Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Vitogaz France a demandé au tribunal administratif de Cergy Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 7 avril 2016 rejetant sa demande de certificats d'économies d'énergie, d'enjoindre au chef du pôle national des certificats d'économies d'énergie d'examiner sa demande de certificats d'économies d'énergie formée le 24 mars 2016 sur le fondement des dispositions de l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie, et d'autre part, d'annuler la décision de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat du 21 juillet 2016 retirant la décision tacite, intervenue le 30 mai 2016, par laquelle elle lui avait accordé les certificats d'économies d'énergie sollicités.
Par un jugement n° 1605491, 1608895 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les demandes présentées par la société Vitogaz France.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire du 13 mai 2019, un mémoire complémentaire enregistré le 30 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 14 juillet 2021, la société Vitogaz France, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du 7 avril 2016 refusant d'instruire sa demande de certificats d'économies d'énergie au regard des dispositions de l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie ;
3° d'annuler la décision ministérielle du 21 juillet 2016 retirant la décision tacite intervenue le 30 mai 2016, puis rejetant la demande de certificats d'économies d'énergie ;
4° d'enjoindre à l'Etat d'examiner sa demande de certificats d'économies d'énergie formée le 24 mars 2016 sur le fondement des dispositions de l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie ;
5° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
La société Vitogaz soutient que :
- le jugement qui ne comporte pas la signature du président et du rapporteur est irrégulier ;
- le jugement qui vise les deux notes de rapporteur produites sans les avoir analysées est irrégulier ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision du 7 avril 2016 ne faisait pas grief ;
- la décision du 21 juillet 2016 ne pouvait retirer la décision tacite intervenue le 30 mai 2016 dès lors qu'elle n'est entachée d'aucune illégalité ;
- l'arrêté du 20 mars 2015 méconnait le principe de sécurité juridique ainsi que le principe de non rétroactivité des actes administratifs ;
- l'illégalité constatée de l'arrêté du 20 mars 2015 devait entrainer l'annulation de la décision ministérielle ;
- l'annulation n'est pas conditionnée par l'éventuelle influence de l'illégalité dudit règlement et les effets de la déclaration d'illégalité d'un acte réglementaire ne peuvent être modulés dans le temps ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu un motif d'intérêt général, dès lors que, à la date d'entrée en vigueur du 15ème arrêté, l'opération était engagée ;
- ledit arrêté n'était pas applicable à sa demande de certificats d'économies d'énergie présentée le 25 mars 2015, dès lors que l'opération était déjà engagée à cette date ;
- en admettant même que le dossier était incomplet, cette circonstance avait pour seule conséquence de ne pas faire courir le délai de deux mois au terme duquel une décision implicite d'acceptation pouvait intervenir.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'énergie ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur ;
- l'arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie ;
- l'arrêté du 20 mars 2015 définissant les opérations standardisées d'économies d'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Orio,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lyon-Caen pour la société Vitogaz France.
Une note en délibéré présentée par la société Vitogaz France a été enregistrée le 28 janvier 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La société Vitogaz France a présenté, le 24 mars 2016, un dossier de demande de certificats d'économies d'énergie correspondant à une opération de distribution de 141 000 kits de systèmes hydro-économes, menée par ses soins du 7 janvier au 5 mars 2016. Par une décision du 21 juillet 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat a retiré la décision implicite d'acceptation dont était titulaire cette société depuis le 30 mai 2016 et a rejeté sa demande de certificats d'économies d'énergie. La société Vitogaz fait appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la lettre du 7 avril 2016 lui demandant de contrôler l'ensemble des opérations comprises dans sa demande d'attribution et de la décision du 21 juillet 2016 retirant la décision tacite intervenue le 30 mai 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement a été signée notamment par le président de la formation de jugement et le rapporteur. Le moyen de régularité y afférent doit donc être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, le jugement relève, au point 6, que la demande a été formée par courrier du 24 mars 2016 et, au point 12, que la distribution des kits fabriqués par la société requérante n'a débuté que le 7 janvier 2016. Ces indications permettent à la société requérante de comprendre pourquoi le tribunal administratif a estimé que l'opération n'a pas été engagée à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 20 mars 2015, le 30 mars 2015. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, les notes en délibéré transmises par les parties ne comportant pas de moyen nouveau, c'est sans commettre d'irrégularité que le tribunal les a visées sans les analyser.
5. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que par une lettre du 7 avril 2016 mentionnant une " demande de contrôle ", le ministre a, en réponse à la demande de certificats d'économies d'énergie datée du 24 mars 2016, réceptionnée le 29 mars 2016, rappelé à la société requérante la réglementation qu'il estimait applicable et demandé à cette dernière de contrôler l'ensemble des opérations liées à sa demande pour vérifier leur conformité et, notamment, la présence d'une attestation sur l'honneur portant sur le respect de la nouvelle version de la fiche BAR-EQ-112 issue de l'arrêté du 20 mars 2015. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que cette décision, qui lui demande une action positive lui fait grief, que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre cette décision comme irrecevables. Il y a donc lieu d'annuler le jugement en litige sur ce point comme irrégulier et de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 avril 2016 par la voie de l'évocation et sur le surplus des conclusions de la requête par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la légalité de la décision du 7 avril 2016 :
6. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la lettre du 7 avril 2016, qui a été suivie d'une décision tacite d'acceptation puis d'une décision de retrait, constituerait un refus d'instruire un dossier de demande de certificats d'économie d'énergie dès lors que si le ministre a demandé à la société de contrôler sa demande, il ne lui a pas demandé de compléter son dossier.
