Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 49 770 euros, arrêtée au 31 décembre 2019, en réparation du préjudice financier subi dans la perception de sa pension de retraite, ainsi que la somme de 190 260 euros, arrêtée au 1er janvier 2020, au titre de la réparation du préjudice de même nature à venir pour la période s'étendant du 1er janvier 2020 jusqu'à la date à laquelle elle atteindra l'âge de 85,4 ans, correspondant à l'espérance de vie d'une femme en France, avec actualisation de ces sommes correspondant aux préjudices subis et futurs à la date du jugement.
Par un jugement n° 1604814 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés les 15 mai et 15 juillet 2020 et les 21 janvier et 17 juin 2021, Mme B... C..., représentée par Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 59 850 euros, arrêtée au 31 mai 2021, en réparation du préjudice financier subi dans la perception de sa pension de retraite, ainsi que la somme de 191 520 euros, au titre de la réparation du préjudice de même nature à venir pour la période s'étendant du 1er juin 2021 jusqu'à la date à laquelle elle atteindra l'âge de 85,8 ans, correspondant à l'espérance de vie d'une femme en France, avec actualisation de ces sommes correspondant aux préjudices subis et futurs à la date de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête, qui relève d'une action en responsabilité pour faute, est recevable au regard de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier ; d'une part, il ne comporte pas les signatures requises, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; d'autre part, il a méconnu le principe du contradictoire ; enfin, les premiers juges ont relevé d'office un moyen tiré de la faute exonératoire de la victime sans l'en informer comme ils y étaient tenus en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; en tout état de cause, le principe du contradictoire imposait qu'elle soit mise en mesure de discuter le moyen retenu par le tribunal ;
- le centre hospitalier de Gonesse a commis une faute en lui fournissant une information erronée quant au montant de ses droits à pension ;
- aucune faute totalement exonératoire ne pouvait lui être opposée, le principe de confiance légitime à l'égard de l'administration l'autorisant, sauf circonstance particulière non avérée en l'espèce, à se fier aux informations reçues de son employeur ;
- cette faute a pour conséquence directe un préjudice financier dès lors qu'en l'absence d'option exercée, elle aurait conservé une pension de retraite d'un montant de 2 014 euros ;
- son préjudice financier actuel s'élève à la somme de 59 850 euros et son préjudice financier futur s'évalue à la somme de 191 520 euros ; ces sommes devront être actualisées au jour de la décision.
Par des observations, enregistrées le 23 novembre 2020, la Caisse des dépôts, en réponse à la communication de la requête, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que la requête est irrecevable, la cour administrative d'appel n'étant pas compétente pour connaître de l'appel formé contre le jugement en tant qu'il prononce la mise hors de cause de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) dès lors qu'il s'agit, dans cette mesure, d'un litige en matière de pension.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 avril et 9 juillet 2021, le centre hospitalier de Gonesse, représenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme C... soit condamnée à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement est régulier ;
- la faute, dont la preuve incombe au demandeur, n'est pas établie ;
- l'absence de demande de toute simulation du montant de pension de retraite avant d'effectuer un choix de reclassement constitue la cause exclusive de son préjudice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lyautey pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., cadre de santé de la fonction publique hospitalière, exerçant les fonctions d'infirmière au centre hospitalier de Gonesse, a opté, le 29 mars 2013, pour son intégration dans le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 5 juillet 2010. Ayant été admise à faire valoir ses droits à la retraite, Mme C... a été radiée des cadres le 1er juillet 2013. La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) lui a alors adressé un décompte définitif de pension, daté du 19 juillet 2013, faisant apparaitre un montant minimum net de pension nettement inférieur à celui que Mme C... aurait perçu si elle avait opté pour le maintien dans son corps d'origine. Par des courriers des 22 juillet 2013 et 6 décembre 2013, le centre hospitalier de Gonesse a adressé à la Caisse des dépôts, gestionnaire de la CNRACL, une demande de révision du montant de la pension de Mme C.... Par des courriers des 20 novembre 2013 et 31 décembre 2013, le directeur de la CNRACL a informé le centre hospitalier de Gonesse que le droit d'option exercé était définitif, que le reclassement avait pris effet au 29 décembre 2012 et que l'ensemble de la carrière de Mme C... resterait classé en catégorie sédentaire. Par un courrier du 17 juillet 2015 adressé au centre hospitalier de Gonesse, Mme C... a sollicité l'indemnisation de son préjudice ainsi que la mise en place d'une transaction. Sa demande a été rejetée par la directrice du centre hospitalier par un courrier daté du 6 août 2015. Mme C... fait appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Gonesse à l'indemniser du préjudice financier subi du fait de la faute commise par l'agent du service des ressources humaines chargé de l'informer sur le droit d'option qui lui était ouvert.
