les capacités pour être infirmière. S'il ressort du bilan de situation individuelle dressé le 24 mai 2017 par le formateur chargé du suivi pédagogique de l'intéressée que tous les ECTS des unités d'enseignement théoriques sont acquis, qu'il manque 10 ECTS de stage de semestre 6 et que, par ailleurs, toutes les compétences sont acquises et confirmées ce jour, le rapport du centre hospitalier Sud-Francilien du 22 mai 2017 produit par la requérante relate notamment des manquements aux règles d'hygiène, la réalisation d'un examen bladder scan dont les résultats erronés, en raison d'une mauvaise réalisation par l'étudiante ont mis en danger la patiente, une difficulté à préparer un traitement et la réitération de la même erreur le lendemain sans prise en compte des conseils prodigués par le tuteur de stage, des difficultés à comprendre et suivre les consignes données, un manque de précision et des lacunes dans le suivi des paramètres vitaux, un oubli de remonter la barrière du lit alors qu'elle s'absentait au cours d'un soin, et plus généralement un défaut de planification des soins et des défaillances dans les transmissions, alors que l'intéressée a fait l'objet d'un encadrement adapté à son niveau d'étude et d'un accompagnement spécifique, avec réévaluation régulière des objectifs à atteindre dans le but de l'aider à progresser. Ainsi, et nonobstant le très bon niveau des évaluations en qualité d'aide-soignante dont Mme D..., épouse A..., se prévaut, lequel est sans incidence sur l'appréciation portée sur ses capacités à exercer le métier d'infirmière, il est établi que la requérante, si elle a progressivement acquis les compétences théoriques exigées pour l'exercice de ce métier, rencontrait des difficultés persistantes à les mettre en œuvre de manière suffisamment sûre et dans des conditions garantissant la sécurité des personnes soignées. Dans son avis du 13 juin 2017, le conseil pédagogique exceptionnel s'est prononcé à une large majorité de ses membres en faveur de l'exclusion définitive de l'étudiante au vu de l'absence de prise de conscience de ses responsabilités, en constatant qu'il n'imaginait pas l'intéressée comme infirmière diplômée à très brève échéance. Dans ces conditions, outre les motifs exposés aux points 8 à 10 et au point 12, et alors que l'intéressée n'établit pas que le service aurait été défaillant dans l'encadrement dont elle a bénéficié, en excluant de manière définitive de la formation d'infirmier Mme D..., épouse A..., pour des motifs d'ordre pédagogique tenant à la prise en charge d'un malade, la directrice par intérim de l'IFSI du groupe public de santé Perray-Vaucluse n'a commis aucune erreur d'appréciation.

14. En sixième lieu, si Mme D..., épouse A..., soutient que la décision attaquée révèle une sanction déguisée, elle n'établit pas avoir été victime de harcèlement ou de discrimination dans la mesure où, comme dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un encadrement adapté tout au long de sa formation, ainsi qu'en attestent les progrès qu'elle a réalisés et dont elle se prévaut par ailleurs. En outre, cette décision fait suite à la commission d'actes incompatibles avec la sécurité des patients. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

15. En dernier lieu, dès lors que la décision du 13 juin 2017 ne constitue pas une sanction, Mme D..., épouse A..., ne saurait utilement soutenir qu'elle serait disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D..., épouse A..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter l''ensemble de ses conclusions.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D..., épouse A..., demande à ce titre. Les conclusions tendant à la condamnation du groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences aux entiers dépens doivent également être rejetées, en l'absence de dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme D..., épouse A..., la somme de 1 000 euros à verser au groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D..., épouse A..., est rejetée.

Article 2 : Mme D..., épouse A..., versera au groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., épouse A..., et au groupe hospitalier universitaire Paris-psychiatrie et neurosciences, venant aux droits du groupe public de santé Perray-Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

M-G. B...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE01935 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01935
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-02-025 Professions, charges et offices. - Accès aux professions.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : PANARELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-08;20ve01935 ?
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