La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2022 | FRANCE | N°21VE01438

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21VE01438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Publicis Groupe a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, dans la mesure correspondant au rétablissement du montant du crédit d'impôt recherche dont disposait sa filiale, la société Phone Valley, pour les années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1601792 du 19 juin 2017, le trib

unal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17VE02687 du 7 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Publicis Groupe a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, dans la mesure correspondant au rétablissement du montant du crédit d'impôt recherche dont disposait sa filiale, la société Phone Valley, pour les années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1601792 du 19 juin 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17VE02687 du 7 mai 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Publicis Groupe contre ce jugement.

Par une décision n° 432370 du 19 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur la prise en compte, parmi les dépenses éligibles au crédit impôt recherche, de la contribution exceptionnelle et temporaire et des dépenses de personnel exposées au titre de la veille technologique et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2017 et, après cassation, un mémoire enregistré le 28 juillet 2021, la société Publicis Groupe, représentée par Me Vailhen, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de rétablir le montant du crédit d'impôt recherche pour les dépenses de recherche dont disposait sa filiale, la société Phone Valley, pour les années 2009, 2010 et 2011, en réintégrant dans la base de calcul de ce crédit d'impôt la contribution exceptionnelle et temporaire et le montant des dépenses de personnel exposées au titre de la veille technologique ;

3° de prononcer le remboursement des rappels d'impôt qu'elle a acquittés après la réintégration de ces sommes, augmentés des intérêts de retard en application des dispositions de l'article L 208 du livre des procédures fiscales ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que les cotisations patronales et les dépenses de personnel exposées au titre de la veille technologique sont éligibles au crédit d'impôt recherche.

Par des mémoires, enregistrés le 11 janvier 2018 et, après cassation, le 9 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, dans le dernier état de ses écritures, s'en remet à l'appréciation de la cour.

Par une ordonnance du 1er septembre 2021, l'instruction a été fixée au 1er octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Phone Valley, qui exerce une activité de conseil en marketing digital, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause une fraction des crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, correspondant à une partie des rémunérations versées aux employés affectés à des travaux de recherche et aux versements effectués au titre de certains prélèvements obligatoires assis sur ces rémunérations. La société Publicis Groupe, société mère intégrante du groupe auquel appartient la société Phone Valley, relève appel du jugement 19 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de rétablissement du crédit d'impôt recherche dont disposait sa filiale. Par un arrêt du 19 mai 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour du 7 mai 2019 en tant qu'il statue sur la prise en compte, parmi les dépenses éligibles au crédit impôt recherche, de la contribution exceptionnelle et temporaire et des dépenses de personnel exposées au titre de la veille technologique et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour.

Sur la demande de rétablissement du crédit d'impôt recherche :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) / j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 euros par an. (...) / VI. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article ".

En ce qui concerne la prise en compte des charges sociales :

3. L'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts prévoit que, pour la détermination des dépenses de recherche mentionnées au b du II de l'article 244 quater B du même code, il y a lieu de retenir : " b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires ". Revêtent le caractère de cotisations sociales obligatoires, au sens de ces dispositions, les versements de la part des employeurs aux régimes obligatoires de sécurité sociale ainsi que les versements destinés à financer les garanties collectives complémentaires instituées par des dispositions législatives ou réglementaires ou les garanties instituées par voie de conventions ou d'accords collectifs ainsi que par les projets d'accord ou les décisions unilatérales mentionnés à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, et qui ont pour objet d'ouvrir des droits à des prestations et avantages servis par ces régimes ou au titre de ces garanties. En font partie des prélèvements qui, tout en n'entrant pas en compte pour la détermination du calcul des prestations servies par un régime obligatoire de sécurité sociale, conditionnent l'ouverture du droit à ces prestations et constituent, par leurs caractéristiques, un élément de solidarité interne au régime.

