Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Croc Tout a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 par lequel la préfète de l'Essonne a rejeté sa demande de dérogation au repos dominical, ensemble la décision du 4 juillet 2018 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1806220 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020 et des mémoires en réplique enregistrés les 17 mars et 1er juillet 2021, la SAS Croc Tout, représentée par Me Delumeau, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté n°2018/PREF/SCT/18/007 du 9 février 2018 par lequel la préfète de l'Essonne a rejeté sa demande de dérogation au repos dominical, ensemble la décision du 4 juillet 2018 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de l'autoriser à déroger au repos dominical en ouvrant les dimanches toute la journée, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 9 février 2018 est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- cet arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas tenu compte de l'avis favorable rendu le 12 février 2018 par le conseil municipal de Corbeil-Essonnes concernant sa demande de dérogation ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le refus d'octroyer à son établissement une dérogation au repos dominical, d'une part, compromet le fonctionnement normal de celui-ci et, d'autre part, est préjudiciable au public.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coudert,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ben Osmane pour la SAS Croc Tout.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Croc Tout exploite, sous l'enseigne " O'Marché Frais ", un établissement de vente au détail de produits alimentaires, situé 106 boulevard Jean Jaurès à Corbeil-Essonnes (Essonne), au sein du centre commercial " La Montagne des Glaises ". Par courrier du 17 décembre 2017, la société requérante a sollicité une dérogation au repos dominical sur le fondement de l'article L. 3132-20 du code du travail, afin d'être en mesure d'ouvrir son supermarché le dimanche après 13 heures, horaire limite prévu par la dérogation permanente au repos dominical dont disposent les commerces de détail alimentaires en vertu de l'article L. 3132-13 du code du travail. Par courrier du 8 janvier 2018, la préfète de l'Essonne a consulté le conseil municipal de Corbeil-Essonnes. Par arrêté du 9 février 2018, la préfète de l'Essonne a rejeté la demande de dérogation présentée par la société requérante. Le 23 mars 2018, la SAS Croc Tout a formé contre cet arrêté un recours gracieux, qui a été rejeté par décision du 4 juillet 2018. La société Croc Tout relève appel du jugement du 8 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2018, ensemble la décision du 4 juillet 2018.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 3132-2 du code du travail : " Le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives (...) ". Aux termes de l'article L. 3132-3 du même code : " Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ". Aux termes de l'article L. 3132-20 du même code : " Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités suivantes : / 1° Un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l'établissement ; / 2° Du dimanche midi au lundi midi ; / 3° Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; / 4° Par roulement à tout ou partie des salariés ". Aux termes de l'article L. 3132-21 du même code : " Les autorisations prévues à l'article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans, après avis du conseil municipal et, le cas échéant, de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, de la chambre de commerce et d'industrie, de la chambre de métiers et de l'artisanat, ainsi que des organisations professionnelles d'employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées de la commune ". Enfin, aux termes de l'article R. 3132-16 du même code : " Les avis mentionnés au premier alinéa de l'article L. 3132-21 sont donnés dans le délai d'un mois. Le préfet statue ensuite dans un délai de huit jours par un arrêté motivé qu'il notifie immédiatement aux demandeurs ".
3. La société Croc Tout soutient que l'arrêté du 9 février 2018 par lequel la préfète de l'Essonne a rejeté sa demande de dérogation au repos dominical est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que ce refus compromet le fonctionnement normal de l'établissement puisque le chiffre d'affaires réalisé le dimanche après-midi par l'établissement " O'Marché Frais " représente une part substantielle de son activité et que la fermeture de l'établissement sur cette plage horaire entraîne un important détournement de sa clientèle vers des commerces concurrents.
4. Il ressort en effet des pièces du dossier, ainsi que le soutient la société requérante, que deux magasins de vente au détail de produits alimentaires à l'enseigne " Franprix " et un magasin à l'enseigne " Carrefour City ", situés, comme le magasin de la requérante, sur le territoire de la commune de Corbeil-Essonnes, sont ouverts les dimanches après-midi. Le ministre n'apporte aucune précision sur les conditions dans lesquels ces magasins concurrents sont amenés à ouvrir le dimanche après-midi, alors que le préfet de l'Essonne se bornait à faire valoir en première instance qu'aucun établissement ayant la même activité que la requérante n'avait été autorisé à occuper des salariés le dimanche après-midi dans le département. Dans ces conditions, la société Croc Tout est fondée à soutenir que le rejet de sa demande de dérogation au repos dominical, qui induit un détournement de sa clientèle vers des commerces concurrents, compromet son fonctionnement normal et que, par suite, la préfète a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Croc Tout est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2018 de la préfète de l'Essonne, ensemble la décision du 4 juillet 2018 rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
7. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté attaqué implique nécessairement, sous réserve de changements de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, que l'autorisation sollicitée soit délivrée à la société Croc Tout sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de délivrer cette autorisation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titres des frais exposés par la société Croc Tout et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1806220 du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 9 février 2018 de la préfète de l'Essonne, ensemble la décision du 4 juillet 2018 portant rejet du recours gracieux, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à la société Croc Tout une autorisation de dérogation au repos dominical dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société Croc Tout une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Croc Tout est rejeté.
N° 20VE03134 4