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10/05/2022 | FRANCE | N°20VE00244

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 10 mai 2022, 20VE00244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles :

1°) d'ordonner au radiologue qui l'a insulté et harcelé moralement, ainsi qu'à la direction du centre hospitalier d'Arpajon, de lui présenter des explications et des excuses ;

2°) d'annuler toutes les décisions discriminatoires adoptées par le centre hospitalier d'Arpajon à son encontre depuis le 1er juillet 2014, en particulier la décision du 15 mars 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé de renouveler

son contrat de travail à durée déterminée à son échéance ;

3°) de requalifier son co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles :

1°) d'ordonner au radiologue qui l'a insulté et harcelé moralement, ainsi qu'à la direction du centre hospitalier d'Arpajon, de lui présenter des explications et des excuses ;

2°) d'annuler toutes les décisions discriminatoires adoptées par le centre hospitalier d'Arpajon à son encontre depuis le 1er juillet 2014, en particulier la décision du 15 mars 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé de renouveler son contrat de travail à durée déterminée à son échéance ;

3°) de requalifier son contrat de travail initial conclu le 1er juillet 2014 en contrat triennal ou en contrat à durée indéterminée en conséquence de l'annulation de la décision du 15 mars 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé de renouveler son contrat de travail à durée déterminée à son échéance ;

4°) de réparer et régulariser sa situation administrative depuis le 1er juillet 2014 par la délivrance du " pack employeur " et l'obtention d'un certificat de résidence de 10 dix ans ;

5°) d'ordonner au centre hospitalier d'Arpajon de coopérer avec la préfecture pour régulariser sa situation administrative sur le territoire français ;

6°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à lui verser la somme de 693 700 euros en réparation desu préjudices qu'il a subis du fait des illégalités fautives des décisions attaquées ainsi que du harcèlement et de la discrimination dont il a été victime ;

7°) de l'inscrire au conseil de l'ordre et de le muter si nécessaire.

Par jugement n° 1708662 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 2 janvier 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arpajon a refusé de lui verser l'indemnité de précarité et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et quatre mémoires complémentaires enregistrés les 23, 25 et 26 janvier 2020, 16 septembre 2020 et le 26 mai 2021, M. C..., représenté par Me Gerard, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) d'annuler les décisions prises à son encontre par le centre hospitalier depuis le 1er juillet 2014, en particulier la décision du 15 mars 2016 par laquelle le centre hospitalier d'Arpajon a refusé de renouveler son contrat de travail et la décision implicite de refus opposée à son courrier du 1er septembre 2017 tendant à obtenir la délivrance de son attestation Pôle emploi ;

4°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à réparer les divers chefs de préjudices, estimés dans ses différentes écritures, qu'il estime avoir subis depuis le 1er juillet 2014, assortis des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arpajon le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le centre hospitalier d'Arpajon et son avocat n'étaient pas présents à l'instance ;

- il est irrégulier dès lors que les premiers juges ne l'ont pas laissé terminer ses observations lors de l'audience ;

- ce jugement, qui est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne cite pour toutes les pièces a été rendu de façon partiale et inéquitable ;

- il a été rendu en méconnaissance du principe d'égalité d'accès à la justice ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions du code du travail, de la Constitution, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ses conclusions d'annulation dirigées contre la décision du 15 mars 2016 du centre hospitalier d'Arpajon ne sont pas tardives ;

- la décision implicite née de la demande du 1er septembre 2017 méconnait les dispositions des articles L. 5422-1 et L. 5424-1 du code de travail ;

- l'illégalité fautive de la décision du 15 mars 2016 est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Arpajon ;

- le centre hospitalier d'Arpajon a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en ne lui versant pas la totalité de son indemnité de précarité, en refusant de lui délivrer le " pack employeur ", en refusant de lui délivrer les documents sociaux sollicités, en prenant des mesures discriminatoires à son égard et au motif qu'il a subi des agissements de harcèlement moral dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ;

- il a droit à la réparation des divers préjudices qu'il a subis, dont il fixe une évaluation dans les pièces qu'il produit.

