La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2022 | FRANCE | N°20VE01489

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 21 juin 2022, 20VE01489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision du 27 avril 2017 par laquelle le délégué de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans le département du Val-d'Oise a refusé de lui accorder, à titre gracieux, une subvention pour le remplacement de sa chaudière, et, d'autre part, la décision du 2 janvier 2018 par laquelle la directrice générale de l'ANAH a rejeté son recours hiérarchique à l'encontre de la décision du 27 avril 2017.

Par un

jugement n° 1801962 du 28 avril 2020, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, la décision du 27 avril 2017 par laquelle le délégué de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans le département du Val-d'Oise a refusé de lui accorder, à titre gracieux, une subvention pour le remplacement de sa chaudière, et, d'autre part, la décision du 2 janvier 2018 par laquelle la directrice générale de l'ANAH a rejeté son recours hiérarchique à l'encontre de la décision du 27 avril 2017.

Par un jugement n° 1801962 du 28 avril 2020, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé les décisions de l'ANAH des 27 avril 2017 et 2 janvier 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2020, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), représentée par Me Pouilhe, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, en ce qu'il ne comporte pas l'analyse des moyens qu'elle a présentés ni ne répond à ceux-ci, en particulier celui tiré de l'absence d'évaluation de l'installation par un opérateur agréé ;

- la décision du 27 avril 2017 était fondée au regard des dispositions des articles

R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation, et de l'article 5 du règlement général de l'ANAH, Mme B... n'invoquant à cette date aucun motif de santé justifiant d'une situation d'urgence au sens de ces articles ;

- le recours contre la décision sur recours hiérarchique du 2 janvier 2018 était, par voie de conséquence, inopérant et il y avait lieu de rejeter la requête de première instance dans son intégralité ; à titre subsidiaire, il n'est pas établi que les travaux en cause ont été évalués par un professionnel certifié et permis un gain de performance énergétique d'au moins 25 % requis pour bénéficier de la subvention en application du paragraphe 2.2 du règlement du Fonds d'aide à la rénovation thermique approuvé par le décret du 30 décembre 2015, retenu comme priorité du programme d'action de l'ANAH par décisions de son conseil d'administration du 30 novembre 2016 prises en application de l'article R. 321-15 du code de la construction et de l'habitation ;

- elle n'a jamais reconnu l'existence d'une situation d'urgence en raison de l'état de santé de Mme B... laquelle n'ouvrait pas droit à subvention et n'avait donc pas à être examinée ; en tout état de cause, cette situation n'est pas établie ;

- l'urgence ne dispense pas les propriétaires de justifier de l'accompagnement technique requis et de l'efficacité des travaux conformément aux dispositions de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 5 du règlement général.

Une mise en demeure de produire a été adressée à Mme B... le 22 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 2015-1911 du 30 décembre 2015 relatif au règlement des aides du fonds d'aide à la rénovation thermique des logements privés (FART) ;

- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Pouilhe, avocat de l'ANAH.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 23 janvier 2017, Mme B... a sollicité auprès de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), l'attribution, à titre exceptionnel, d'une subvention pour le remplacement de la chaudière de la résidence principale qu'elle occupe 22 rue de l'Alizé à Eragny, lequel a été réalisé le 28 décembre 2016. Le délégué départemental du Val-d'Oise de l'ANAH, par une décision du 27 avril 2017, a rejeté cette demande au motif que la situation ne relevait pas des cas dans lesquels il est possible de bénéficier d'une subvention à titre exceptionnel, alors que le dossier de demande de subvention n'a été déposé que postérieurement au commencement des travaux. Par une décision du 2 janvier 2018, la directrice générale de l'ANAH a rejeté le recours hiérarchique formé par Mme B... contre cette décision, au motif que si la situation de Mme B... " peut entrer dans la catégorie des travaux urgents ", susceptible de bénéficier de la dérogation à la condition de dépôt de demande de subvention avant le commencement des travaux, celle-ci ne s'inscrit pas dans les priorités définies par le conseil d'administration de l'ANAH, dans la mesure où l'installation du nouveau moyen de chauffage ne permet pas d'atteindre un gain de performance énergétique d'au moins 25 %. L'ANAH fait appel du jugement du 28 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé ces deux décisions.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article R. 321-2 du code de la construction et de l'habitation : " Dans le cadre de sa mission définie à l'article L. 321-1, l'Agence apporte son aide financière sous forme de subventions aux bénéficiaires mentionnés aux articles R. 321-12 (...) ". Aux termes du I de l'article R. 321-5 du même code, dans sa version applicable : " Le conseil d'administration exerce notamment les attributions suivantes : / (...) 3° Il établit le règlement général de l'agence (...) ; / 4° Il détermine les dépenses qui peuvent être subventionnées, le régime des aides et les contreparties demandées aux bailleurs (...) ". Le I de l'article R. 321-12 du même code dispose : " L'agence peut accorder des subventions : / (...) 2° Aux propriétaires (...) pour les logements qu'ils occupent eux-mêmes (...) ". Aux termes de l'article R. 321-18 de ce code : " (...) Pour les opérations et bénéficiaires mentionnés aux I et II de l'article R. 321-12, aucune aide ne peut être accordée si les travaux ont commencé avant le dépôt de la demande de subvention. Toutefois, le délégué de l'agence dans le département (...) peut, à titre exceptionnel, déroger à cette disposition, notamment en cas de travaux réalisés d'office par la commune ou l'Etat en application des articles L. 1331-29 et L. 1334-2 du code de la santé publique, ou des articles L. 129-2 et L. 511-2 du présent code et en cas d'application de l'article L. 125-1 du code des assurances (...) ". L'article 5 de l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat, adopté sur le fondement de l'article R. 321-5 du code de la construction et de l'habitation précise : " Conformément à l'article R. 321-18 du CCH, les travaux commencés avant le dépôt de la demande de subvention ne peuvent bénéficier d'une aide de l'agence. / Toutefois, le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire peut, à titre exceptionnel, accorder une subvention lorsque le dossier n'a pu être déposé qu'après le commencement des travaux, notamment : / - en cas de travaux urgents en raison d'un risque manifeste pour la santé ou la sécurité des personnes ; (...) ".

