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08/07/2022 | FRANCE | N°20VE00357

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 08 juillet 2022, 20VE00357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur le recours gracieux qu'elle a formé le 7 juillet 2018 à l'encontre de la décision du 7 juin 2018 par laquelle le préfet a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au bénéfice de sa fille A... E... ;

Par un jugement n° 1811343 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.r>
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur le recours gracieux qu'elle a formé le 7 juillet 2018 à l'encontre de la décision du 7 juin 2018 par laquelle le préfet a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au bénéfice de sa fille A... E... ;

Par un jugement n° 1811343 du 2 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 31 janvier et 17 juin 2020, Mme C..., représentée par Rochiccioli, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 7 juin 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'autoriser le regroupement familial, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de son pouvoir de régularisation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision du 7 juin 2018 est dument motivée ; l'erreur sur la date d'entrée sur le territoire est imputable à la requérante qui n'a pas justifié de sa présence en 2009 ; le montant des ressources a été calculé selon les documents qu'elle a fournis dans sa demande ;

- le préfet n'est pas lié par une insuffisance de ressources, il conserve son pouvoir d'appréciation ; en l'espèce la requérante vit depuis 2011 sans sa fille ;

- il a pu à bon droit rejeter la demande de regroupement familial compte tenu de l'insuffisance des ressources ;

- il s'est également fondé sur le fait que la requérante vit depuis 2011 éloignée de sa fille et n'établit pas l'impossibilité de lui rendre visite.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante béninoise née le 26 juin 1977 à Cotonou, est titulaire d'une carte de résident et vit avec son fils F... C..., né le 20 septembre 2010 à Montreuil. Le 9 août 2017, elle a sollicité le bénéfice du regroupement familial en faveur de sa fille A... E..., de nationalité béninoise, née le 24 avril 2000 à Cotonou. Par une décision du 7 juin 2018 le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Seine-Saint-Denis sur le recours gracieux qu'elle a formé le 7 juillet 2018 à l'encontre de la décision du 7 juin 2018. Le tribunal administratif a considéré que Mme C... devait être regardée comme demandant également l'annulation de cette dernière décision. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation.

3. En deuxième lieu, si Mme C... soutient que la décision est entachée de deux erreurs matérielles sur le montant moyen de ses ressources et sur sa date d'entrée en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient sans être contesté que le montant moyen de ses ressources au cours de l'année précédant sa demande de regroupement familial a été calculé sur la base des documents qu'elle a fournis lors de sa demande d'autorisation de regroupement familial et qu'elle n'a fourni aucun élément de nature à entériner sa date d'entrée sur le territoire alléguée en 2009, la date de dépôt de sa demande de titre de séjour le 15 mars 2011 constituant le document le plus ancien. Par suite, les erreurs matérielles alléguées ne révèlent, contrairement à ce que soutient la requérante, aucun défaut d'examen sérieux de sa demande.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième.. (...) ". Et l'article R. 411-4 de ce même code dans sa version applicable dispose : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...). ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

6. Mme C... soutient que si ses ressources mensuelles constituées de salaires et d'allocation d'aide au retour à l'emploi s'élevaient à un montant inférieur à celui du salaire minimum interprofessionnel de croissance brut, ses ressources ont augmenté depuis et que sa situation s'est stabilisée grâce à une formation d'aide-soignante sanctionnée par un diplôme obtenu en juillet 2018 et au contrat à durée indéterminée signé en octobre 2018 pour un salaire mensuel brut de 1 632 euros. Toutefois, ces éléments postérieurs à la décision attaquée ne pouvaient être pris en compte par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, en refusant d'autoriser le regroupement familial demandé le 9 août 2017, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions précitées et n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. Mme C... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2009, qu'elle est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 13 novembre 2024, qu'elle justifie désormais, d'une activité professionnelle et de ressources stables et suffisantes, qu'elle vit avec son fils né en France en 2010, que sa mère qui s'occupait de sa fille restée au Bénin est décédée en 2016. Il résulte toutefois des pièces du dossier que Mme C... vit séparée de sa fille depuis qu'elle est entrée en France, selon ses dires, en 2009, et n'établit pas que sa fille, âgée de dix-sept ans à la date de la décision attaquée serait isolée au Bénin. En l'absence de circonstances particulières, Mme C... n'est ainsi pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 juin 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

La rapporteure,

A-C. B...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE00357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00357
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-08;20ve00357 ?
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