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25/01/2022 | FRANCE | N°19VE03463

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 25 janvier 2022, 19VE03463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air Limousines a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1402992 du 5 octobre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE03388 du 25 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la so

ciété Air Limousines contre ce jugement.

Par une décision n° 419254 du 14 octobre 2019, le C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air Limousines a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.

Par un jugement n° 1402992 du 5 octobre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE03388 du 25 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Air Limousines contre ce jugement.

Par une décision n° 419254 du 14 octobre 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire à cette cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 novembre 2015 et 25 avril 2016, et après cassation, les 15 et 29 novembre 2019, et 19 février 2020, la société Air Limousines, représentée par Me Lecocq, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2015 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011.

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions fixées pour bénéficier d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit dès lors que ses prestations reposent sur l'exécution d'un contrat de transport ; elle assume la responsabilité de l'opération de transport et les formules " heures jour ", " heures nuit " et " forfait journalier " qu'elle propose à ses clients ont pour base tarifaire un forfait horaire et un forfait kilométrique, avec des majorations en cas de dépassement du nombre de kilomètres ou de temps prévu ;

- le règlement européen n° 684/92 du 16 mars 1992 et la directive 62-2005 du 23 juillet 1962 prévoient que les entreprises de " grande remise " constituent des entreprises de transport routier public de voyageurs ;

- une lettre du secrétaire d'Etat en charge du budget du 6 octobre 2015 prévoit que les prestations de transport réalisées par un exploitant de VTC sont soumises au taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit ;

- elle exerce une activité similaire à celle des taxis et la différence de traitement existant entre ces deux catégories méconnaît le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garanti par les articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel, dans sa décision 2014-422 QPC du 17 octobre 2014, ayant, par ailleurs, retenu que les prestations des exploitants de VTC étaient des prestations de transport public de voyageurs.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Danielian,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Air Limousines, qui exerce une activité dite de " grande remise ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application, à certaines des prestations qu'elle fournit, du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 %. Par un jugement en date du 5 octobre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête. Par un arrêt du 25 janvier 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement. Par une décision du 14 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 26 novembre 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé, au bénéfice de la société Air Limousines, un dégrèvement à concurrence de 17 429 euros. Les conclusions de sa requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions :

3. Aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) b quater : les transports de voyageurs (...) ". Le taux réduit de 5,5 % s'applique aux mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes lorsque ces opérations procèdent de l'exécution de contrats qui peuvent être qualifiés de contrats de transport, compte tenu notamment de leurs stipulations relatives à l'assurance et à la responsabilité du propriétaire ainsi qu'aux conditions concrètes d'exploitation de l'activité, en particulier des stipulations relatives à la tarification et à la maîtrise du déplacement par le propriétaire du véhicule. Ne relèvent pas d'une telle qualification, faute d'accord préalable sur les trajets à effectuer, les mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes facturées à l'heure, pour lesquelles le tarif est totalement indépendant de la distance parcourue, voire de l'existence ou non d'un déplacement, comme les prestations assorties d'un kilométrage illimité ou celles dont les tarifs sont calculés exclusivement en fonction de la tranche horaire et de la durée de la prestation.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des propositions de rectification adressées à la société en date du 10 décembre 2012 et du 25 mars 2013, que le service vérificateur s'est fondé, pour notifier les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, sur l'analyse des conditions générales de vente, les bons de missions ainsi que l'ensemble des factures présentées par la société qui mentionnaient le numéro de bon de mission émis pour la prestation, l'objet et la date ces prestations exécutées, les durées de location et les tarifs pratiqués. Sur la base de ces éléments, le service a maintenu au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, les prestations qualifiées de transfert ou assimilables à de telles opérations, pour lesquelles la tarification était directement liée à la distance parcourue ou la destination finale déterminée à l'avance telles que les prestations " transfert aéroport " et " transfert ville ", ainsi que les prestations qui leur sont accessoires. Il a, en revanche, appliqué le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée aux prestations mentionnées dans les factures comme des mises à disposition de véhicules, telles que les prestations " heures jour ", " heures nuit " et " forfait journalier ", dont il a considéré qu'elles revêtaient le caractère de prestations de location de véhicules, dès lors que la tarification était établie en fonction de la durée de cette mise à disposition, sans que soit pris en compte le kilométrage effectué pendant la durée de la prestation. Contrairement à ce qu'il est soutenu, la seule circonstance que les états produits par le service listant les prestations de service restant en litige au titre de l'année 2009 font apparaître un kilométrage, n'est pas de nature à corroborer l'existence d'un contrat de transport dès lors qu'il résulte de ces mêmes documents que la facturation a exclusivement été établie à l'heure, toute heure commencée étant due, indépendamment du kilométrage parcouru. Par ailleurs, et pour ce même motif, la société ne saurait utilement reprocher à l'administration de n'avoir porté aucun kilométrage sur les états des années 2010 et 2011. Il n'est, en outre, pas contesté que la facture ALFA21 du 31 janvier 2010 produite par l'appelante concerne des prestations pour laquelle aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée ne subsiste à la suite du dégrèvement. Ainsi, l'appelante n'apporte aucun élément, alors qu'elle est la seule à même de pouvoir le faire, de nature à mettre en évidence que, contrairement à ce qu'il ressort des états en cause, le tarif de chaque prestation serait dépendant du kilométrage parcouru, ce qui ne ressort pas davantage de ses seules conditions générales de vente. Enfin, se bornant à une argumentation d'ensemble, elle n'allègue pas que le prix de telle ou telle course serait, ne serait-ce que pour partie, facturée sur une distance effectivement parcourue ou sur un itinéraire précis établi à l'avance. Dans ces conditions, les prestations restant en litige ne revêtent pas le caractère de prestations de transport de voyageurs au sens des dispositions précitées du b quater de l'article 279 du code général des impôts, mais de prestations de services de location, soumises au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée. C'est, par suite, à bon droit que l'administration fiscale a estimé, en ce qui concerne les prestations restant en litige, que l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée n'était pas justifiée au vu des éléments produits.

5. En deuxième lieu, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la directive 62-2005 du 23 juillet 1962 relative aux règles communes pour les transports de marchandises par route et du règlement n° 684/92 du 16 mars 1992 relatif aux transports internationaux de voyageurs effectués par autocars, dès lors que ces textes ne régissent pas son activité.

6. En troisième lieu, si la société Air Limousines soutient qu'elle exerce une activité similaire à celle des taxis et que la différence de traitement existant entre ces deux catégories méconnaît le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garanti par les articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, il résulte de ce qui a été dit au point 4. que l'imposition a été établie conformément à la loi fiscale et que la requérante n'a, au demeurant, pas saisi la cour d'une question prioritaire de constitutionnalité dans les formes et conditions prévues par les dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Par suite, ce moyen tiré de la rupture du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté comme irrecevable.

7. En quatrième lieu, la société requérante soutient que la décision de l'administration méconnaitrait la portée de la décision n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014 dès lors que, par cette décision, le Conseil constitutionnel a retenu que les taxis et les véhicules de transport avec chauffeur ne peuvent être traités différemment lorsqu'ils exercent l'activité de transport individuel de personnes sur réservation préalable. Toutefois, les prestations " heures jour ", " heures nuit " et " forfait journaliers " ne correspondant pas à l'exercice d'une prestation de contrat de transport, pour les motifs mentionnés au point 4., le moyen tiré d'une rupture d'égalité par rapport aux taxis ne peut qu'être écarté.

8. En dernier lieu, à supposer que la société requérante ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dont elle n'invoque pas explicitement le bénéfice, de la lettre du secrétaire d'Etat en charge du budget du 6 octobre 2015, celle-ci est postérieure à la période d'imposition en litige. Par suite, l'appelante n'est, en tout état de cause, pas fondée à s'en prévaloir.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Air Limousines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de la somme de 17 429 euros dégrevée en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Air Limousines est rejeté.

2

N° 19VE03463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03463
Date de la décision : 25/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : LECOCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-25;19ve03463 ?
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