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08/07/2022 | FRANCE | N°21VE00162

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 juillet 2022, 21VE00162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 juin 2019 par laquelle la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire a décidé d'exercer le droit de préemption sur une parcelle cadastrée AS n° 87, située 114 avenue du Général de Gaulle à Olivet.

Par un jugement n° 1903035 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et enjoint à la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire de proposer à M. et Mme C... d'acquérir le bien préempté et

, en cas de refus de leur part, de faire la même proposition à la SARL Podio en sa qualit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 juin 2019 par laquelle la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire a décidé d'exercer le droit de préemption sur une parcelle cadastrée AS n° 87, située 114 avenue du Général de Gaulle à Olivet.

Par un jugement n° 1903035 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et enjoint à la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire de proposer à M. et Mme C... d'acquérir le bien préempté et, en cas de refus de leur part, de faire la même proposition à la SARL Podio en sa qualité d'acquéreur évincé aux prix et conditions figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2021, la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire représentée par Me Boullay, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M. et Mme C... ;

3° de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SA d'HLM 3F Centre Val de Loire soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les statuts de la société définissent un objet extrêmement large en matière d'acquisition ou de réalisation de logements qui comprend nécessairement l'exercice du droit de préemption ;

- l'exercice de ce droit a été délégué à la directrice générale de la SA d'HLM par la délibération du conseil d'administration du 19 janvier 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Gally, avocate, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boullay pour la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire, et de Me Gally pour M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. La SA d'HLM 3F Centre Val de Loire fait appel du jugement du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision de sa directrice générale d'exercer le droit de préemption sur le bien cadastré AS n°87 situé 114 avenue du Général de Gaulle à Olivet.

2. Le préfet du Loiret a, par un arrêté du 20 décembre 2017, prononcé la carence de la commune d'Olivet au regard des objectifs de construction de logements sociaux qui lui ont été assignés par la loi de solidarité et de renouvellement urbain et transféré l'exercice du droit de préemption urbain de la commune au représentant de l'Etat dans le département. Par un arrêté du 6 juin 2019, le préfet du Loiret a délégué à la SA d'HLM 3F l'exercice du droit de préemption sur le bien objet du présent litige. La directrice générale de cette société a signé la décision exerçant le droit de préemption sur le bien immobilier appartenant à M. et Mme C... le 26 juin 2019.

3. Par une délibération du 19 janvier 2018, le conseil d'administration de la SA d'HLM 3F a procédé à la nomination de Mme A... en qualité de directrice générale et indiqué que celle-ci disposera de tous les pouvoirs que la loi et les statuts de la société confient à sa directrice générale. Il résulte de l'article 3 des statuts de la société qui définit son objet social que celle-ci " réalise pour son compte ou pour le compte de tiers (...) toutes les interventions foncières (...) ". En application de ces dispositions, la directrice générale de la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire doit être regardée comme ayant reçu compétence pour exercer, y compris pour le compte de tiers, l'exercice du droit de préemption urbain. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision litigieuse signée par sa directrice générale avait été prise par une autorité incompétente.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme C... devant le tribunal administratif d'Orléans.

5. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière (...). / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. Le notaire la transmet aux titulaires de droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage, aux personnes bénéficiaires de servitudes, aux fermiers et aux locataires mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret (...) ". Aux termes de l'article D. 213-13-4 du même code : " La demande de la visite du bien visée à l'article D. 213-13-1 indique les références de la déclaration prévue à l'article L. 213-2. Cette demande reproduit, en caractères apparents, les dispositions de l'article L. 213-2 et celles des articles D. 213-13-2 et D. 213-13-3. Elle mentionne le nom et les coordonnées de la ou des personnes que le propriétaire, son mandataire ou le notaire peut contacter pour déterminer les modalités de la visite. Elle indique que la visite doit être faite en présence du propriétaire ou de son représentant et du titulaire du droit de préemption ou de la personne mandatée par ce dernier. ". Aux termes de l'article D. 213-13-2 du même code : " L'acceptation de la visite par le propriétaire est écrite. / Elle est notifiée au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. / La visite du bien se déroule dans le délai de quinze jours calendaires à compter de la date de la réception de l'acceptation de la visite, en dehors des samedis, dimanches et jours fériés. / Le propriétaire, son mandataire ou le notaire est tenu d'informer de l'acceptation de la visite les occupants de l'immeuble mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. / Un constat contradictoire précisant la date de visite et les noms et qualité des personnes présentes est établi le jour de la visite et signé par le propriétaire ou son représentant et par le titulaire du droit de préemption ou une personne mandatée par ce dernier. / L'absence de visite dans le délai prévu au troisième alinéa vaut soit refus de visite, soit renonciation à la demande de visite. Dans ce cas, le délai suspendu en application du quatrième alinéa de l'article L. 213-2 reprend son cours. ".

6. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, le cas échéant prorogé par une demande unique de communication de documents ou une demande de visite du bien, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, le cas échéant prorogé, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé, ou à son mandataire, et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé, ou son mandataire, et par le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, éventuellement prorogé, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Loiret a reçu communication le 15 mars 2019 de la déclaration d'intention d'aliéner souscrite par M. et Mme C..., déposée le même jour à la mairie d'Olivet. Le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme a été interrompu le 7 mai 2019, date de réception par M. et Mme C... de la demande de visite qui leur a été adressée par le préfet du Loiret. A supposer que cette visite n'ait pas été effectuée le 27 mai 2019, mais comme le mentionne le procès-verbal le 27 juin 2019, le délai imparti au détenteur du droit de préemption a recommencé de courir le 5 juin 2019 pour une durée d'un mois. Par suite, la décision litigieuse intervenu le 26 juin 2019 ne peut être considérée comme tardive au regard des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme.

8. En second lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du service des domaines, invoqué de manière purement hypothétique, ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, il résulte de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant. Le juge de l'excès de pouvoir vérifie si le projet d'action ou d'opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit.

10. Il n'est pas établi que le projet de logements sociaux, portant sur la construction d'appartements T3 qui ne pourraient avoir qu'une surface de 57,6 m2, alors que ce type de logements nécessiteraient une surface de 60 m2, aurait un caractère irréaliste. Il n'est pas davantage démontré que le projet poursuivi par la SA d'HLM 3F serait dépourvu d'intérêt général du seul fait que l'opérateur auxquels ils envisageaient de vendre leur bien aurait pu lui aussi construire des logements sociaux. Enfin, la légalité d'une décision de préemption s'appréciant à la date à laquelle elle intervient, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que la situation de carence dans laquelle se trouvait la commune d'Olivet à cette date, qui a fondé le transfert au représentant de l'Etat de l'exercice du droit de préemption, ne serait plus la même à la date du présent arrêt. Ainsi, M. et Mme C... ne peuvent être regardés comme démontrant l'absence d'intérêt général du projet de construction de logements sociaux poursuivi par l'auteur de la décision litigieuse.

11. En quatrième lieu, le caractère insuffisant ou excessif du prix auquel le titulaire du droit de préemption se propose d'acquérir le bien préempté est sans incidence sur la légalité de la décision de préemption.

12. Enfin, le détournement de pouvoir allégué du fait de l'insuffisance du prix auquel le bien litigieux a été préempté, qui démontrerait la volonté de la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire d'acquérir à bas prix un patrimoine foncier, n'est pas démontré en l'espèce.

13. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. et Mme C... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans doit être rejetée. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans n°1903035 du 24 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme C... verseront à la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA d'HLM 3F Centre Val de Loire, à M. et Mme C... et à la société Podio.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Colrat, première conseillère,

M. Frémont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

La rapporteure,

S. B...Le président,

B. EVEN

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00162
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : BOULLAY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-08;21ve00162 ?
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