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05/07/2022 | FRANCE | N°18VE03772

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 05 juillet 2022, 18VE03772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Boucherie El Baraka a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du s

jour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 17 700...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Boucherie El Baraka a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 24 octobre 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 17 700 euros et de 2 124 euros.

Par un jugement n° 1710123 du 1er octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2018, la SARL Boucherie El Baraka, représentée par Me Cohen, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des contributions financières mises à sa charge par la décision du 24 octobre 2017, et à titre subsidiaire, de réduire le montant des contributions ;

3° de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'existe pas de relation de travail avec le ressortissant marocain en situation irrégulière trouvé en position de travail, en l'absence de rémunération ;

- subsidiairement, le montant des contributions financières mises à sa charge doit être réduit en application du III de l'article L.8253-1 du code du travail dès lors qu'elle en remplit les conditions et qu'elle est de bonne foi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2019, l'OFII, représenté par Me Schegin, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à charge de la SARL Boucherie El Baraka de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle effectué par les services de police le 27 avril 2017 par les services de police dans l'établissement exploité par la SARL Boucherie El Baraka situé 34 avenue Paul Vaillant Couturier à Stains (Seine-Saint-Denis), l'administration a relevé la présence d'un ressortissant marocain dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France. Par une décision du 24 octobre 2017, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la SARL Boucherie El Baraka la somme de 17 700 euros correspondant à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et celle de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. La SARL Boucherie El Baraka relève appel du jugement du 1er octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2017.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur: " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions ; il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur ; par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

4. Il résulte de l'instruction qu'au cours du contrôle effectué par la police le

27 avril 2017 dans l'établissement exploité par la SARL Boucherie El Baraka, la présence de M. A... B..., ressortissant marocain dépourvu de titre de séjour et d'autorisation de travail, en train de découper un poulet, a été constatée. Si la société requérante conteste l'existence d'une relation de travail au motif de l'absence de toute rémunération, il ressort du procès-verbal du 27 avril 2017 que le gérant de la société a néanmoins déclaré lors du contrôle que l'étranger en cause était venu " pour une période d'essai pour voir s'il sait travailler en tant que boucher ". Ainsi, alors même que M. B... a déclaré qu'il était venu rendre visite à son cousin et qu'il avait aidé ponctuellement en raison de l'affluence, compte tenu du caractère contradictoire des déclarations du gérant et de M. B..., et de la situation de travail de ce dernier, équipé de chaussures de travail lors du contrôle, l'existence d'une relation de travail entre M. B... et le gérant doit être regardée comme établie.

5. En second lieu, aux termes de l'article L.8253-1 du code du travail : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux ". Aux termes de l'article R.8253-2 du même code : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III.-Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ".

6. D'une part, il résulte de l'instruction que le procès-verbal d'infraction dressé le 27 avril 2017 à 18 heures mentionne, outre l'infraction d'" emploi d'étranger sans titre l'autorisant à travailler sur le territoire français " visée par l'article L.8251-1 du code du travail, celle de " travail dissimulé par dissimulation de salarié ". D'autre part, la requérante n'établit ni même n'allègue avoir acquitté les salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code. Contrairement à ce qu'elle soutient, elle ne remplit donc aucune des deux conditions posées par les dispositions de l'article R.8253-2 du code du travail pour l'application du montant réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu par l'article L.8253-1 du même code.

7. Les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et celles de l'article R. 8253-2 du même code n'autorisent l'administration à minorer le montant de la contribution spéciale que dans le cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6 du même code. Par conséquent, le moyen tiré de la prétendue bonne foi de la requérante ne peut être utilement soulevé pour contester les contributions litigieuses.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Boucherie El Baraka n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions formées par la SARL Boucherie El Baraka sur leur fondement doivent, en tout état de cause, être rejetées.

10. L'OFII n'étant pas partie perdante dans la présente instance les conclusions présentées par la SARL Boucherie El Baraka au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en tout état de cause qu'être que rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Boucherie El Baraka une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Boucherie El Baraka est rejetée.

Article 2 : La SARL Boucherie El Baraka versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Boucherie El Baraka et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

A.C. C...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 18VE03772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03772
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Caroline GROSSHOLZ
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-05;18ve03772 ?
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