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04/10/2022 | FRANCE | N°20VE03430

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 04 octobre 2022, 20VE03430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2004026 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Harir, avocate, dema

nde à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler le refus de séjour et l'obligation de qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2004026 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Harir, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été soumise pour avis à la commission du titre de séjour ; en s'abstenant de prendre en compte l'ancienneté de son séjour en France, le préfet a commis une erreur de droit ;

- elle porte atteinte à sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en violation des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-14 et L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à la viabilité de son projet professionnel et à la circonstance que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de son fils mineur, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant camerounais né le 2 septembre 1976 à Yaoundé, qui déclare être entré en France le 19 juillet 2006 avec un visa de court séjour, a sollicité le 25 juin 2019 son admission au séjour au titre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 2 juin 2020, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. M. B... relève appel du jugement du 30 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, l'arrêté contesté vise les textes applicables et mentionne les éléments de fait sur lesquels le préfet des Yvelines s'est fondé pour refuser le titre de séjour demandé. Cette décision est par suite suffisamment motivée, alors même qu'elle ne mentionne pas le handicap dont est atteint le fils mineur du requérant, ni sa situation de concubinage au demeurant non avérée, ni la circonstance qu'il aurait créé une société de conseil, et ne comporte pas de précisions quant à son engagement politique au Cameroun. A supposer que le préfet des Yvelines se soit mépris sur l'irrégularité de son entrée en France, son âge à la date à laquelle il a quitté le Cameroun et les attaches familiales conservées dans le pays d'origine en ce que ses parents sont décédés, ces circonstances ne sont pas de nature à révéler que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.

3. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. "

4. M. B... soutient que le préfet des Yvelines aurait dû consulter la commission du titre de séjour eu égard à la durée de sa présence en France supérieure à dix ans. Cependant, si le requérant se prévaut d'une entrée régulière en France en décembre 2006, il ne justifie pas de sa résidence habituelle en France depuis cette date. Il ressort au demeurant des pièces qu'il produit qu'il a exercé l'activité de footballeur professionnel dans l'équipe de Tel Aviv (Israël) jusqu'au 1er août 2007, puis dans le club albanais KS Elbasani jusqu'au 1er juillet 2010. Par ailleurs, la période de son incarcération du 16 avril 2012 au 25 août 2015 ne peut être prise en compte dans le calcul de la durée de sa résidence habituelle en France. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la commission du titre de séjour devait être consultée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " L'article L. 313-14 du même code dispose, en son premier alinéa : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. " Enfin, l'article L. 313-3 de ce code dispose : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été incarcéré à la maison d'arrêt de la Santé du 13 avril 2012 au 25 août 2015 en exécution d'une décision du 21 novembre 2014 de la cour d'assises des Hauts-de-Seine le condamnant à 7 ans d'emprisonnement pour des faits de complicité de vol avec arme et de complicité d'arrestation, enlèvement, séquestration et détention arbitraire suivi d'une libération avant le 7ème jour commis en 2011. Bien qu'il ait purgé sa peine depuis 2017 et qu'il n'ait commis aucun acte répréhensible depuis sa libération, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa présence en France était de nature à constituer une menace pour l'ordre public. L'atteinte portée à la vie privée et familiale de M. B... doit toutefois être proportionnée à ce risque. Or, si M. B... a obtenu un titre de séjour mention " visiteur " de septembre 2007 à septembre 2008, puis des récépissés et deux titres mention " vie privée et familiale " d'octobre 2010 à octobre 2012, l'ancienneté de sa résidence en France ne peut être regardée comme établie, ainsi qu'il a été dit au point 4, qu'à compter de l'année 2010 et sous déduction de ses années d'incarcération. Divorcé et père de trois enfants dont deux majeurs, M. B... ne justifie pas, en se bornant à produire une attestation de l'association Le Val Fleury faisant état de la prise en charge de cet enfant et une attestation de son ex-épouse, contribuer à l'éducation et à l'entretien de son fils mineur C.... Sa situation de concubinage avec une compatriote en situation régulière " depuis près de deux ans " était récente à la date de l'arrêté contesté et M. B..., éducateur bénévole et associé avec ses enfants d'une société en cours de constitution, n'établit pas la réalité de son insertion professionnelle. Enfin, bien que ses parents soient décédés et qu'une partie de sa fratrie réside en France et en Belgique, M. B... ne peut être regardé comme dépourvu d'attaches au Cameroun où il a été sélectionné en équipe nationale. Dans ces conditions, le préfet des Yvelines n'a pas porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de l'intéressé en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. Si M. B... se prévaut de la présence en France de son fils mineur qui présente un handicap moteur, il ne justifie pas de sa contribution à l'entretien de cet enfant, ni de la réalité de ses liens. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines ait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant C....

9. En dernier lieu, le requérant ne se prévaut pas utilement de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des droits d'asile relatives à la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ", dès lors que sa demande de titre de séjour n'a pas été présentée sur ce fondement. Il ne saurait davantage reprocher au préfet des Yvelines de n'avoir pas envisagé la possibilité de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en qualité de salarié, alors qu'il ne justifie d'aucune activité professionnelle, qu'il exerce son activité à l'AS de Louveciennes depuis le 16 août 2018 à titre bénévole et qu'il ne produit que les statuts d'une société de conseil en cours de constitution entre lui et ses deux enfants majeurs.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, le refus de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, le moyen d'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

11. En second lieu, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, une motivation en fait particulière, dès lors que ce refus est lui-même motivé. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 du présent arrêt que le moyen d'insuffisance de motivation manque en fait.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête d'appel en ce qu'elle est dépourvue de critique du jugement, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

O. DORION Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

N° 20VE03430

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03430
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-04;20ve03430 ?
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