Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2018 par lequel le maire de Montmagny agissant au nom de l'Etat l'a mis en demeure d'interrompre les travaux entrepris sur le terrain cadastré AD 211 212 situé 9 chemin des Postes.
Par un jugement n° 1813615 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés le 4 septembre 2020, le 17 décembre 2021 et le 28 décembre 2021, la commune de Montmagny, représentée par Me Gentilhomme, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Montmagny soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré du caractère étranger au permis de construire délivré des travaux en cause ;
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;
- il est de jurisprudence constante que si des travaux entrepris sont étrangers à l'autorisation de construire délivrée, le maire est en situation de compétence liée pour prendre un arrêté interruptif de travaux et que les moyens tirés des irrégularités formelles de cet arrêté sont inopérants ;
- le maire de Montmagny était absent entre le 15 et le 25 octobre 2018 et le premier adjoint disposant d'une délégation à cet effet a pu légalement signer l'arrêté litigieux ;
- le caractère contradictoire de la procédure, qui ne s'appliquait pas compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le maire, a été respecté en tout état de cause dès lors que M. B... a été averti de l'envoi de la lettre recommandée adressée par la commune le 6 octobre 2018 et ne l'a retirée que le 18 octobre 2018 ;
- M. B... ne peut valablement se prévaloir du droit à reconstruction à l'identique sans avoir demandé au préalable une autorisation d'urbanisme en ce sens ;
- contrairement à ce que soutient M. B..., l'arrêté litigieux ne se fonde pas sur les dispositions de l'article UG 9 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 10 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Pelé, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2021, la ministre de la transition écologique a déclaré régulariser la requête présentée pour la commune de Montmagny et s'approprier ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 juillet 2020.
Un mémoire présenté pour M. B... a été enregistré le 31 mai 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des postes et communications électroniques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- les observations de Me Guranna, substituant Me Gentilhomme, pour la commune de Montmagny, et de Me Pelé pour M. B....
Une note en délibéré présentée pour la commune de Montmagny a été enregistrée le 9 juin 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Montmagny fait appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté de son maire, agissant au nom de l'Etat, prescrivant l'interruption des travaux menés par M. B... sur un terrain situé 9, chemin des Postes. La ministre de la transition écologique a indiqué, par un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, s'approprier les conclusions et moyens de la commune.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif a statué au point 8 du jugement sur le moyen tiré de ce que les travaux devaient être regardés comme étant réalisés en méconnaissance d'une autorisation d'urbanisme précédemment délivrée à M. B... et de ce que dans, cette hypothèse, la procédure contradictoire devait être suivie par la commune en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments soulevés en défense par la commune de Montmagny, ont ainsi suffisamment motivé leur jugement quant à la conformité de l'arrêté litigieux aux dispositions de l'article L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme. Par suite, la commune de Montmagny n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute d'une motivation suffisante.
Sur le fond du litige :
3. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal ". En outre, aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L'interruption des travaux peut être ordonnée, dans les mêmes conditions, sur saisine du représentant de l'Etat dans la région (...). / Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. / Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'Etat dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public. ".
4. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées. Si, après établissement d'un tel procès-verbal, le maire peut, dans le second cas, prescrire par arrêté l'interruption des travaux, il est tenu de le faire dans le premier cas.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'au vu du procès-verbal dressé le 6 septembre 2018 constatant la réalisation de travaux entrepris en méconnaissance de l'autorisation d'urbanisme délivrée le 17 juin 2017 à M. B..., le maire de Montmagny a, par l'arrêté litigieux pris au nom de l'Etat, mis en demeure l'intéressé d'interrompre ces travaux. Dès lors qu'une autorisation de construire avait été délivrée à M. B... pour modifier et surélever une construction existante 9 chemin des Postes, la commune ne peut valablement soutenir que les travaux constatés par procès-verbal étaient insusceptibles de se rattacher à cette autorisation et que son maire se trouvait ainsi dans le cas décrit au point précédent de travaux entrepris sans autorisation de construire lui donnant compétence liée pour prescrire l'interruption des travaux. Par suite, le maire, qui n'était pas tenu de prescrire l'interruption des travaux litigieux, devait respecter la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 codifiée à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; / 4° Aux décisions prises par les organismes de sécurité sociale et par l'institution visée à l'article L. 5312-1 du code du travail, sauf lorsqu'ils prennent des mesures à caractère de sanction. ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".
7. Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le maire ordonne l'interruption des travaux au motif qu'ils ne sont pas autorisés par une autorisation d'urbanisme précédemment délivrée, qui est au nombre des mesures de police qui doivent être motivées, ne peut intervenir qu'après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations sauf en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles. Le respect de cette formalité implique que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.
8. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier daté du 3 octobre 2018, le maire de Montmagny a indiqué à M. B... qu'il envisageait de prescrire l'interruption des travaux et l'invitait à faire connaître ses observations dans le délai de cinq jours. Ce courrier, adressé à M. B... en recommandé avec accusé-réception a été présenté au domicile de ce dernier le 6 octobre 2018 et l'intéressé a retiré ce pli le 18 octobre suivant, dans le délai de quinze jours indiqué par les services de la poste en application des dispositions de l'article R. 1-1-6 du code des postes et communications électroniques, soit la veille de la signature de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, en l'absence d'urgence ou de circonstance exceptionnelle, M. B... ne peut être regardé comme ayant disposé d'un délai effectif suffisant pour permettre de considérer que le caractère contradictoire de la procédure prévue par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration a été respecté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montmagny n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Montmagny la somme de 2 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Montmagny est rejetée.
Article 2 : La commune de Montmagny versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montmagny, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Colrat, première conseillère,
M. Frémont, premier conseiller
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.
La rapporteure,
S. C...Le président,
B. EVENLa greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 20VE02462