En ce qui concerne la décision du délégué de l'Agence nationale de l'habitat dans le département du Val-d'Oise du 27 avril 2017 :

3. Il est constant, d'une part, que Mme B... a effectué le changement de sa chaudière au plus tard le 28 décembre 2016, date de la facture de ces travaux qu'elle produit, et, d'autre part, qu'elle n'a déposé sa demande de subvention que le 23 janvier 2017. Si ce courrier constitue bien une demande de subvention présentée à titre exceptionnel, il ne fait aucunement mention d'ennuis de santé, ainsi que le fait valoir l'ANAH, mais évoque seulement une première demande de renseignements effectuée par l'intéressée en 2015 et l'état d'impécuniosité de cette dernière. La demanderesse a indiqué joindre à sa première demande simplement ses avis d'imposition des années 2013 à 2015 ainsi que la copie de la facture des travaux concernés par sa demande de subvention. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait apporté des justificatifs supplémentaires de sa situation dans la lettre de relance qu'elle a adressée au délégué de l'ANAH dans le département du Val-d'Oise le 22 mars 2017. Dans ces conditions, pour refuser à l'intéressée l'octroi d'une subvention à la suite du changement de la chaudière de son habitation par la décision en litige, dont la légalité s'apprécie à la date de son édiction, le délégué de l'ANAH était fondé à opposer à la demande de Mme B... les dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 1er août 2014 qui interdisent l'octroi d'une subvention après le commencement des travaux. C'est par suite à tort que les premiers juges ont estimé que l'intimée justifiait à cette date d'une situation d'urgence au sens de ces dispositions.

En ce qui concerne la décision de la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat du 2 janvier 2018 :

4. Dans le recours hiérarchique qu'elle a présenté le 12 juin 2017, Mme B... a fait état de ses différents problèmes de santé et indiqué joindre à son courrier à la fois le dossier envoyé à l'ANAH et des documents attestant de son état de santé. Si la réponse apportée par la directrice générale de l'ANAH à ce recours, le 2 janvier 2018, reconnaît que le motif invoqué par la demanderesse " peut entrer dans la catégorie des travaux urgents ", elle oppose que les conditions de gain de performance énergétique, d'accompagnement par un opérateur agréé et d'évaluation avant et après travaux ne sont pas remplies, et que le gain énergétique requis ne peut être réalisé par le seul remplacement de la chaudière en l'absence de travaux complémentaires d'isolation.

