Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser la somme totale de 755 760,73 euros en réparation des préjudices liés à l'aggravation de son état de santé résultant de l'intervention chirurgicale du 16 octobre 2002.
Par un jugement n° 1605731 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Versailles à verser au requérant la somme de 33 789,82 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir la somme de 7 134,42 euros et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 6 décembre 2018 et 13 mai 2019, M. C..., représenté par Me Thiebaud, avocat, demande à la cour :
1° de réformer le jugement ;
2° de condamner le centre hospitalier de Versailles et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser, en réparation de ses préjudices, 755 760,73 euros ;
3° de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles et de la SHAM les dépens ;
4° de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles et de la SHAM la somme de 4 000 euros en application du L.716-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les sommes qui lui ont été accordées par les premiers juges sont insuffisantes à réparer les préjudices subis.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 15 avril et 28 mai 2019, le centre hospitalier de Versailles, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour de rejeter la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute de comporter des moyens d'appel ;
- à titre subsidiaire, les préjudices ont été suffisamment réparés par les premiers juges.
L'ensemble de la procédure a été communiqué à caisse primaire d'assurances maladie d'Eure-et-Loir, qui n'a pas présenté de conclusions dans l'instance.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance en date du 16 septembre 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Versailles a ordonné une expertise et désigné le docteur A... en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 21 novembre 2014 ;
- l'ordonnance en date du 22 avril 2015 par laquelle le président du tribunal administratif de Versailles a taxé les frais d'expertise du Dr A... à la somme de 600 euros.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Grosshlz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., né le 23 février 1983, a subi, le 16 octobre 2002, une ablation de l'appendice au centre hospitalier de Versailles au cours de laquelle son artère et sa veine iliaques droites ont été sectionnées. Il a été indemnisé par l'assureur de l'hôpital des préjudices en résultant par un protocole transactionnel signé le 20 septembre 2005. Le 7 février 2008, une sténose subocclusive de l'artère iliaque externe droite a été diagnostiquée dont il a été opéré entre les 9 et 13 mars 2008 à la clinique Saint-François de Chartres par un pontage croisé fémoro-fémoral. Par jugement du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Versailles, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à verser à M. C... la somme de 33 789,82 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé, et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir la somme de 7 134,42 euros. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Versailles :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ". La requête présentée pour M. C... ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance mais énonce la critique adressée au jugement attaqué, tenant à ce que celui-ci n'aurait pas suffisamment réparé ses préjudices, et indique de façon suffisamment précise les raisons pour lesquelles M. C... s'estime fondé à rechercher la condamnation du centre hospitalier de Versailles à lui verser les montants qu'il demande. La requête répondant ainsi aux conditions posées par l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative, la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier de Versailles doit être écartée.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
3. M. C... ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance de la réalité des dépenses de santé qui seraient restées à sa charge en se bornant à évoquer deux factures d'honoraires sans produire ces factures ni les décomptes de remboursement effectués par l'assurance maladie. L'indemnisation qu'il demande à ce titre ne peut donc qu'être rejetée.
4.Concernant les pertes de gains professionnels pour la période du 26 février 2008 au 20 avril 2008, il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention qu'il a subie le 7 février 2008, M. C... a été placé en arrêt de travail du 26 février au 20 avril 2008 sans percevoir d'indemnités journalières au titre de cette période. Il est donc fondé à demander à être indemnisé des pertes de salaires en résultant. Compte tenu des bulletins de salaire produits par le requérant, il convient de confirmer l'indemnité de 2139,82 euros allouée par les premiers juges pour la période en cause.
S'agissant des préjudices patrimoniaux définitifs :
5. M. C... ne justifie pas de la réalité des dépenses de santé futures dont il demande le remboursement dès lors qu'il n'établit pas que celles relatives à son traitement par kardegic 160 et à la réalisation d'un écho-doppler artériel annuel resteraient à sa charge, d'une part et que celles relatives à la possible reprise chirurgicale du pontage artériel tous les 10 à 20 ans ne présentent pas un caractère certain, de l'autre. L'indemnisation qu'il demande à ce titre ne peut qu'être rejetée.
