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10/05/2022 | FRANCE | N°21VE00062

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 21VE00062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

Par un jugement n° 1915252 du 7 décembre 2020, le trib

unal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

Par un jugement n° 1915252 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2021, M. A..., représenté par Nunes, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2020 ainsi que l'arrêté du 21 août 2019 du préfet de l'Essonne ;

2°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour défaut de motivation

- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'indique pas avoir pris en compte l'ensemble des critères imposés par la loi ;

- l'arrêté n'est pas dument motivé car le préfet n'a pas motivé son refus de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

- le préfet n'a pas examiné effectivement l'emploi qu'il occupait, n'a donc pas procédé à un examen particulier ;

- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance des articles 41 et 51§1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il peut bénéficier d'un titre de séjour au titre des articles L.313-11-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- il remplit les conditions de l'article 6.4 de la directive n° 2008/115/CE ;

- il remplit les critères posés par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- l'interdiction de retour de deux ans est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2021, la préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 30 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 28 avril 1985, est entré en France le 13 février 2014. Par un arrêté du 21 août 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement aux affirmations du requérant, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a mentionné, au point 2 du jugement, des éléments de fait sur lesquels le préfet s'est notamment fondé pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., dont l'absence de considération humanitaire ou de motif exceptionnel, ces éléments permettant de comprendre l'absence de régularisation de la situation de M. A.... La décision d'user ou non d'un pouvoir discrétionnaire n'étant soumise à aucune obligation de motivation, le tribunal a suffisamment motivé le jugement sur le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, si le requérant contestait devant le tribunal avoir utilisé une fausse carte d'identité française pour exercer une activité salariée, le jugement dans son point 9, a considéré que cet usage n'était pas contesté. Il a ainsi répondu au moyen tiré de l'erreur de fait, la critique de la réponse apportée par le tribunal relevant du bien-fondé du jugement. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, M. A... soutient que le préfet n'a pas motivé le refus de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation de la situation d'un étranger au regard de son droit au séjour. Toutefois, la décision de faire ou non usage d'un pouvoir discrétionnaire ne relève d'aucune catégorie de décision devant être motivée.

5. En deuxième lieu, M. A... soutient que le préfet n'a pas examiné effectivement l'emploi de tourier /pâtissier qu'il occupe. Il ressort au contraire des termes de la décision attaquée que le préfet a visé le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la SARL Boulangerie de Crimée à compter du 4 juin 2019 pour cet emploi, ainsi que le contrat précédant conclu en 2016 à compter d'avril 2016. Si M. A... soutient qu'il occupe cet emploi de longue date, il ressort des pièces du dossier que son premier contrat n'a été conclu qu'en avril 2016. Il ne ressort ainsi pas des termes de la décision attaquée que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation professionnelle du requérant. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit, par suite, être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". Ces dispositions, qui n'instituent pas une catégorie de titres de séjour distincte, fixent notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le territoire français. Toutefois, si l'accord franco-marocain ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. Il ressort expressément des termes de l'arrêté attaqué que le préfet des Hauts-de-Seine a considéré que les éléments apportés par M. A... ne permettait pas de le faire bénéficier d'une mesure de régularisation à titre discrétionnaire. En invoquant son activité professionnelle de tourier/pâtissier depuis 2016, M. A... ne justifie pas de l'existence d'une considération humanitaire ou d'un motif exceptionnel de nature à permettre sa régularisation. Enfin, l'intéressé est célibataire et sans charge de famille. Ainsi, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de prononcer l'admission exceptionnelle au séjour de M. A.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité, qui ne sont pas contraires aux dispositions de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont l'arrêté serait entaché sur ce point. Si M. A... soutient également que la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 a été partielle, il n'invoque aucun élément de nature à établir l'inexactitude ou le caractère incomplet de cette transposition. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6.4 de cette directive ne peut, dès lors, qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, si M. A... conteste avoir fait usage d'une fausse carte nationale d'identité française pour conclure son contrat de travail le 15 octobre 2016, comme le mentionne la décision attaquée, le préfet des Hauts-de-Seine produit toutefois une copie de ce contrat indiquant la nationalité française pour M. A..., ainsi qu'une copie d'une carte nationale d'identité française à son nom. Par suite, en produisant un formulaire CERFA d'autorisation de travail non daté et non enregistré par les services de la préfecture, M. A... n'établit pas que le préfet des Hauts-de-Seine aurait entaché sa décision d'une erreur de fait.

9. En cinquième lieu, M. A... ne saurait utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, ni de celle du 24 novembre 2009, qui sont dépourvues de tout caractère règlementaire et ne contiennent aucune ligne directrice opposable au préfet dans la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Si M. A... fait valoir qu'il est entré en France en 2014, qu'il vit chez sa sœur, qu'il a tissé des liens personnels et familiaux en France, il est toutefois célibataire, sans charge de famille et n'établit pas l'intensité des liens allégués, ni être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans et où résident ses parents et cinq de ses frères et sœurs. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas, en prenant la décision attaquée, porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, ainsi, qu'être écartés.

Sur la mesure d'éloignement :

11. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 41 et 51§1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 4 et 5 du jugement.

12. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle du requérant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt.

Sur l'interdiction de retour :

13. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge dans le point 14 du jugement, l'autorité administrative n'ayant pas à préciser expressément les critères sur lesquels, après les avoir examinés, elle ne s'est pas fondée.

14. En deuxième lieu, M. A..., ainsi qu'il a été dit précédemment au point 7, n'apporte aucun élément de nature à établir l'inexactitude ou le caractère incomplet de la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de cette directive ne peut, dès lors, qu'être écarté.

15. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans enfant et ne justifie pas d'attache d'une particulière intensité en France, que ni le refus de titre de séjour ni l'obligation de quitter le territoire ne portent une atteinte excessive à sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'interdiction de retour sur le territoire de deux ans doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022 .

La rapporteure,

A.C. C...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00062
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : NUNES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;21ve00062 ?
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