7. En second lieu, aux termes de l'article 1er du code civil : " Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures. ". Aux termes de l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration : " L'autorité administrative investie du pouvoir réglementaire est tenue, dans la limite de ses compétences, d'édicter des mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 lorsque l'application immédiate d'une nouvelle réglementation est impossible ou qu'elle entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Elle peut également y avoir recours, sous les mêmes réserves et dans les mêmes conditions, afin d'accompagner un changement de réglementation. ".
8. L'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante. En principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause.
9. Et aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 4 septembre 2014 susvisé : " (...) / Les pièces constitutives d'une demande de certificats d'économies d'énergie sont établies avant le dépôt de cette demande. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 décembre 2014 susvisé : " I.-Le présent arrêté entre en vigueur le 1er janvier 2015. Les fiches d'opérations standardisées définies dans les annexes 1 à 6 sont applicables : / 1° A toutes les opérations engagées à compter du 1er janvier 2015 ; / 2° Aux opérations engagées avant le 1er janvier 2015 lorsque le dossier correspondant de demande de certificats d'économies d'énergie est adressé à l'autorité administrative compétente à compter du 1er janvier 2016. ". Aux termes de son article 5 : " (...) Toutefois les fiches d'opérations standardisées définies dans ces arrêtés restent applicables aux opérations standardisées d'économie d'énergie engagées avant le 1er janvier 2015, sous réserve que le dossier correspondant de demande (...) soit adressé (...) au plus tard : (...) / 2° Le 31 décembre 2015 (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 20 mars 2015 susvisé : " L'annexe 2 de l'arrêté du 22 décembre 2014 est ainsi modifiée : / 1° La fiche d'opération standardisée portant la référence BAR-EQ-112 et son annexe 1 sont remplacées par les versions figurant à l'annexe 6 du présent arrêté portant la même référence ; ".
10. Il ressort des pièces du dossier que, avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 20 mars 2015 définissant les opérations standardisées, l'annexe 1 de la fiche d'opération standardisée BAR-EQ-112 imposait seulement au distributeur d'attester du caractère effectif de la distribution des kits de régulateurs de jet, alors que, à compter de l'entrée en vigueur de cet arrêté, il revient à chacun des bénéficiaires de l'opération de remplir une attestation sur l'honneur. Si la société requérante soutient que son opération a débuté avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 20 mars 2015 dès lors qu'elle avait commandé les hydrojets le 3 mars 2015, ainsi qu'en atteste le devis signé par ses soins, cette seule commande, en l'absence de tout commencement de distribution ne suffit pas à établir que son opération était engagée et que l'arrêté de 2014 aurait dû être applicable. Si elle soutient également que cette modification réglementaire a eu pour effet de lui imposer une contrainte supplémentaire sans que des mesures transitoires ne lui permettent de s'adapter à cette réglementation nouvelle, Il est constant que cette société n'a débuté la distribution des kits que plus de neuf mois après l'arrêté du 20 mars 2015, soit le 7 janvier 2016, ce qui lui laissait amplement le temps de prévoir les modalités permettant aux bénéficiaires de remplir une attestation sur l'honneur, avant de déposer sa demande le 24 mars 2016. Dès lors, les moyens tirés de ce que l'arrêté du 22 décembre 2014 aurait dû être applicable, de ce que l'arrêté du 20 mars 2015 méconnaitrait le principe de sécurité juridique, ainsi que le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne peuvent qu'être écartés.
11. L'illégalité de l'arrêté du 20 mars 2015 n'étant pas établie et celui-ci étant applicable au litige, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision du 7 avril 2016, le ministre s'est borné à lui demander de contrôler sa demande et non de compléter son dossier, celui-ci ne pouvant, en tout état de cause, plus être complété dès lors que l'article 4 de l'arrêté du 4 septembre 2014 précité prévoit que les pièces sont établies avant le dépôt de la demande.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 avril 2016 ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre d'examiner la demande sur le fondement de l'arrêté du 22 décembre 2014 ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la légalité de la décision du 21 juillet 2016 :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 11 du présent arrêt que le moyen invoqué par voie d'exception tiré de l'illégalité de l'arrêté du 20 mars 2015 ne peut qu'être écartée.
14. Par ailleurs, le ministre n'ayant pas, par sa lettre du 7 avril 2016, demandé à la société de compléter son dossier mais de contrôler sa demande, celle-ci était titulaire d'une décision tacite d'acceptation à compter du 30 mai 2016. Toutefois, la société n'ayant pas fourni les attestations sur l'honneur prévues par la fiche d'opération standardisée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision du 21 juillet 2016 dont elle était titulaire depuis le 30 mai 2016, le ministre a retiré cette décision implicite d'acceptation qui était illégale.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vitogaz France n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 21 juillet 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il statue sur la légalité de la décision du 7 avril 2016 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Vitogaz est rejeté.
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N° 19VE01826