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18/10/2022 | FRANCE | N°21VE02451

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21VE02451


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102982 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, Mme B... A..., rep

résentée par Me Besse, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102982 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, Mme B... A..., représentée par Me Besse, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° à titre principal, d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 et d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° à titre subsidiaire, d'annuler l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cette période ;

5° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Besse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'avis de l'OFII a été signé par le biais d'un fac-similé numérisé de la signature des médecins membres du collège de l'OFII ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit et méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2021, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Pham, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante congolaise née le 24 janvier 1955, a déclaré être entrée en France le 11 février 2018. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 22 mars 2019, l'intéressée a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 31 juillet 2020, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2102982 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... A... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 425-9 du même code à compter du 1er mai 2021 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Dans son avis du 3 juin 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme B... A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé.

3. En premier lieu, l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, prévoit que l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé. L'article R. 313-23 du même code, dans sa version alors applicable, précise que ce collège à compétence nationale est composé de trois médecins. En outre, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'avis du collège de médecins de l'OFII porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve contraire. A supposer, ainsi que le soutient la requérante, que ces signatures ne soient que des fac-similés numérisés et non des signatures manuscrites, aucun élément ne permet cependant de mettre en doute leur authenticité et d'en conclure que ces trois médecins, dont l'identité est précisée, n'auraient pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

4. En deuxième lieu, Mme B... A... soutient qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié en République démocratique du Congo, pays où elle a vécu les évènements traumatisants à l'origine de sa dépression et dans lesquels les médicaments qui lui sont administrés ne sont pas effectivement disponibles.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... A... souffre d'hypertension artérielle ainsi que d'un état de stress post-traumatique associé à une dépression sévère, pour lequel elle suit un traitement et fait l'objet d'un suivi psychiatrique régulier. Elle soutient que sa dépression serait due à des mauvais traitements qui lui auraient été infligés par des militaires dans son pays d'origine après qu'ils aient tué son fils en sa présence et que son renvoi serait susceptible de réactiver ces traumatismes et de l'entraîner au suicide. Toutefois, elle n'établit pas la réalité de cette allégation en produisant simplement un certificat médical de son médecin, rédigé pour les besoins de la cause le 17 mai 2021, alors que sa demande d'asile a été rejetée par décision de la cour nationale du droit d'asile du 22 mars 2019.

6. D'autre part, si le certificat médical du 17 mai 2021 souligne la rareté des psychiatres, les ruptures fréquentes des stocks de médicaments, ainsi que le prix des traitements en République démocratique du Congo, ces considérations générales ne suffisent pas à infirmer l'avis du collège de médecins de l'OFII, dès lors qu'il n'est pas contesté que le traitement médicamenteux de la requérante est disponible dans son pays d'origine. Par ailleurs, si son éloignement mettrait fin au suivi de son médecin français, qui dure maintenant depuis deux ans, cette circonstance, si regrettable qu'elle soit, n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de Mme B... A.... Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur de droit doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Il ressort des déclarations de la requérante qu'elle serait entrée en France en février 2018. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 63 ans et où résident encore ses parents. Si elle a deux enfants résidant en France, dont son fils chez qui elle vit, elle ne produit aucun élément démontrant le soutien affectif que lui apportent ses deux enfants présents sur le territoire français. Dans ces conditions, et compte-tenu de ce qui a été dit aux point 5 et 6 sur son état de santé, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Si Mme B... A... invoque la méconnaissance de ces dispositions en raison de son état de santé, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 6.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

C. PHAM Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE02451


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02451
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-18;21ve02451 ?
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