Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Hôtel et Résidence Garges a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 14 septembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 14 080 euros et 4 248 euros.
Par un jugement n° 1509957 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, et un mémoire complémentaire enregistrés le 6 juillet 2018 et le 25 juin 2019, la SARL Hôtel et Résidence Garges, représentée par Me Garcia, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement et la décision du 14 septembre 2015;
2° à titre subsidiaire, de réduire le montant des contributions spéciale et forfaitaire à hauteur de 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti ;
3° de condamner l'OFII aux entiers dépens ;
4° de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Hôtel et Résidence Garges soutient que :
- la décision a été prise par un auteur incompétent, Mme E... C... ne justifiant pas d'une délégation du directeur général de l'OFII ;
- la décision a été prise sans tenir compte des observations qu'elle a présentées, en méconnaissance de l'article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
- la décision est entachée d'erreur de qualification juridique des faits compte tenu de la bonne foi de la requérante, qui ignorait la situation irrégulière des deux individus qu'il lui est reproché d'avoir embauchés dès lors qu'ils ont présenté l'original d'une carte d'identité française, et qu'elle n'était pas en mesure de savoir qu'il s'agissait de faux papiers;
- la décision a fixé le montant de la contribution spéciale à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti alors que les conditions d'application du montant réduit à 2000 fois le taux horaire prévu par les dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail sont remplies.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué par les services de police le 8 avril 2015 du chantier de rénovation de l'établissement " Hôtel et Résidence " situé 57 avenue de Stalingrad à Garges-les-Gonesse (Val d'Oise) et exploité par la SARL Hôtel et Résidence Garges, l'administration a relevé la présence de deux ressortissants algériens dépourvus de titres les autorisant à séjourner et à travailler en France. Par une décision du 14 septembre 2015, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la SARL Hôtel et Résidence Garges la somme de 14 080 euros correspondant à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et celle de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. La SARL Hôtel et Résidence Garges relève appel du jugement du 3 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 14 septembre 2015.
2. En premier lieu, par une décision du 17 juillet 2015, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur le 15 août suivant, le directeur général de l'OFII a donné délégation à M. B... D..., directeur de l'immigration, du retour et de la réinsertion des étrangers et, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à Mme E... C..., pour signer notamment les décisions d'application des contributions spéciales et forfaitaires. Dès lors qu'il n'est pas établi que M. D... n'était pas absent ou empêché, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'incompétence en tant qu'elle a été signée par Mme C... doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ".
4. Il résulte de l'instruction que la requérante a reçu notification, le 8 juin 2015 du courrier du 5 juin précédent par lequel l'OFII l'informait qu'elle envisageait de mettre à sa charge la contribution spéciale prévue par l'article L.8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévu par l'article L.626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de son droit de présenter des observations par courrier dans un délai de 15 jours à compter de la réception de ce courrier. La société a présenté ses observations par courrier du 16 juin 2015. La décision du 14 septembre 2015 mettant les contributions litigieuses à la charge de la requérante est ainsi intervenue après que la société ait été mise à même de présenter ses observations. Si la société requérante soutient qu'il n'a pas été tenu compte de ses observations, il résulte au contraire de l'instruction que le taux de la contribution spéciale a été ramené à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti alors que la lettre du 5 juin 2015 annonçait un taux de 5 000 fois le taux horaire. Par suite, la décision attaquée du 14 septembre 2015 dans laquelle l'OFII n'était pas tenue de mentionner les observations présentées par la requérante, n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions précitées.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 (...) ".
6. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.
7.Il résulte toutefois du procès-verbal d'audition établi le jour même du contrôle de M. A..., salarié étranger sans autorisation de travail, que ce dernier a déclaré avoir acheté une photocopie de carte nationale d'identité française à son nom, que l'autre salarié M. F... a déclaré ne pas avoir signé de contrat de travail, et que le gérant de la société requérante a déclaré, le 30 avril 2015, qu'il s'était contenté, au moment d'embaucher les deux étrangers en cause, de recueillir les photocopies des fausses cartes nationales d'identité présentées par ces derniers sans les examiner. Si la société requérante soutient dans son dernier mémoire en appel que les deux salariés ont présenté lors de l'embauche des originaux de carte nationale d'identité française, ce qui la dispensait d'effectuer des vérifications, elle n'établit pas, au regard de ses précédentes déclarations et de celles de ses deux salariés, le bien-fondé de cette allégation. Dans ces conditions, la requérante qui ne s'est pas assurée de l'authenticité des copies produites, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas en mesure de savoir que les documents présentés revêtaient un caractère frauduleux et ne peut utilement invoquer ni l'absence d'élément intentionnel, ni sa prétendue bonne foi. Enfin, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de classement sans suite. La circonstance que la procédure pénale initiée ait été classée sans suite et abandonnée est sans incidence sur le bien-fondé de l'application des contributions spéciale et forfaitaire à la société requérante dès lors que la matérialité des faits est établie. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de qualification juridique des faits doit être écarté.
8. En dernier lieu, si la requérante se prévaut, à titre subsidiaire, de l'applicabilité du taux réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu par l'article L. 8251-1 du code du travail, il résulte de l'instruction que l'OFII a fait application dans la décision litigieuse de ce taux réduit, le montant de 7 040 euros mis à la charge de la requérante au titre de la contribution spéciale pour l'embauche de chacun des deux étrangers en cause correspondant au produit du minimum garanti, qui en 2015, s'élevait à 3,52 euros, par 2 000. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur du taux applicable, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Hôtel et Résidence Garges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
10. L'OFII n'étant pas partie perdante dans la présente instance les conclusions présentées par la SARL Hôtel et Résidence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Hôtel et Résidence Garges une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais qu'il a exposés, non compris dans les dépens. En l'absence de tous dépens dans la présente instance, il n'y a pas lieu de les mettre à la charge de la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Hôtel et Résidence Garges est rejetée.
Article 2 : La SARL Hôtel et Résidence Garges versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'OFII est rejeté.
N°18VE02320 2