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08/07/2022 | FRANCE | N°19VE01976

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 08 juillet 2022, 19VE01976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 décembre 2017 par laquelle la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a autorisé l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à importer une lignée de cellules embryonnaires à des fins de recherche en provenance du Wicell Research Institute (USA, lignée H1).

Par un jugement n° 1803434 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 mai 2019 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 décembre 2017 par laquelle la directrice générale de l'Agence de la biomédecine a autorisé l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à importer une lignée de cellules embryonnaires à des fins de recherche en provenance du Wicell Research Institute (USA, lignée H1).

Par un jugement n° 1803434 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 mai 2019 et 30 juillet 2020, la Fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Hourdin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2019 ainsi que la décision de l'Agence de la biomédecine du 20 décembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence biomédecine une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision méconnaît les articles R. 2151-15 et R. 2151-16 du code de la santé publique dès lors qu'elle doit mentionner les informations prévues par l'article R. 2151-16, or elle ne mentionne pas l'adresse de l'organisme fournisseur ;

- l'article R. 2151-16 exige que l'Agence de la biomédecine vérifie les informations figurant sur le conditionnement de la lignée de cellules importées ;

- l'Agence de la biomédecine n'a pu vérifier la réalité et la complétude du consentement donné par le couple géniteur en n'exigeant pas la production du formulaire de recueil du consentement anonymisé, en méconnaissance de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique ;

- la décision méconnaît les articles L. 2151-6, R. 2151-13 du code de la santé publique, et les articles 16 à 16-8 du code civil, en n'examinant pas l'absence de paiement du couple donneur, mais également les principes de primauté et de dignité de la personne, de l'inviolabilité du corps humain, du respect de son intégrité ;

- la décision méconnaît l'article 18-1 de la convention d'Oviedo.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 13 septembre 2019 et 3 septembre 2020, l'Agence de la biomédecine, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions des articles R. 2151-15 et R. 2151-16 du code de la santé publique n'imposent pas à peine de nullité que l'adresse du fournisseur de cellules souches embryonnaires humaines figure dans la décision d'autorisation d'importation ; les coordonnées du fournisseur sont mentionnées dans le dossier de demande d'autorisation ; et en l'espèce l'organisme fournisseur est suffisamment identifié car mondialement connu ;

- les dispositions de l'article R. 2151-16 s'appliquent au conditionnement extérieur des cellules importées et non à la décision d'autorisation d'importation ; l'organisme demandeur a veillé à ce que les informations requises soient apposées sur le conditionnement extérieur ;

- les règles applicables en matière de vérification du consentement sont celles fixées par le droit applicable au couple donneur ; elle n'a pas à vérifier le recueil effectif du consentement ; le dossier d'instruction de la demande a permis de vérifier l'existence du consentement du couple et le respect des principes éthiques ; en effet le dossier comporte plusieurs attestations de l'organisme fournisseur et la lignée de cellules en cause est inscrite au registre du National Institue of Health (NIH) ; l'absence de paiement a été relevée dans les rapports d'instruction de la demande ;

- la convention d'Oviedo est dépourvue d'effet direct en droit interne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine signée à Oviedo le 4 avril 1997 ;

- le code de la santé publique ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- les observations de Me Hourdin pour la Fondation Jérôme Lejeune et celles de Me Croizier pour l'Agence de la biomédecine.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 20 décembre 2017, publiée au Journal officiel de la République française le 10 février 2018, l'Agence de la biomédecine a autorisé, en application des dispositions de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 1190) à importer une lignée du Wicell Research Institute (USA, lignée H1) destinée à des recherches ayant pour finalité l'étude de la production in vitro d'ilots de Langerhans (cellules ß, a, d) humains pour la recherche. La Fondation Jérôme Lejeune relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 2151-15 du code de la santé publique dans sa version applicable : " Le directeur général de l'Agence de la biomédecine autorise l'importation et l'exportation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche, après avis du conseil d'orientation. Cette autorisation est valable pour une durée de deux ans./Cette autorisation est délivrée pour chaque opération envisagée et comporte les informations mentionnées à l'article R. 2151-16. ". Aux termes de l'article R. 2151-16 du même code : " Toute opération d'importation ou d'exportation à des fins de recherche, à l'exclusion du transit et de l'emprunt du territoire douanier à l'occasion d'un transfert entre deux autres Etats membres de l'Union européenne, de cellules souches embryonnaires est subordonnée à l'apposition sur le conditionnement extérieur des informations suivantes : 1° La mention "cellules souches embryonnaires" ; 2° La désignation des cellules concernées ; 3° L'usage auquel ces cellules sont destinées ; 4° Pour l'importation, le nom et l'adresse de l'organisme étranger fournisseur, de l'organisme autorisé à importer et du destinataire ; 5° Pour l'exportation le nom et l'adresse de l'organisme autorisé à exporter et du destinataire. ".

3. La requérante soutient que la décision attaquée indique autoriser l'institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 1190) à importer à des fins de recherche d'une lignée de cellules embryonnaires de Wicell Research Institute (USA), sans indiquer l'adresse de cet organisme étranger fournisseur en méconnaissance des dispositions précitées. Si l'Agence de la biomédecine soutient que ces dispositions n'imposent pas à peine de nullité que cette adresse figure expressément dans la décision d'autorisation dès lors qu'elle est formellement enregistrée dans l'une ou l'autre des pièces du dossier d'autorisation d'importation, il ne ressort toutefois d'aucune pièce de ce dossier que l'adresse de cet organisme y figurerait, la mention " Madison, Wisconsin " ne constituant pas une adresse. Si l'Agence de la biomédecine fait également valoir que cet organisme est mondialement connu, elle n'établit pas qu'il en serait de même pour son adresse ainsi qu'elle l'allègue, ni qu'il ne disposerait que d'une seule adresse. Par suite, la décision du 20 décembre 2017 autorisant l'importation d'une lignée de cellules embryonnaire sans indiquer l'adresse de l'organisme étranger fournisseur permettant de localiser la provenance des cellules embryonnaires est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées.

4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que la Fondation Jérôme Lejeune est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la requérante qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine le versement d'une somme de 1 500 euros à ce titre à la requérante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1803434 du 28 mars 2019 du tribunal administratif de Montreuil et la décision de l'Agence de la biomédecine du 20 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : L'Agence de la biomédecine versera à la Fondation Jérôme Lejeune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Agence de la biomédecine au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Fondation Jérôme Lejeune, à l'Agence de la biomédecine et à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.

La rapporteure,

A-C. A...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

V. MALAGOLILa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 19VE01976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01976
Date de la décision : 08/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : HOURDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-08;19ve01976 ?
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