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2021, le centre hospitalier d'Arpajon, représenté par Me Coll, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation dirigées la décision du 16 mars 2015 sont tardives ;

- les conclusions indemnitaires ne sont pas recevables au motif qu'elles sont dépourvues de faits et de moyens ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gérard, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., médecin urgentiste de nationalité algérienne, a été recruté par le centre hospitalier d'Arpajon en qualité de praticien attaché associé par contrat à durée déterminée d'une durée de trois mois à compter du 1er juillet 2014. Ce contrat a été renouvelé à trois reprises pour une durée de six mois les 24 septembre 2014, 7 avril 2015 et 24 septembre 2015. Par une décision du 15 mars 2016, le directeur du centre hospitalier d'Arpajon a informé M. C... que son contrat de travail ne serait pas renouvelé à son échéance au 31 mars 2016. Par un courrier du 2 janvier 2017, le directeur du centre hospitalier a refusé de verser à M. C... l'indemnité de précarité consécutive à la fin de son contrat de travail. Par un courrier du 1er septembre 2017, M. C... a demandé au centre hospitalier du lui adresser son attestation Pôle emploi. Une décision implicite de rejet est née le 1er novembre 2017. M. C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler ces trois décisions, d'ordonner au radiologue qui l'a insulté et harcelé moralement, ainsi qu'à la direction du centre hospitalier d'Arpajon, de lui présenter des explications et des excuses, de requalifier son contrat de travail initial conclu le 1er juillet 2014 en contrat triennal ou en contrat à durée indéterminée en conséquence de l'annulation de la décision du 15 mars 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé de renouveler son contrat de travail à durée déterminée à son échéance, de réparer et régulariser sa situation administrative depuis le 1er juillet 2014 par la délivrance du " pack employeur " et l'obtention d'un certificat de résidence de 10 dix ans, d'ordonner au centre hospitalier d'Arpajon de coopérer avec la préfecture pour régulariser sa situation administrative sur le territoire français, de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à lui verser la somme de 693 700 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des illégalités fautives des décisions attaquées ainsi que du harcèlement et de la discrimination dont il a été victime et de l'inscrire au conseil de l'ordre et de le muter si nécessaire. Par un jugement du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 2 janvier 2017 et a rejeté le surplus des conclusions. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa requête.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) " . Aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".

3. Il ressort du dossier de première instance que l'avocat du centre hospitalier d'Arpajon a été régulièrement convoqué à l'audience du 12 novembre 2019, par un courrier du 23 octobre 2019 notifié ce même jour. La circonstance que le centre hospitalier d'Arpajon et son conseil ne se soient pas présentés à l'audience est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Par suite, les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du contradictoire.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter (...) en personne (...) des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. (...) ".

5. Il ressort des visas du jugement, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que l'intéressé a pu présenter des observations lors de l'audience du 12 novembre 2019. Ainsi, la circonstance, au demeurant non établie, que l'intéressé ait été interrompu durant la présentation de ses observations ne saurait entacher le jugement d'une irrégularité. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du CJA : " Les jugements sont motivés ".

7. Il résulte des motifs du jugement que le tribunal administratif de Versailles a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par M. C.... En particulier, le tribunal administratif, qui a visé tous les mémoires et qui n'était pas tenu de se fonder sur toutes les pièces produites, a appuyé son raisonnement au regard des pièces du dossier, et notamment les courriers, attestations et contrats produits par le requérant. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur décision, auraient méconnu le principe d'impartialité et le droit au procès équitable

8. En quatrième lieu, si M. C... soutient que le tribunal n'a pas respecté le principe d'égalité d'accès à la justice, il n'apporte aucune précision de nature à apprécier le bien-fondé de ce moyen. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

9. En cinquième lieu, si M. C... soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard des dispositions du code du travail, de la Constitution, de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier d'Arpajon :

10. En premier lieu, le centre hospitalier reprend en appel la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions dirigées contre sa décision du 15 mars 2016. Il y a lieu, par adoption des motifs énoncés aux points 4 à 6 du jugement du tribunal administratif du 26 novembre 2019, de confirmer cette irrecevabilité, le fait invoqué par M. C... de ne pas être un professionnel du droit ne constituant pas une circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il soit regardé comme ayant saisi le juge de l'excès de pouvoir au-delà d'un délai raisonnable. Les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cette décision ne peuvent donc qu'être rejetées.

11. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "

12. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier d'Arpajon, la requête de première instance de M. C..., qui n'était pas représenté par un avocat, contenait l'exposé des faits et des moyens précisant les fautes invoquées et les préjudices subis à l'appui de ses conclusions indemnitaires. Par suite, cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision implicite née de la demande du 1er septembre 2017 :

13. Aux termes de l'article L. 5422-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants du présent code ou à l'article L. 421-12-2 du code de la construction et de l'habitation, aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure. " Aux termes de l'article L. 5424-1 de ce code : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : / 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ; (...) ". Aux termes de l'article R. 1234-9 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi. (...) ".

14. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à l'expiration d'un contrat à durée déterminée, la délivrance de l'attestation prévue à l'article R. 1234-9 du code du travail constitue une obligation pour l'employeur s'agissant des agents qui, placés dans la situation de M. C..., sont involontairement privés d'emploi. Par suite, en refusant implicitement de délivrer l'attestation à laquelle M. C... avait droit, le centre hospitalier d'Arpajon a méconnu les dispositions précitées du code du travail. M. C... est fondé à demander l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur le non-renouvellement de son contrat :

15. Aux termes de l'article R. 6152-602 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour pouvoir être recruté en qualité de praticien attaché, le postulant doit : / 1° Remplir les conditions légales d'exercice de la profession de médecin, chirurgien-dentiste ou pharmacien en France et :/ a) Soit remplir les conditions prévues par les articles L. 4111-1 ou L. 4221-1 ; / b) Soit être autorisé à exercer la profession de médecin, chirurgien-dentiste ou pharmacien, en application des articles L. 4111-2, L. 4131-1-1, L. 4141-3-1, L. 4221-12, L. 4221-14-1, L. 4221-14-2, L. 6213-3, de la première phrase du 1° de l'article L. 6213-2 ou de l'article 60 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle ; (...) / 7° Pour les étrangers autres que les ressortissants communautaires, être en situation régulière au regard de la réglementation relative aux conditions de séjour et de travail. " Aux termes de l'article R. 6152-632 de ce code : " Peuvent être recrutés comme praticiens attachés associés les praticiens qui, ne remplissant pas les conditions indiquées aux 1° et 2° de l'article R. 6152-602, ont achevé leurs études médicales, odontologiques ou pharmaceutiques et qui, en outre, remplissent les conditions de diplôme, de titre et de formation fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur. (...) ".

16. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

17. M. C... soutient que la décision de refus de renouvellement de son contrat repose sur des motifs discriminatoires. Cette décision est fondée, au regard des écritures du centre hospitalier d'Arpajon, sur l'absence de titre de séjour du requérant, l'absence d'autorisation d'exercice et les difficultés relationnelles rencontrées par M. C.... S'il ne résulte pas de l'instruction que M. C... aurait eu de mauvaises relations avec ses collègues, en revanche, M. C... n'était plus en situation régulière depuis le 2 octobre 2014. La circonstance que le requérant aurait engagé des démarches afin de régulariser sa situation ne permet pas de le regarder comme remplissant la condition de séjour régulier exigé au 7° de l'article R. 6152-602 précité. En outre, si M. C... soutient que d'autres médecins ont été recrutés alors qu'ils ne bénéficiaient pas d'une autorisation d'exercer, il n'apporte aucun élément de nature à établir le bien-fondé de ses allégations. Ainsi le centre hospitalier aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré de l'irrégularité de séjour de M. C... pour refuser de renouveler son contrat à durée déterminée. Par suite, les conclusions présentées par M. C... tendant à la réparation de son préjudice de carrière pour discrimination doivent par suite être rejetées.