Sur la mise hors de cause de la Caisse des dépôts :
2. Les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... étant exclusivement dirigées contre le centre hospitalier de Gonesse, la Caisse des dépôts, agissant en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, doit être mise hors de cause, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par cette dernière.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Pour rejeter la demande indemnitaire présentée par Mme C..., le tribunal administratif a considéré que l'intéressée avait commis une imprudence de nature à exonérer totalement le centre hospitalier de Gonesse de sa responsabilité en ne justifiant pas avoir sollicité une estimation de pension correspondant au classement de l'ensemble de sa carrière en catégorie sédentaire, conséquence du reclassement dans le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière pour lequel elle a opté, alors qu'une telle vérification lui aurait permis de constater le différentiel important de pension selon l'option choisie. Il ressort des écritures de première instance que le centre hospitalier de Gonesse, qui n'a pas produit de défense devant le tribunal, n'invoquait pas l'absence de renseignement pris par la demanderesse pour s'exonérer de toute responsabilité à l'égard de cette dernière. Ainsi, en soulevant d'office le moyen tiré de la faute totalement exonératoire commise par Mme C..., sans informer au préalable la demanderesse de son intention de retenir ce moyen, le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les deux autres moyens ayant trait à sa régularité, le jugement doit être annulé pour ce motif.
4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par Mme C..., tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur l'existence d'une faute du centre hospitalier de Gonesse à raison de la communication d'informations erronées à Mme C... :
5. Pour engager la responsabilité du centre hospitalier de Gonesse, Mme C... soutient qu'en vue de sa mise à la retraite, elle a été reçue en entretien le 19 mars 2013 par un agent de la direction des ressources humaines, lequel lui aurait indiqué, à tort, que l'exercice de l'option prévue par l'article 37 de la loi du 5 juillet 2010, permettant son reclassement dans le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière, lui ouvrirait le droit à un montant de retraite supérieur de 30 euros à celui correspondant à la pension de retraite associée au maintien dans son corps d'origine. Ainsi en invoquant la circulaire DGOS/RH4/DGCS n° 2013-41 du 5 février, la requérante fait grief à l'administration d'avoir méconnu son obligation d'information en lui fournissant des renseignements erronés.
6. Toutefois, et en tout état de cause, si l'employeur de Mme C... était tenu à une obligation d'information quant aux conséquences de l'option exercée, notamment au regard des droits à pension en résultant, il résulte de l'instruction que le 19 mars 2013, une simulation du montant de la retraite de Mme C... a été réalisée à partir du site dédié faisant apparaître un montant de pension de 1 994,83 euros nets mensuels correspondant à un maintien de l'intéressée dans son corps d'origine. La requérante ne produit aucun autre document émanant du même service faisant apparaître un montant supérieur de pension en cas de levée de l'option de reclassement qui lui était ouverte. L'intéressée a exercé cette option le 29 mars 2013, en paraphant et signant le même jour un décompte provisoire de pension, émis à l'en-tête de la CNRACL et imprimé le 28 mars 2013, lequel fait apparaître un niveau estimé de pension de retraite de 2036 euros, établi sur la base de la levée de l'option de reclassement par l'agent. Ainsi, il résulte de l'instruction que c'est au vu de cette seconde simulation écrite, finalement produite par la requérante, que Mme C... s'est déterminée. Il n'est ni établi, et n'a d'ailleurs jamais été allégué par l'intéressée, que ce décompte provisoire de pension aurait été fourni à la requérante par son employeur, alors au contraire que la seule erreur d'information reprochée au centre hospitalier par l'intéressée consiste en une indication verbale qui lui aurait été donnée le 19 mars 2013, laquelle est contestée en défense. Si, par des courriers des 22 juillet 2013 et 6 décembre 2013, le centre hospitalier de Gonesse a adressé à la caisse des dépôts, gérant de la CNRACL, une demande de régularisation du montant de la pension de Mme C..., en précisant que cette dernière avait opté pour le maintien dans le corps des cadres de santé de la fonction publique hospitalière afin de conserver ses droits de départ en retraite anticipée liés à ses années de service actif, et indiquant dans son courrier du 6 décembre 2013 avoir, le 14 juin 2013, " adressé par inadvertance la décision de reclassement dans le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière ce qui met en désavantage le montant de la pension de l'agent ", il ressort seulement de ces courriers que l'employeur de la requérante a tenté de replacer son ancien agent dans la situation finalement souhaitée par ce dernier, ce qui ne saurait valoir reconnaissance d'une erreur commise par ses services dans leur obligation d'information. Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'information qui a été donnée à Mme C... le 29 mars 2013, et dont elle ne précise d'ailleurs pas la manière dont elle l'a obtenue, émanerait du service des ressources humaines du centre hospitalier de Gonesse. Par suite, en l'absence d'établissement de la faute invoquée à l'encontre du centre hospitalier de Gonesse, Mme C... n'est pas fondée à engager la responsabilité de son ancien employeur et les conclusions indemnitaires qu'elle présente doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Gonesse qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... demande à ce titre. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme C... le versement au centre hospitalier de Gonesse d'une somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La Caisse des dépôts, agissant en qualité de gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, est mise hors de cause.
Article 2 : Le jugement n° 1604814 du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... et sa demande de première instance sont rejetés.
Article 4 : Mme C... versera au centre hospitalier de Gonesse la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au centre hospitalier de Gonesse.
Copie en sera transmise, pour information, à la Caisse des dépôts, gérant de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
Mme Bonfils, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
M-G. A...Le président,
S. BROTONSLa greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE01274 2