5. Aux termes de l'article R. 321-15 du code de la construction et de l'habitation : " Les dépenses qui peuvent donner lieu à subvention pour les différentes catégories de bénéficiaires et d'opérations mentionnés à l'article R. 321-12 sont déterminées par le conseil d'administration. ". Le 2° " Projet de travaux d'amélioration visant à résoudre une autre situation et ne justifiant pas l'application du plafond de travaux majoré " de la délibération n° 2013-07 du 13 mars 2013 du conseil d'administration de l'Agence nationale de l'habitat relative au régime d'aides applicable aux propriétaires occupants (art. R. 321-12-I [2o] du CCH) et aux personnes assurant la charge effective des travaux pour leurs ascendants ou descendants propriétaires occupants (art. R. 321-12-I [3o] du CCH) prévoit que : " c) Travaux de lutte contre la précarité énergétique : / Relèvent des travaux de lutte contre la précarité énergétique, au sens de la présente délibération, les travaux d'économies d'énergie compris dans le projet qui, figurant sur la liste des travaux recevables fixée par le conseil d'administration en application des articles

R. 321-15 du CCH et 4 du RGA, permettent un gain de performance énergétique du logement d'au moins 25 % et donnent lieu à l'octroi de l'aide de solidarité écologique dans les conditions définies par le règlement des aides du FART. Le taux de subvention majoré applicable pour ces travaux est fonction des ressources du ou des ménages concernés. ". Le point 2.2. du décret du 30 décembre 2015 relatif au règlement des aides du fonds d'aide à la rénovation thermique précise : " Prime complémentaire d'une aide de l'ANAH, l'ASE apporte un concours financier à la réalisation de travaux d'économie d'énergie. Elle est octroyée aux bénéficiaires des aides de l'ANAH suivants : / - les propriétaires occupants, ou bénéficiaires assimilés, visés aux 2° et 3° du I de l'article R. 321-12 du code de la construction et de l'habitation et respectant les conditions de ressources mentionnées au dernier alinéa du I du même article, lorsque le projet de travaux objet de l'aide de l'ANAH permet un gain de performance énergétique d'au moins 25 % ; (...) / Afin de vérifier l'atteinte de l'objectif minimal d'amélioration de la performance énergétique, une évaluation énergétique avant travaux et une évaluation énergétique projetée après travaux, exprimée en kWhep/m2.an, exprimant la consommation conventionnelle d'énergie du logement ou, dans le cas où le projet comprend exclusivement des travaux réalisés sur parties communes, du bâtiment ou de l'immeuble, sont réalisées dans les conditions prévues à l'annexe II, et jointes à la demande d'aide. ". L'annexe II à ce décret dispose en son II que les opérateurs réalisant les évaluations énergétiques devront justifier de leur compétence par l'une des certifications énumérées. En outre, en application de la délibération du 30 novembre 2016, la directrice générale de l'ANAH a pris la circulaire n° C 2017-01 du 30 janvier 2017 fixant les orientations du programme d'actions et des crédits de l'ANAH pour l'année 2017, au cours de laquelle Mme B... a déposé sa demande. Il ressort du point 5.2 de cette circulaire que " Les dossiers " autres travaux " ne permettant pas l'éligibilité au FArt n'ont pas vocation à être subventionnés. ".

6. Il résulte des dispositions précitées que pour obtenir la subvention demandée au titre du remplacement de la chaudière de son habitation, Mme B... devait justifier d'un gain de performance énergétique d'au moins 25 %, exigence pour laquelle aucune disposition ne prévoit de dérogation dans le cas de travaux présentant un caractère urgent. En se bornant à produire une facture Engie de consommation de gaz, Mme B..., n'établit ni même n'allègue avoir fait réaliser les diagnostics requis dans les conditions prévues par les textes. Il ressort au surplus de ce document, qu'à la suite du changement de la chaudière de Mme B... intervenu fin 2016, la consommation de gaz de son habitation n'a baissé que de 7,55 % entre 2016 et 2017. Dans ces conditions, Mme B..., qui ne produit pas de diagnostic de performance énergétique établi par un opérateur agréé, ne justifie pas d'un gain de performance énergétique d'au moins 25 % résultant des travaux au titre desquels elle a sollicité une subvention de l'ANAH. Par suite, la directrice de l'ANAH pouvait, pour ce seul motif, lui refuser la demande de subvention présentée.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, dès lors que la cour ne se trouve saisie d'aucun autre moyen par l'effet dévolutif de l'appel, que l'ANAH est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses décisions des 27 avril 2017 et 2 janvier 2018.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801962 du 28 avril 2020 du tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence nationale de l'habitat et à Mme C... B....

Délibéré après l'audience du 8 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Danielian, présidente,

Mme Bonfils, première conseillère,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juin 2022.

La rapporteure,

M.-G. A...La présidente,

I. DanielianLa présidente,

I. I. DanielianLa greffière,

C. Fourteau

La greffière,

A. Audrain FoulonLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE01489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01489
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-03-03-01 Logement. - Aides financières au logement. - Amélioration de l'habitat. - Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : POUILHE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-21;20ve01489 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award