Sur le non-respect du délai de préavis par la décision du 15 mars 2016 :

18. Aux termes de l'article R.6152-633 du code de la santé publique : " Les articles (...) R.6152-602, à l'exception des 1° et 2°, et R.6152-603 à R.6152-611 (...) sont applicables aux praticiens attachés associés ". Aux termes de l'article R. 6152-610 du même code que : " Les praticiens attachés sont recrutés pour un contrat d'une durée maximale d'un an, renouvelable dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois. (...) / En cas de non-renouvellement du contrat par l'une ou l'autre des parties au contrat, le préavis est de quinze jours pour les contrats d'une durée inférieure à six mois et de deux mois pour les contrats d'une durée au plus égale à un an. (...) ".

19. Il résulte de l'instruction que le dernier contrat de M. C... arrivant à terme le 31 mars 2016 était conclu pour une durée de six mois. En application des dispositions précitées, le délai de préavis en cas de non renouvellement était de deux mois. Or M. C... n'a été informé du non-renouvellement de son contrat que par courrier du 15 mars 2016 qui lui a été remis en main propre ce même jour. Par suite, le délai de préavis de deux mois, lequel constitue une garantie, n'a pas été respecté. Dans ces conditions, la décision du 15 mars 2016 est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière. Cette irrégularité constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier d'Arpajon. Il sera fait une juste appréciation des troubles subis par M. C... dans ses conditions d'existence du fait du non-respect du préavis en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 1000 euros.

Sur le versement de l'indemnité de précarité :

20. Aux termes de l'article R. 6152-610 du code de la santé publique, applicable aux praticiens attachés associés en vertu de l'article R. 6152-633 de ce code : " Les praticiens attachés sont recrutés pour un contrat d'une durée maximale d'un an, renouvelable dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois. Lorsque, au terme de chaque contrat, la relation de travail n'est pas poursuivie, le praticien attaché a droit, à titre de complément de rémunération, à une indemnité destinée à compenser la précarité de sa situation. Le montant et les conditions de versement de l'indemnité sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-612 de ce code applicable aux praticiens attachés associés en vertu de l'article R.6152-633 de ce code : " Les praticiens attachés perçoivent après service fait : / 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés et la durée des obligations hebdomadaires de service hospitalier ; ces émoluments sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale ; ils sont revalorisés comme les traitements de la fonction publique par arrêté du ministre chargé de la santé ; (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 21 octobre 2003 relatif à l'indemnité de précarité prévue à l'article 12 et à l'indemnité différentielle mentionnée à l'article 13 du décret n° 2003-769 du 1er août 2003 relatif aux praticiens attachés et praticiens attachés associés : " Le montant brut de cette indemnité est égal à 10 % du total des émoluments bruts visés au 1° de l'article 14 du décret du 1er août 2003 susvisé, dus au titre du contrat en cours. Cette indemnité n'est pas soumise à cotisations IRCANTEC. "

21. Il résulte de ces dispositions que le montant de l'indemnité de précarité à laquelle a droit M. C... doit être calculé, contrairement à ce qu'il soutient, à partir de la rémunération brute versée à l'intéressé uniquement au titre de son dernier contrat de travail. Il résulte de sa fiche de paie d'avril 2016 que M. C... a perçu une indemnité de précarité d'un montant 1 504,23 euros, correspondant au 10% de la rémunération brute qu'il a perçu pendant son contrat d'une durée de six mois. Par suite, les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité de précarité supérieure à celle qu'il a perçue doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'absence de diligence du centre hospitalier dans la régularisation de son séjour :

22. M. C... soutient que le centre hospitalier d'Arpajon a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant de lui délivrer le " pack employeur ". Il résulte de l'instruction que le requérant a engagé des démarches dans le but d'obtenir un titre de séjour. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir que le centre hospitalier aurait refusé de l'aider dans ses démarches. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander la condamnation du centre hospitalier d'Arpajon pour ce motif.

