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29/09/2022 | FRANCE | N°20VE01141

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 29 septembre 2022, 20VE01141


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1708493 du 7 février 2020, le tribunal, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement d'un montant de 33 485 euros prononcé par la directrice départementale des finances pu

bliques du Val-d'Oise le 20 février 2018, a rejeté le surplus de leur demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1708493 du 7 février 2020, le tribunal, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement d'un montant de 33 485 euros prononcé par la directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise le 20 février 2018, a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Creac'h, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors qu'en rayant la mention pré-imprimée relative à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration les a privés de cette garantie, alors même qu'un désaccord persistait sur les rehaussements auxquels ils ont été assujettis ; cette possibilité leur était offerte, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dès lors que l'activité de M. B... ne relevait pas de la catégorie des bénéfices industriels de commerciaux mais partiellement de celle des bénéfices non commerciaux prévus à l'article 92 du code général des impôts ;

- l'administration ne pouvait pas régulièrement mettre en œuvre la procédure de taxation d'office sans les inviter à souscrire une déclaration catégorielle de bénéfices non commerciaux, conformément aux dispositions de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification est entachée d'un défaut de motivation au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les sommes non identifiées ayant été qualifiées à tort et sans distinction de bénéfices industriels et commerciaux ;

- la méthode de reconstitution des bénéfices est radicalement viciée, en l'absence de prise en compte de charges, en dépit de tout réalisme économique.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 22 945 euros accordé le 20 octobre 2020 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteure publique

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un examen de leur situation fiscale personnelle, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes au titre des années 2008 et 2009 selon la procédure contradictoire en ce qui concerne leur revenu global et selon la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux. M. et Mme B... font appel du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement d'un montant de 33 485 euros prononcé par la directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise le 20 février 2018, a rejeté le surplus de leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 20 octobre 2020, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, d'un montant global de

22 945 euros au titre de l'impôt sur le revenu des années 2008 et 2009, résultant de la prise en compte, pour le calcul du montant du bénéfice industriel et commercial, d'un montant de charges évalué à 70% du chiffre d'affaires. Les conclusions de la requête de M. et Mme B... sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

Sur le principe de l'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et la régularité de la procédure d'imposition d'office :

3. D'une part, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. / (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". L'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige, prévoit que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 169 de ce livre, dans sa rédaction applicable : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

5. L'administration fiscale a constaté, au vu des renseignements obtenus dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de plusieurs établissements bancaires, de la vérification de comptabilité de l'EURL Delco dont M. B... était gérant et associé unique, ainsi que des déclarations de l'intéressé lui-même, que ce dernier, d'une part, a perçu des sommes en provenance de la société Delco, notamment des chèques émanant de clients de la société encaissés sur les comptes personnels, constitutifs de revenus distribués imposés selon la procédure contradictoire et, d'autre part, a retiré d'une activité occulte de travaux de bâtiment sans facturation, pour laquelle il ne s'était pas fait connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises ni n'avait déposé de déclaration de revenus, des revenus qu'elle a imposés selon la procédure d'évaluation d'office dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

6. Pour contester l'imposition des revenus évalués d'office dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, seuls en litige, M. B..., qui ne nie pas l'existence d'activités occultes, fait valoir qu'il a indiqué au service vérificateur, lors du contrôle, exercer trois activités non déclarées, de travaux de bâtiment, de ventes de véhicules d'occasion et de perception de fonds pour des tierces personnes constitutive d'une participation à un circuit de blanchiment, lesquelles auraient dû faire l'objet d'impositions distinctes, cette dernière activité relevant des bénéfices non commerciaux et non des bénéfices industriels et commerciaux. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 31 mai 2011 et de la réponse aux observations du contribuable, que le service n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, retenu au titre du bénéfice industriel et commercial occulte l'activité de circuit de blanchiment, dont l'existence a au demeurant été réfutée par le contribuable dans le cadre du débat oral et contradictoire, mais exclusivement les activités de travaux de bâtiment. En outre, l'administration fiscale fait valoir sans être contestée que l'examen des relevés bancaires n'a d'ailleurs pas permis de relier des opérations de débits et crédits suivant un rapprochement de date, de montant et de nature, permettant de l'inscrire dans un circuit de blanchiment d'argent. Dans ces conditions, le service a pu, en l'absence de toute autre explication ou justification, rattacher ces revenus, non formellement identifiés par l'intéressé comme provenant de la société Delco, à l'activité individuelle non déclarée de travaux de bâtiment relevant des bénéfices industriels et commerciaux au sens de l'article 34 du code général des impôts, et dont l'intéressé s'est lui-même prévalu. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de qualification des revenus catégoriels perçus ne peut qu'être écarté.

7. Il s'ensuit que M. B..., qui n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations de résultats qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, et qui ne soutient pas qu'il a commis une erreur justifiant cette omission, n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait régulièrement mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux sans procéder à l'envoi préalable d'une mise en demeure conformément à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales. En outre, et ainsi qu'il a été dit au point 6., en l'absence de crédits devant être taxés en bénéfices non commerciaux, le moyen tiré de ce que l'administration aurait dû les mettre en demeure de déposer préalablement la déclaration correspondante est inopérant.

8. M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir qu'en rayant, dans sa réponse aux observations du contribuable, la mention pré-imprimée relative à la faculté de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration fiscale l'aurait privé de la garantie prévue par l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, entachant de ce fait d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à son égard, dans la mesure où cette commission n'est pas compétente pour se prononcer à l'occasion d'une procédure de taxation d'office, hors le cas prévu à l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, ni en matière de revenus de capitaux mobiliers, non contestés en l'espèce.

9. Enfin, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ".

10. M. B..., dont le bénéfice industriel et commercial des années 2008 et 2009 a été imposé selon la procédure d'évaluation d'office, ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire ne lui étaient pas applicables. Au demeurant, il ressort de l'examen de la proposition de rectification du 31 mai 2011 que celle-ci détaillait avec une précision suffisante les bases et éléments ayant servi au calcul de l'imposition d'office et les modalités de détermination du bénéfice taxable au titre de l'activité occulte de travaux de bâtiment, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales. Par suite, et alors au surplus que sa régularité ne dépend pas du bien-fondé des motifs, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification était insuffisamment motivée s'agissant des sommes taxées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ne peut qu'être écarté.

Sur le bénéfice établi selon la procédure d'évaluation d'office :

11. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Les impositions mises à la charge de M. et Mme B... ayant été établies à l'issue de la mise en œuvre de la procédure d'évaluation prévue par l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, il leur appartient d'en établir le caractère exagéré.

12. En l'absence de production de tout justificatif, l'administration fiscale a, en cours d'instance, appliqué, par souci de réalisme économique, aux recettes dégagées de l'activité occulte de M. B... un pourcentage de charges de 70 % et a, en conséquence, prononcé le dégrèvement mentionné au point 2. Les appelants n'établissent ni même n'allèguent que cette prise en compte serait insuffisante ni ne proposent aucune autre méthode circonstanciée d'évaluation alternative des charges et ne justifient pas davantage d'un montant de charges supérieur à celui retenu par l'administration. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la méthode de reconstitution des bénéfices est radicalement viciée, en l'absence de prise en compte de charges.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais de l'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que M. et Mme B... demandent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B... à hauteur du dégrèvement d'un montant de 22 945 euros accordé le 20 octobre 2020.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

I. C...La présidente,

L. Besson-LedeyLa greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE01141


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01141
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Établissement de l'impôt. - Taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: Mme DEROC
Avocat(s) : CREAC'H

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-29;20ve01141 ?
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