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17/06/2022 | FRANCE | N°17VE02741

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 17 juin 2022, 17VE02741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 octobre 2015 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 861) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité la modélisation in vitro de la neurofibromatose de type 1 à des fins d'études physiopathologiques et thérapeutiques.

Par un jugement n° 1610387 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Montreuil a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 octobre 2015 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 861) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité la modélisation in vitro de la neurofibromatose de type 1 à des fins d'études physiopathologiques et thérapeutiques.

Par un jugement n° 1610387 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 août et 11 septembre 2017 et le 22 juin 2018, la Fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Hourdin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 13 octobre 2015 de l'Agence de la biomédecine ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les règles d'information et de consentement du couple géniteur fixées aux articles L. 2151-5 et R. 2151-4 du code de la santé publique ainsi que les principes éthiques visés au 4° de l'article L. 2151-5-I du même code ont été méconnus. C'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il appartenait à l'agence de la biomédecine de ne vérifier que les conditions posées au I de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique au nombre desquelles ne figurent pas celle relative au consentement du couple. En l'espèce le couple géniteur n'a pas donné son consentement écrit préalable, ni reçu les informations requises, alors que les lignées de cellules souches ont été dérivées sur le territoire français ;

- les dispositions de l'article L. 2151-5 I 3° du code de la santé publique ont été méconnues dès lors que les recherches en cause peuvent être menées sur des cellules pluripotentes induites sans recours à des embryons ou cellules souches embryonnaires. Il appartient à l'Agence de la biomédecine de démontrer qu'en l'état des connaissances scientifiques aucune autre alternative que le recours aux cellules souches embryonnaires ne permet de poursuivre la recherche envisagée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 5 janvier et 24 août 2018, l'Agence de la biomédecine, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Fondation Jérôme Lejeune.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par un arrêt n° 17VE02741 du 4 mai 2021, la cour a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des règles d'information et de consentement du couple géniteur fixées aux articles L. 2151-5 et R. 2151-4 du code de la santé publique ainsi que les principes éthiques visés au 4° de l'article L. 2151-5-I du même code et a, avant de statuer sur la requête de la Fondation Jérôme Lejeune, ordonné une expertise afin de déterminer si la modélisation in vitro de la neurofibromateuse de type F1 pouvait ou non, en l'espèce, être menée sans avoir recours à l'utilisation de CSEh.

Le rapport d'expertise établi par le Pr de Vos a été déposé le 19 novembre 2021 au greffe de la cour.

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2021, la Fondation Jérôme Lejeune a présenté ses observations sur l'expertise.

Par un mémoire enregistré le 26 janvier 2022, l'Agence de la biomédecine a présenté ses observations sur l'expertise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance du 11 avril 2022 du président de la cour administrative d'appel de Versailles liquidant et taxant les frais d'expertise à la somme de 440 euros pour le Pr de Vos ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- les observations de Me Hourdin pour la Fondation Jérôme Lejeune et celles de Me de Cénival pour l'Agence de la biomédecine.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 13 octobre 2015, l'Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 861) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité la modélisation in vitro de la neurofibromatose de type 1 à des fins d'études physiopathologiques et thérapeutiques. La Fondation Jérôme Lejeune relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 juin 2017 qui a rejeté sa demande en annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique alors applicable : " I. Aucune recherche sur l'embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain ne peut être autorisé que si (...) / 3° En l'état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ; ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation par l'Agence de la biomédecine d'un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d'un embryon humain est subordonnée, notamment, à la condition que la recherche ne doive pas pouvoir, en l'état des connaissances scientifiques, être menée sans recourir à des embryons ou des cellules souches embryonnaires.

3. La Fondation requérante soutient que le protocole de recherche autorisé qui a pour finalité la modélisation in vitro de la neurofibromateuse de type F1 à des fins d'études physiopathologiques et thérapeutiques, pouvait être mené en recourant aux cellules souches pluripotentes induites (iPS). Pour autoriser ce protocole de recherche, l'Agence de la biomédecine a considéré que le projet ne pouvait être mené sans recourir aux cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) dès lors qu'il n'existe pas de modèle animal, que le recours aux cellules iPS se heurterait à plusieurs obstacles, notamment la persistance d'une mémoire épigénétique, la difficulté et le peu d'efficacité de la mise au point de protocoles de différenciation de cellules IPS en cellules cutanées, et le fait que les résultats obtenus en utilisant des CSEh et ceux obtenus en utilisant des cellules iPS sont radicalement différents concernant cette maladie.

4. Il ressort des diverses pièces du dossier et notamment du rapport d'expertise ordonnée par la cour, que les CSEh étaient considérées à la date de la délivrance de l'autorisation attaquée comme la référence dans le domaine de la recherche, et que si les différences entre les cellules iPS et les CSEh peuvent s'estomper selon la qualité du protocole de reprogrammation, les CSEh restent les plus authentiquement pluripotentes contrairement aux cellules iPS dont la pluripotence est artificiellement obtenue. Il en ressort également qu'il n'est pas possible d'établir que des recherches menées sur des cellules iPS aboutiraient à un résultat identique à celles menées sur des CSEh et qu'il aurait ainsi existé, en l'état des connaissances scientifiques à cette date, une méthode alternative d'efficacité comparable. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique doit, par suite, être écarté.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la Fondation Jérôme Lejeune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

6. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 440 euros sont mis à la charge définitive de la Fondation Jérôme Lejeune.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Agence de la biomédecine qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fondation Jérôme Lejeune une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Fondation Jérôme Lejeune est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de la Fondation Jérôme Lejeune.

Article 3 : La Fondation Jérôme Lejeune versera à l'Agence de la biomédecine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Fondation Jérôme Lejeune, à l'Agence de la biomédecine, à l'Institut national de santé et de recherche médicale et à la ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.

La rapporteure,

A-C. A...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 17VE02741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02741
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCP PIWNICA et MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-17;17ve02741 ?
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