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04/01/2022 | FRANCE | N°21VE00957

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 04 janvier 2022, 21VE00957


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle et d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2100026 du 10 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tri

bunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle et d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2100026 du 10 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 avril 2021, M. B..., représenté par Me Février, avocate, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît son droit d'être entendu garanti par les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi dans son pays d'origine ;

- l'exécution de l'arrêté attaqué violerait le droit au recours effectif garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Ablard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien né le 4 avril 1987, relève appel du jugement du 10 mars 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Essonne n'a pas renouvelé son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".

3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés d'un défaut de motivation de l'arrêté attaqué et d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant par adoption des motifs retenus par le tribunal aux points 3 et 5 de sa décision.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

6. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (10 septembre 2013, aff. C-383/13) qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

7. Si M. B..., qui a présenté une demande de titre de séjour au titre de l'asile, soutient qu'il aurait vainement cherché à solliciter un rendez-vous en préfecture en vue de faire état d'éléments nouveaux ou de solliciter un titre de séjour sur un autre fondement, il ne l'établit par aucune pièce. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que M. B... a été privé du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. B... soutient qu'il réside en France depuis 2019, qu'il est inscrit en première année de licence à l'université Paris Nanterre, qu'il a bénéficié d'un accompagnement social important au sein de cette université, qu'il dispose d'un logement, et qu'il est intégré. Toutefois, le requérant, entré récemment en France, ne justifie pas d'une ancienneté de séjour suffisante sur le territoire national. En outre, M. B..., célibataire et sans charge de famille, n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut de son droit à l'éducation et d'une inscription en première année de licence à l'université de Paris Nanterre, il ressort des pièces du dossier qu'il est déjà titulaire d'une licence en sciences de l'éducation, obtenue au Mali en 2012. Enfin, l'intéressé ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, une intégration particulière en France. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté. Cet arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M. B..., telle que précédemment décrite.

10. En quatrième lieu, si M. B..., qui n'a présenté aucune demande de titre de séjour sur ces fondements, se prévaut des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier et des éléments exposés ci-dessus qu'il remplirait les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

11. En cinquième lieu, si le requérant soutient qu'il a présenté au Conseil d'Etat un recours contre le rejet de sa demande d'aide juridictionnelle et que l'exécution de l'arrêté attaqué méconnaîtrait son droit à un recours effectif, garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours.

12. Enfin, il y a lieu d'écarter le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs retenus par le tribunal au point 11 de sa décision.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : M. B... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

N° 21VE00957 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00957
Date de la décision : 04/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : FEVRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-04;21ve00957 ?
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