4. Aux termes de l'article 2 de l'annexe III à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, dans sa rédaction applicable au litige, telle qu'issue de l'accord du 25 avril 1996, étendu et élargi par arrêté du 30 août 2002 : " A compter du 1er janvier 1997, toutes les entreprises qui adhèrent à une institution relevant de l'AGIRC doivent verser une contribution exceptionnelle et temporaire (CET), non génératrice de droits, afin de compenser la diminution des cotisations engendrée par la suppression progressive des systèmes de cotisations forfaitaires et garanties et permettre ainsi le financement des droits inscrits au titre de ces systèmes. Cette contribution est assise sur la totalité des rémunérations des salariés relevant du régime des cadres, à partir du 1er euro et dans la limite d'une somme égale à 8 fois le plafond de la Sécurité sociale (...) Le taux applicable aux rémunérations versées chaque année est fixé à 0,35 % jusqu'à l'exercice 2018 inclus. Cette contribution est répartie entre employeur et salarié de la même façon que la cotisation sur la tranche B des rémunérations versée au régime des cadres ; elle doit être versée dans les mêmes conditions que les cotisations contractuelles (...). Il résulte de ces stipulations que la contribution exceptionnelle et temporaire, qui présente un caractère additionnel à la cotisation principale et constitue, compte tenu de son objet et de son faible montant, un élément de solidarité interne au régime, est au nombre des versements qui conditionnent l'ouverture du droit aux prestations du régime et doit être regardée, alors même qu'elle n'est pas prise en compte pour la détermination des points acquis chaque année par les assurés, comme une cotisation sociale pour l'application de l'article 49 septies I de l'annexe III au code général des impôts, incluse dans l'assiette du crédit d'impôt recherche définie à l'article 244 quater B du même code.

5. Il est constant que la société Phone Valley s'est acquittée, au cours des années d'imposition en litige, de la somme totale de 2 831,67 euros au titre de la contribution exceptionnelle et temporaire qu'il y a lieu de réintégrer dans la base de son crédit d'impôt recherche.

En ce qui concerne la prise en compte des dépenses de veille technologique :

6. Aux termes de l'article 49 septies I quater de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application du j du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, la veille technologique s'entend comme un processus de mise à jour permanent ayant pour objectif l'organisation systématique du recueil d'informations sur les acquis scientifiques, techniques et relatifs aux produits, procédés, méthodes et systèmes d'informations afin d'en réduire les opportunités de développement ". Il résulte de ces dispositions que les dépenses de personnel qui sont exposées au titre de la veille technologique organisée pour la réalisation d'opérations de recherche et qui ne sont pas au nombre des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche mentionnées au b du II de l'article 244 quater B précité, sont éligibles au crédit d'impôt recherche dans la limite prévue au j du même II.

7. La société requérante soutient sans être contredite, et justifie par les pièces qu'elle produit, que sa filiale a exposé des dépenses de personnels affectés à la veille technologique éligibles au crédit d'impôt recherche pour des montants de 3 788 euros au titre de l'année 2009 et de 10 338 euros au titre de l'année 2010. Il y a lieu de réintégrer ces dépenses dans la base de son crédit d'impôt recherche.

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :

8. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ".

9. En l'absence, tant devant le tribunal administratif qu'en appel, de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au contribuable au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de la société requérante tendant au paiement de ces intérêts ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Publicis Groupe est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de rétablissement du crédit impôt recherche dont disposait la société Phone Valley, afférent à ses charges de contribution exceptionnelle et temporaire et à ses dépenses de personnel exposées au titre de la veille technologique exposées au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Sur les frais de l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le crédit d'impôt recherche de la société Phone Valley, afférent à ses charges de contribution exceptionnelle et temporaire et à ses dépenses de personnel exposées au titre de la veille technologique exposées au titre des années 2009, 2010 et 2011, est rétabli.

Article 2 : La société Publicis Groupe est déchargée des rappels de crédit d'impôt mis à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011 à concurrence du crédit d'impôt recherche rétabli au bénéfice de sa filiale à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du 19 juin 2017 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Publicis Groupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Publicis Groupe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

La rapporteure,

O. A...Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 21VE01438 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01438
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SELARL ALERION SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-18;21ve01438 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award