La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°20VE02464

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 juin 2022, 20VE02464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Foncier Construction a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 7 mai 2018 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée Y n° 90 située 16 rue des Filmins / 14 avenue du Président Franklin Roosevelt à Sceaux.

Par un jugement n° 1805920 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, la SAS Foncier Construction...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Foncier Construction a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 7 mai 2018 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF) a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée Y n° 90 située 16 rue des Filmins / 14 avenue du Président Franklin Roosevelt à Sceaux.

Par un jugement n° 1805920 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, la SAS Foncier Construction, représentée par Me Cazin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'EPFIF et de la commune de Sceaux la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Foncier Construction soutient que :

- la réalité du projet justifiant le recours à la préemption n'est pas établie ;

- cette décision entre en contradiction avec les refus de permis de construire opposés à la SAS Foncier Construction qui entendait elle aussi réaliser des logements sociaux ;

- l'établissement public territorial Vallée Sud-Grand-Paris a expressément exclu le droit de préemption de la délégation consentie à la commune par délibération du 7 mars 2017 et exclu toute subdélégation à la commune par l'EPFIF ;

- le titulaire du droit de préemption ne peut préempter un bien pour le rétrocéder à un tiers avec lequel il aurait conclu une convention d'intervention foncière, le bien préempté en l'espèce ne faisant de surcroit l'objet d'aucune servitude d'urbanisme inscrite au plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2021, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), représenté par Me Salaün, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Foncier Construction la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- les observations de Me Tavernier, substituant Me Cazin, pour la SAS Foncier Construction, et de Me Montagne, substituant Me Salaün, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF).

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Foncier Construction fait appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 mai 2018 du directeur général de l'EPFIF exerçant le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée Y n° 90 située 16 rue des Filmins / 14 avenue du Président Franklin Roosevelt à Sceaux.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. /( ...). Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. /(...). ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. ".

3. Il résulte de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant. Le juge de l'excès de pouvoir vérifie si le projet d'action ou d'opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit.

4. Il ressort des termes de la décision attaquée que le directeur général de l'EPFIF, après avoir visé, notamment, le plan d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de Sceaux et son objectif de construction de logements sociaux et de mixité sociale, le plan local de l'habitat adopté par la communauté d'agglomération le 18 janvier 2015 et la convention d'intervention foncière signée par la commune de Sceaux et l'EPFIF le 25 avril 2017, a pris en compte l'insuffisance du nombre de logements sociaux à Sceaux au regard des obligations fixées par la loi de solidarité et renouvellement urbain, l'objectif triennal de réalisation de logements sociaux assigné à la commune et le projet poursuivi par la commune de Sceaux de réaliser, sur un terrain identifié à l'article 4 de la convention d'intervention foncière précitée comme une parcelle à acquérir dans le cadre de la mise en œuvre d'opérations de construction de logements, la construction de logements dont 25 % au moins de logements sociaux. En motivant ainsi la décision de préemption litigieuse, le directeur général de l'EPFIF doit être regardé comme justifiant la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. La circonstance que la société requérante, acquéreur évincé, aurait elle aussi poursuivi sur la parcelle en cause un projet de construction de logements pour tout ou partie à caractère social ne saurait priver le titulaire du droit de préemption de son droit d'en faire usage dans le cadre du respect des dispositions précitées du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'absence de justification d'un projet entrant dans le champ de l'article L. 300-1 précité à la date de l'exercice du droit de préemption en litige doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'un établissement public territorial créé en application de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. (...) ". Aux termes de l'article L. 213-3 du même code : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. / Dans les articles L. 211-1 et suivants, L. 212-2 et suivants et L. 213-1 et suivants, l'expression "titulaire du droit de préemption" s'entend également, s'il y a lieu, du délégataire en application du présent article. ".

6. Le droit de préemption urbain est susceptible d'être délégué par son titulaire à une autre collectivité publique dans les conditions prévues par l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme. Ni cet article, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne font obstacle à ce que ce droit soit exercé par son titulaire en vue de la cession ultérieure à une autre collectivité publique dès lors que l'usage qui en est fait entre lui-même dans le champ des prévisions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'établissement public territorial Vallée-Sud-Grand-Paris, titulaire en application des dispositions précitées du droit de préemption urbain, en a délégué l'exercice pour certaines zones de la commune de Sceaux, au nombre desquelles est située la parcelle du 14 avenue du Président F. Roosevelt, à l'EPFIF. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, le projet poursuivi par la commune de Sceaux entrait dans le champ des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme, l'EPFIF, lié à la commune par une convention d'intervention foncière dont l'article 4 visait expressément le bien préempté, a pu légalement mettre en œuvre le droit de préemption dans le but de céder ultérieurement le terrain en cause à la commune de Sceaux, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette dernière ne disposait pas de la faculté d'exercer elle-même ce droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Foncier Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SAS Foncier Construction la somme de 2 000 euros à verser à l'EPFIF sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Foncier Construction est rejetée.

Article 2 : la SAS Foncier Construction versera à l'établissement public foncier d'Ile-de-France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Foncier Construction, à l'établissement public foncier d'Ile-de-France et à la commune de Sceaux.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Colrat, première conseillère,

M. Frémont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

S. A...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 20VE02464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02464
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-09;20ve02464 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award