La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2022 | FRANCE | N°20VE02697

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 septembre 2022, 20VE02697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1902921 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 octobre 2020 et 25 m

ai 2021, Mme D..., représentée par Me Duplantier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1902921 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 octobre 2020 et 25 mai 2021, Mme D..., représentée par Me Duplantier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 17 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet aurait dû saisir pour avis la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2021, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante ivoirienne née le 20 octobre 1999, est entrée en France le 1er septembre 2015 accompagnée de son père, M. A... D.... Ce dernier a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade, sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 20 avril 2016 pour une durée de trois mois, le 27 décembre 2016 pour une durée de six mois et le 25 septembre 2017 pour une nouvelle durée de trois mois. Devenue majeure, Mme D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour motif de santé, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 juillet 2019, le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduit. Mme D... relève appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Pour refuser à la requérante un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Loiret s'est fondé sur l'avis émis le 12 juin 2019 par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé que si l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme D... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Pour contester l'appréciation du préfet, la requérante fait valoir un certificat médical, établi le 15 février 2019 et adressé à l'OFII par le docteur B..., psychiatre au centre médico-psychologique d'Orléans, faisant état d'une maladie psychiatrique chronique sévère, nécessitant un traitement au long cours et un accueil en institutions adaptées, laquelle est impossible à prendre en charge dans son pays d'origine. Elle produit également un certificat en date du 2 août 2019 du docteur F... l'ayant suivie en Côte d'Ivoire, lequel affirme qu'elle ne peut être prise en charge dans son pays d'origine eu égard à l'insuffisance des infrastructures et à l'indisponibilité de certains médicaments qui lui sont prescrits, ainsi qu'un contrat de soins en date du 6 septembre 2019, dans le cadre de sa prise en charge par un centre thérapeutique. Enfin, elle se prévaut, pour la première fois en appel, d'un bulletin de situation daté du 6 octobre 2020 attestant de sa prise en charge dans un établissement public de santé mentale. La requérante soutient qu'aucune des spécialités qui composent son traitement n'apparaît sur la liste nationale des médicaments essentiels de la Côte d'Ivoire. Cependant, et alors que le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'absence de traitement ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante ne démontre pas, par les documents qu'elle produit, l'existence de telles conséquences en l'absence de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le préfet a pu estimer, sans commettre ni erreur de droit ni erreur d'erreur d'appréciation, que la requérante ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

6. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme D... ne remplissait pas effectivement les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme D... fait valoir qu'elle n'a plus de contact avec sa mère et que son père, qui est sa seule attache familiale, réside en France et a un projet de mariage avec une compagne de nationalité française. Elle produit, en appel, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " délivrée à son père le 5 mars 2021 pour une durée d'un an. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, la requérante est majeure et réside en France depuis moins de 4 années. A cette même date, son père, M. A... D..., est en situation irrégulière sur le territoire français. Si ce dernier a obtenu, postérieurement à l'arrêté attaqué, un titre de séjour, au demeurant sans lien avec le motif de santé invoqué, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée. Mme D..., qui est par ailleurs célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas d'une intégration particulière sur le territoire français, alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside sa mère, selon ses propres déclarations. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence en France et des conditions de son séjour à la date de l'arrêté en litige, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ni entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la vie privée et familiale de la requérante.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre séjour prise à l'encontre de la requérante doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Olson, président de la cour,

Mme Besson-Ledey, présidente,

M. Lerooy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

Le rapporteur,

D. C...Le président,

T. Olson

La greffière,

A. Audrain-FoulonLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE02697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02697
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. David LEROOY
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-29;20ve02697 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award