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08/07/2022 | FRANCE | N°20VE01164

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 08 juillet 2022, 20VE01164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 27septembre 2019 par lequel le ministre de la transition écologique et solidaire a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par une ordonnance n° 1909679 du 27 février 2020, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles a donné acte du désistement de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2020, M. C..., représenté par

Me Claeys, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° d'annuler cet arrê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 27septembre 2019 par lequel le ministre de la transition écologique et solidaire a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par une ordonnance n° 1909679 du 27 février 2020, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles a donné acte du désistement de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2020, M. C..., représenté par Me Claeys, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler cette ordonnance ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de le réintégrer dans ses fonctions et de lui verser l'intégralité des traitements non versés pendant la période d'éviction, déduction faite des sommes qu'il aurait perçues ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- il a saisi le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat dans le délai d'appel à l'encontre de l'ordonnance par laquelle son recours en référé a été rejeté ;

- il a saisi le Conseil d'Etat dans le délai de recours de l'ordonnance du juge des référés du 20 décembre 2019 alors même que la notification de l'ordonnance attaquée ne mentionnait pas l'obligation de faire connaître à la juridiction son intention de maintenir sa demande dans le délai de quatre mois, et c'est donc à tort que le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles l'a regardé comme s'étant désisté de sa demande en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative ;

- aucun des motifs retenus pour prononcer son licenciement n'est fondé ;

- il a été victime de discrimination et de harcèlement dès son arrivée de la part de sa cheffe d'unité ;

- Mme A..., sa supérieure hiérarchique, ne lui a pas fourni de modèles permettant d'exercer ses tâches ;

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir mené à bien sa mission concernant l'organisation des élections professionnelles alors que cette mission a été attribuée à l'assistant logistique ;

- il démontre avoir demandé à acheter du matériel pour la sécurisation d'un local au Bourget alors qu'il n'était pas formé pour ce type de tâche ;

- il n'a pas eu de difficultés avec les intervenants extérieurs ;

- il n'éprouve pas de difficultés de communication à l'oral comme à l'écrit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- et les observations de Me Claeys pour M. C....

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / 1' donner acte des désistements ; (.. ) ". Aux termes l'article R. 612-5-2 du même code : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté. ". Enfin, aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Ce dernier délai est interrompu lorsque le recours prévu à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 est régulièrement formé par l'intéressé. (...) Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a, par une requête enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Montreuil le 27 novembre 2019, demandé au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre la décision du 27 novembre 2019 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 20 septembre 2019. Par une ordonnance du 20 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en se fondant sur l'absence de doute sérieux quant à la légalité de ce licenciement. Par l'ordonnance attaquée du 27 février 2020, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles a jugé, en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, que M. C... est réputé s'être désisté de sa demande, faute de confirmation de sa part du maintien de sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référés.

3. Il ressort des pièces produites par M. C... que celui-ci a saisi le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat le 26 décembre 2019 d'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en cassation contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 20 décembre 2019 et a fait appel le 5 février 2020 de la décision rendue par le bureau d'aide juridictionnelle le 22 janvier 2020. Cet appel est, en application de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 précité, interruptif du délai de pourvoi en cassation. Dès lors, en omettant de prendre en considération la demande d'aide juridictionnelle et le recours formé auprès du président de la section du contentieux, la présidente de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles a entaché son ordonnance d'une irrégularité et M. C... est fondé à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par C... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la légalité de l'arrêté de la ministre de la transition écologique et solidaire du 27 septembre 2019 portant licenciement pour insuffisance professionnelle de M. C... :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du même décret : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury ".

6. M. C... a été recruté le 13 septembre 2018 dans le cadre des emplois réservés en qualité de stagiaire en vue d'être titularisé dans le corps des techniciens du développement durable. Il a été affecté dans un emploi de responsable logistique et technicien informatique au Centre d'études et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) du ministère de la transition écologique.

7. Il ressort du compte rendu de stage rédigé par deux responsables hiérarchiques de M. C... que celui-ci s'est trouvé dans l'incapacité de mener à bien les missions et remplir les tâches qui lui ont été assignées du fait, notamment, de compétences insuffisantes en matière d'expression écrite et orale et en matière d'analyse des systèmes informatiques. Il est également fait état des difficultés relationnelles de M. C..., tant au sein de son service qu'avec ses interlocuteurs extérieurs, attestées par des courriers électroniques émanant de tiers au service, d'une forme d'insubordination et d'une incapacité à se situer au sein d'une chaîne hiérarchique. Il est ainsi établi que l'intéressé n'a pas fait la preuve des compétences requises pour occuper les fonctions auxquelles il était appelé en cas de titularisation, indépendamment de besoins de formation dont il ne précise pas la nature et ne justifie pas qu'ils auraient fait l'objet de refus de la part de sa hiérarchie. En outre, l'insuffisance alléguée de l'encadrement dont il a bénéficié de la part sa supérieure hiérarchique ou du binôme qui lui a été adjoint n'est pas établie. Par suite, M. C... ne peut être regardé comme établissant l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dont son licenciement pour insuffisance professionnelle serait entaché.

8. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version en vigueur à la date des décisions attaquées : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa (...) / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ".

9. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. En se bornant à soutenir qu'il aurait été victime de harcèlement et de discriminations, sans fournir à l'appui de ses allégations aucune précision autre que celles mentionnées à l'appui de la contestation des insuffisances justifiées dans sa manière de servir relevées par ses supérieurs hiérarchiques, M. C... ne soumet à la cour aucun élément de fait susceptible de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ou de telles discriminations.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. C... doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles n° 1909679 du 27 février 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ses conclusions aux fins d'injonction sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Colrat, première conseillère,

M. Frémont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

La rapporteure,

S. B...Le président,

B. EVENLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE01164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01164
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement. - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : CLAEYS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-08;20ve01164 ?
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