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21/06/2022 | FRANCE | N°20VE01811

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 21 juin 2022, 20VE01811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d

'une activité professionnelle ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1910230 du 29 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Traore, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et, durant cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'erreur de droit dans la mesure où sa demande de titre se fondait sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur les dispositions de l'article L. 313-10 du même code ; dès lors, la présentation d'une promesse d'embauche pour exercer l'un des métiers figurant sur la liste fixée par la circulaire du 7 janvier 2008 ne pouvait être opposée comme condition de recevabilité de sa demande de titre, pas plus que la condition de visa de long séjour et de contrat de travail visé par les services de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2020, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 14 mars 1987, qui déclare être entré en France en juin 2016, a sollicité son admission au séjour le 5 février 2019. M. B... fait appel du jugement du 29 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté en litige, lequel mentionne de manière précise et circonstanciée la situation professionnelle, personnelle et familiale de l'intéressé, que le préfet des Hauts-de-Seine a procédé à un examen suffisant de la situation de M. B... au regard de la demande d'admission exceptionnelle au séjour que le requérant soutient avoir déposée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Aux termes de l'article

L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " ".

4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

5. D'une part, M. B... fait grief à l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 3 juillet 2019 d'avoir statué sur sa demande de titre de séjour au regard des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il n'aurait présenté de demande que sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code. Toutefois, il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a examiné la situation de l'intéressé tant au regard des dispositions relatives à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié qu'au regard de celles permettant une admission exceptionnelle au séjour, au titre de l'insertion professionnelle ou de la vie privée et familiale. Par conséquent, le requérant, qui au demeurant ne justifie pas de la nature de la demande qu'il a déposée, ne peut en tout état de cause utilement soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code précité, aux motifs qu'il ne présentait ni visa de long séjour, ni contrat de travail visé par les services de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, l'autorité préfectorale aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation. Au surplus, contrairement à ce qu'il est soutenu, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que le préfet des Hauts-de-Seine aurait opposé à l'intéressé l'absence de présentation d'une promesse d'embauche pour exercer l'un des métiers figurant sur la liste fixée par la circulaire du 7 janvier 2008. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Pour refuser à M. B... une admission au séjour pour des motifs exceptionnels tenant à son insertion professionnelle, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur le fait que l'intéressé produisait un contrat de travail en qualité d'employé de restauration mais que les bulletins de paie accompagnant ce contrat avaient été établis à une autre identité, le certificat de concordance établit par la société Compass Groupe France pour attester d'une embauche de l'intéressé depuis le 3 février 2018, sous une autre identité que la sienne, étant raturé. Le requérant ne produit aucun autre élément, en particulier des relevés bancaires, permettant de s'assurer qu'il aurait bien été le bénéficiaire des sommes versées en paiement des bulletins de salaire produits. En tout état de cause, à supposer même qu'il ait effectivement occupé un emploi à durée indéterminée au sein de cette société, celui-ci n'était exercé qu'à temps partiel et ne procurait à son titulaire que des revenus d'un montant limité et fortement variable d'un mois sur l'autre ainsi qu'il ressort des pièces produites. Dans ces conditions, et au vu du caractère très récent de ce contrat à la date de la décision contestée, soit moins de deux ans, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas, en considérant, en l'absence d'insertion professionnelle stable et pérenne, que l'intéressé ne pouvait prétendre à une admission au séjour au titre du travail pour des motifs exceptionnels, commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité.

7. D'autre part, si M. B... soutient être entré en France en juin 2016, il ne l'établit pas, aucune pièce ne permettant de justifier de la présence sur le territoire français de l'intéressé avant le mois de février 2018. Il fait valoir qu'il entretient une relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 5 mai 2029 portant la mention " réfugiée ivoirienne ", et que de cette relation est né, le 24 août 2018, un enfant. Toutefois, il ne justifie ni de l'ancienneté et de la stabilité de cette relation à la date de l'arrêté attaqué, et ne produit que quelques pièces, toutes postérieures à la décision en litige, pour soutenir qu'il participerait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, avec lequel il ne réside au demeurant pas. Le requérant n'est, en outre, pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où vit notamment son autre enfant, né en 2016 d'une précédente union. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour en France du requérant répondrait à des conditions humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, et au vu de ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points 6. et 7. de l'arrêt, l'arrêté litigieux ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte excessive. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

11. Si M. B... se prévaut de la naissance de son fils le 24 août 2018, il n'établit toutefois pas, ainsi qu'il a été dit au point 7., contribuer de manière effective et régulière à l'entretien de cet enfant avec lequel il ne réside pas, ni entretenir avec lui un lien affectif étroit. Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, l'ensemble de ses conclusions présentées à fin d'injonction sous astreinte ne peut qu'être également rejeté, ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Danielian, présidente,

Mme Bonfils, première conseillère,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juin 2022.

La rapporteure,

M.-G. A...La présidente,

I. Danielian La greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE01811


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01811
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : TRAORE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-21;20ve01811 ?
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