En ce qui concerne l'absence de délivrance des documents sociaux :

23. Il résulte des motifs énoncés au point 13 et 14 que le centre hospitalier d'Arpajon ne pouvait légalement refuser de délivrer à M. C... l'attestation Pôle emploi qu'il avait sollicité. En refusant implicitement de la délivrer, le centre hospitalier d'Arpajon a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, si M. C... soutient avoir subi un préjudice à hauteur de 50 000 euros, il n'apporte pas d'élément permettant d'établir qu'il aurait pu percevoir cette somme s'il avait obtenu cette attestation qui ne préjuge en rien ses droits à une allocation au titre de l'assurance chômage. Il n'y a donc pas lieu d'indemniser ce chef de préjudice allégué. Par ailleurs si M. C... soutient avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence au motif qu'il se serait retrouvé en situation précaire, sans abri et sans revenu pour lui permettre de subvenir à ses besoins élémentaires, il ne produit aucun relevé bancaire ou tout autre document qui permettrait d'établir la réalité ce préjudice. Les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent par suite être rejetées.

En ce qui concerne les discriminations subies et le harcèlement moral:

24. En premier lieu, si M. C... allègue avoir subi des discriminations au motif qu'il n'aurait pu bénéficier de formation et d'avancement d'échelon, il n'apporte pas d'élément au soutien de ses allégations. Par ailleurs, il résulte des motifs énoncés au point 22 que l'absence de diligence du centre hospitalier d'Arpajon pour aider l'intéressé à régulariser sa situation au regard de son droit au séjour n'est pas établie. Enfin, ainsi qu'il a été dit, il ne résulte pas de l'instruction que le non renouvellement du contrat de M. C... ne serait pas intervenu au regard du caractère irrégulier du séjour de l'intéressé. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier d'Arpajon aurait eu une attitude discriminatoire à son encontre.

25. En second lieu, Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

26. M. C... produit un résumé des faits de harcèlement qu'il aurait subi précisant notamment qu'il aurait subi des " insultes répétées et inexpliquées " de la part d'un radiologue qui aurait également déchiré à plusieurs reprises ses demandes d'échographie. Toutefois, la simple photo d'un papier déchiré de demande d'échographie ne suffit à imputer cette action à ce radiologue. Par suite, M. C... n'apporte pas suffisamment de preuves de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

27. Les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice résultant d'une attitude discriminatoire du centre hospitalier à son égard et d'un harcèlement moral doivent par conséquent être rejetées.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé d'annuler la décision implicite du centre hospitalier née de la demande formée le 1er septembre 2017de lui délivrer une attestation Pôle emploi et à condamner le centre hospitalier d'Arpajon à lui verser une indemnité de 1 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence. Il y a lieu d'assortir cette somme des intérêts légaux à compter du 4 décembre 2017, date de sa demande devant le tribunal administratif de Versailles, et des intérêts capitalisés à compter du 4 décembre 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

29. L'exécution du présent arrêt implique seulement d'enjoindre au centre hospitalier d'Arpajon de délivrer à M. C... l'attestation lui permettant de faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi. Le surplus des conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doit, par suite, être rejeté.

Sur les dépens :

30. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions formées par M. C... sur leur fondement doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

31. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arpajon ou de M. C... les sommes demandées par l'une ou l'autre partie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite du 1er novembre 2017 du centre hospitalier d'Arpajon est annulée.

Article 2 : Le centre hospitalier d'Arpajon est condamné à verser à M. C... une indemnité de 1000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence, somme assortie des intérêts légaux à compter du 4 décembre 2017, et de leur capitalisation à compter du 4 décembre 2018.

Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier d'Arpajon de délivrer à M. C... l'attestation destinée à Pôle emploi prévue à l'article R. 1234-9 du code du travail.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 26 novembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Arpajon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7: Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier d'Arpajon.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La rapporteure,

A.-C. B...Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°20VE00244 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00244
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : CABINET COLL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-10;20ve00244 ?
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