6. Concernant le préjudice professionnel et la perte de chance d'effectuer une carrière dans la police, il résulte de l'instruction que M. C..., âgé de 25 ans lors de l'aggravation de son état de santé, après avoir suivi un stage de trois mois à l'école de la police nationale en 2006, exerçait les fonctions d'adjoint de sécurité sous contrat, qu'il a dû démissionner de la police pour raison médicale le 26 février 2008 après que le diagnostic de sténose sub occlusive de l'artère iliaque externe droite a été posé, et qu'en raison des troubles artériels dont il souffre, il subit une limitation de son périmètre de marche et un déficit fonctionnel permanent de 12%. M. C... n'apporte toutefois aucun élément sur ses chances de progression de carrière pour devenir officier de police judiciaire, notamment pas ses évaluations professionnelles dont l'absence est opposée par le centre hospitalier. Il ne justifie pas non plus que ses échecs professionnels ultérieurs après avoir suivi une formation d'aide médico-psychologique seraient imputables à l'aggravation de son état de santé. Compte tenu de ces éléments et de son taux de déficit fonctionnel permanent de 12%, en fixant l'indemnité réparatrice de la perte de chance professionnelle de M. C... à la somme de 10 000 euros, le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du préjudice esthétique :
7. Les premiers juges ont alloué 2 000 euros au titre d'un préjudice esthétique de 1/7 représenté par des cicatrices résultant du pontage de 11 centimètres sur chacune des deux cuisses, comme il résulte du rapport d'expertise. Si le requérant conteste l'absence d'indemnisation accordée spécifiquement au titre de son préjudice esthétique temporaire, la somme globale de 2000 euros accordée par les premiers juges pour réparer l'ensemble du préjudice esthétique, temporaire et permanent n'est pas, en l'espèce, sous-évaluée.
S'agissant du préjudice d'agrément :
8. M. C... soutient qu'il pratiquait de nombreux sports comme le footing, le foot, le tennis de table, la musculation, nécessitant un bon usage de ses membres inférieurs. Le rapport d'expertise mentionne à la fois une limitation du périmètre de marche, une impossibilité de courir, mais aussi le fait que le requérant continue à jouer au tennis de table et en compétition. Dans ces conditions, en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 2 000 euros, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice.
S'agissant des souffrances endurées :
9. Il résulte de l'instruction, plus précisément du rapport d'expertise du 21 novembre 2014, que les souffrances endurées par M. C... en raison du dommage survenu en 2002 et de son aggravation en 2008 peuvent être évaluées à 5/7. Les premiers juges, en accordant, au titre de la part de ces souffrances résultant de l'aggravation de l'état de santé de l'intéressé en 2002, un montant de 8 000 euros, ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux définitifs :
10. Il résulte de l'instruction que le taux de déficit fonctionnel permanent de M. C... a été fixé à 12% par l'expert pour tenir compte de la limitation fonctionnelle alléguée par M. C... pour des efforts substantiels. Compte tenu de l'indemnisation partielle de ce préjudice déjà intervenue à l'occasion du protocole transactionnel conclu en septembre 2005, le tribunal n'a pas sous-estimé ce chef de préjudice en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 9 600 euros.
11. Concernant le préjudice d'anxiété lié à une pathologie évolutive, il ne résulte de l'instruction, plus précisément du rapport d'expertise, que le taux de déficit fonctionnel permanent de M. C... devrait se voir modifié en amélioration ou en aggravation. Toutefois, M. C... est soumis à une surveillance médicale régulière de son état de santé, pouvant générer de l'inquiétude. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer l'indemnité réparant ce chef de préjudice à la somme de 500 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à M. C... est portée à la 34 239,82 euros en réparation de ses préjudices.
Sur les dépens :
12.Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 600 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Versailles du 22 avril 2015 sont mis à la charge du centre hospitalier de Versailles.
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles la somme demandée à ce titre par M. C....
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Versailles est condamné à verser à M. C... est portée à la somme de 34 239,82 euros.
Article 2 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 600 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Versailles.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au centre hospitalier de Versailles, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Brotons, président,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Coudert, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
La rapporteure,
A.C. LE GARSLe président,
S. BROTONSLa greffière,
S. de SOUSA
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N°18VE04055 2