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13/10/2022 | FRANCE | N°20VE01593

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 13 octobre 2022, 20VE01593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet de l'Essonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la cour nationale du droit d'asil

e.

Par un jugement n° 1905436 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet de l'Essonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la lecture de la décision de la cour nationale du droit d'asile.

Par un jugement n° 1905436 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juillet 2020, Mme C..., représentée par Me Reghioui, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet de l'Essonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt de la cour sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente de cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de retrait de l'attestation de demande d'asile :

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire garanti par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation individuelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle n'a pas épuisé son droit au séjour en qualité de demandeur d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire garanti par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation individuelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire garanti par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation individuelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante nigériane née le 28 juin 1996, est entrée irrégulièrement sur le territoire français et a sollicité, le 17 janvier 2017, son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 14 février 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 13 février 2019. Le 22 mars 2019, Mme C... a présenté une demande de réexamen, laquelle a fait l'objet d'une décision de rejet pour irrecevabilité par l'OFPRA le 4 avril 2019. Elle a contesté cette décision devant la CNDA le 4 juillet 2019. Par un arrêté en date du 20 juin 2019, le préfet de l'Essonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. Il résulte des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, octroie ou refuse un délai de départ volontaire, fixe le pays à destination duquel il sera reconduit, ainsi que les décisions qui tirent les conséquences du rejet par l'OFPRA de la demande d'asile, au nombre desquelles figurent le retrait de l'attestation de demande d'asile. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre des décisions attaquées.

3. En second lieu, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de Mme C..., ainsi que les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour lui retirer son attestation de demande d'asile, lui faire obligation de quitter le territoire français et fixer le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. En outre, le préfet n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments de fait à raison desquels il a estimé que ces décisions ne méconnaissaient pas les textes qu'il a visés. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions attaquées et permet ainsi à la requérante d'en contester utilement le bien-fondé. Il ressort également de ces éléments qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme C....

Sur la décision de retrait de l'attestation de demande d'asile :

4. Aux termes de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : (...) 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 4° bis Sans préjudice du 4° du présent article, l'office a pris une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 723-11 ".

5. Mme C... soutient qu'elle n'a pas épuisé son droit au séjour en qualité de demandeur d'asile dès lors que la décision de rejet, pour irrecevabilité, de l'OFPRA en date du 4 avril 2019, qui a été contestée devant la CNDA, n'était pas devenue définitive. Il résulte toutefois des dispositions précitées que l'étranger qui, en cas de demande de réexamen, a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA n'est plus en droit de se maintenir sur le territoire français et son attestation de demande d'asile peut lui être retirée. Si la requérante fait valoir, pour la première fois en appel, la naissance de sa fille et l'introduction d'une demande d'asile en son nom, une telle demande doit être regardée comme une demande de réexamen, les démarches engagées par l'intéressée pour obtenir l'asile devant être regardées comme ayant été également engagées au nom de sa fille mineure qui l'accompagne. Dès lors, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'OFPRA ayant rejeté le 4 avril 2019 la demande de réexamen de Mme C... pour irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire français, sans attendre la décision de la CNDA prise sur son recours. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet en ce que Mme C... n'aurait pas épuisé son droit au séjour au regard de l'asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Si Mme C... soutient qu'elle et sa fille mineure risquent l'excision en cas de retour au Nigéria, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, dont la décision a été confirmée par la CNDA, et que sa demande de réexamen a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. Mme C... fait valoir qu'elle a donné naissance à une fille le 27 mai 2018, pour laquelle elle a introduit une demande d'asile le 28 février 2019, qu'elle a noué des liens amicaux en France et appris la langue française. Toutefois, la requérante, qui se déclare célibataire, ne peut se prévaloir que d'une brève durée de séjour en France à la date de la décision attaquée et ne justifie pas d'une intégration particulière sur le territoire français, alors qu'elle ne soutient pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge vingt ans. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 5., l'introduction d'une demande d'asile au nom de sa fille mineure doit être regardée comme une demande de réexamen ne lui donnant, ni à elle-même ni à sa fille, aucun droit au maintien sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C....

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7. du présent arrêt, le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9. du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

Mme Liogier, première conseillère,

M. Lerooy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

D. A...La présidente,

L. Besson-LedeyLa greffière,

C. FourteauLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE01593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01593
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. David LEROOY
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : REGHIOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-13;20ve01593 ?
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